« Edge strategy » : deux associés de L.E.K. révèlent des gisements de croissance dans un livre
Forts de leur expérience de partners chez L.E.K., Alan Lewis et Dan McKone donnent dans leur livre, les recettes qui ont notamment fait le succès d’iTunes, de Whole Foods ou des compagnies de croisières. Edge Strategy est devenu leur bréviaire pour leur travail de consultant.
Nous les avons interviewé pour en savoir plus sur la genèse du livre et son utilisation d'un point de vue commercial.
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C’est ce que pensent Alan Lewis et Dan McKone dans leur récent livre Edge Strategy : A New Mindset For Profitable Growth sorti en janvier 2016 chez Harvard Business Review (en vente sur Amazon).
Pour eux, les entreprises disposent, sous leurs yeux, d’importants gisements de croissance inexploités. Difficiles à voir, ils sont situés à la limite – à la frontière, au bord, à la périphérie – de ce qui fait leur métier. Selon les auteurs, cette démarcation, appelée à se déplacer pour recouvrir de nouvelles opportunités, n’est pas évidente à identifier.Ils ont donc décidé d’y consacrer un livre.
« Edge Strategy est un concept fort qui n’avait pas été nommé auparavant. Nous avons eu l’idée de ce livre il y a trois ans en revenant d’un rendez-vous avec un client du classement Fortune 500. Nous avions passé plus d’une heure à essayer d’expliquer l’idée de “pattern recognition” qui est devenue plus tard Edge Strategy », expliquent Alan Lewis et Dan McKone à Consultor.
Qu’est-ce que la « Edge Strategy » ?
« Nous avons appelé ce modèle de croissance Edge Strategy parce que les entreprises trouvaient leurs meilleures opportunités à la frontière de ce qu’elles font habituellement et de ce qu’elles ne font pas », explique Dan McKone, associé de L.E.K. L’exemple type de ce modèle est celui de l’écosystème iTunes d’Apple. Qu’en est-il des autres grandes entreprises ?
Les deux partners ont passé en revue le Standard & Poor’s 500, le S&P Global 100 et le Global Dow, soit 600 entreprises dans plus de soixante secteurs différents. Ils ont estimé que seulement 10 % d’entre elles parvenaient à trouver ces limites intéressantes de leur business et à en tirer des revenus. Ces opportunités sont à chercher le plus souvent du côté des biens et services offerts, mais elles existent aussi dans l’expérience client. Ainsi, le distributeur de produits alimentaires bio Whole Foods a constaté que ses clients veulent certes acheter de bons produits en rayon, mais qu’on leur épargne également à la maison des tâches de cuisine. Dans les magasins, les aliments à la vente sont donc déjà lavés et préparés.
Cette approche stratégique est souvent ignorée par les entreprises, selon les deux auteurs. « Nous pensons que les entreprises qui se soucient de relancer leur croissance sont partagées entre des stratégies qui leur font prendre soit trop de risques, soit pas assez », estime Alan Lewis. Rêvant « d’un océan bleu d’opportunités où les marges sont élevées et la concurrence limitée », elles se lancent par exemple dans des opérations d’acquisition souvent très risquées. Or, « selon nos recherches, au moins six fusions sur dix détruisent de la valeur pour l’actionnaire », avance Alan Lewis.
De façon moins risquée, les entreprises peuvent trouver des opportunités dans leurs actifs propres. Toyota a su utiliser les données GPS des capteurs embarqués de ses voitures pour faire des analyses du trafic et les revendre à des municipalités et des sociétés de transports qui souhaitaient réduire la circulation ou éviter les bouchons.
La « Edge Strategy » chez L.E.K.
« De nombreux exemples du livre (Apple, Whole Foods, Best Buy’s Geek Squad...) sont bien connus. Mais nous avons ajouté une structure qui montre que ces entreprises sont construites sur ces contours/limites existants de leur business », souligne Alan Lewis. D’ailleurs, les clients des partners de L.E.K. qui se sont vus présenter ce concept leur ont exprimé « un sentiment gratifiant de reconnaissance quand ils ont compris combien certaines problématiques commerciales étaient liées », ajoute-t-il.
L’utilisation du concept du livre a déjà permis aux deux partners d’approfondir leurs relations avec leurs clients. Mais aussi d’attirer des prospects. « Ce qui est formidable, c’est que ce cadre ouvre la voie à une discussion qui nous permet d’affiner des projets qui pourront avoir un impact significatif pour les clients. Il est précieux du point de vue du développement des affaires, parce que le concept est assez large pour présenter un intérêt dans toutes les entreprises, et clairement dans l’ensemble des soixante-deux secteurs étudiés », affirme Dan McKone.
Les deux partners n’ont pas changé radicalement leur façon de faire du conseil puisqu’ils utilisaient déjà ces solutions. Mais ce qui est nouveau c’est la formalisation de leurs idées pour s’en servir comme boîte à outils. « Nous avons décrit une série d’étapes qu’une société peut entreprendre pour cultiver cet état d’esprit “edge”. De plus en plus de nos clients réfléchissent à faire plus que des projets spécifiques et à diffuser cette pensée de la “Edge Strategy” à travers leur organisation », se réjouit Dan McKone. « Nous avons touché une corde sensible chez de nombreux cadres qui pensent pouvoir faire plus avec ce qu’ils ont déjà construit », ajoute-t-il.
Les partners se sont également auto-administrés leurs remèdes. « L’écriture d’un livre en elle-même est un exemple de “Edge Strategy”, affirment-ils. Il a fallu d’ailleurs aux partners « relever le défi d’écrire un livre tout en maintenant une intense charge de travail de conseil, mais le fait de se partager tout ce travail à deux a facilité les choses », disent-ils. Plutôt que de s’en tenir à leur « tricot » et au business as usual, ils ont cherché ce qu’ils pourraient faire de leur principal actif de consultant, à savoir selon eux, « la richesse de leur expérience dans un large éventail d’entreprises et dans de multiples situations ». De là est né le livre, et à travers celui-ci, la possibilité d’offrir à leurs clients de nouveaux services et de regarder vers des marchés qu’ils connaissent moins.
Thibault Vadjoux pour Consultor.fr
A propos des auteurs du livre
Alan Lewis est partner chez L.E.K au bureau de Boston. Entré au cabinet à Londres en 2003, il a suivi de nombreux projets : stratégie d’entreprise, développement de nouveaux produits et commercialisation, fusion et acquisition, amélioration du management et de l’organisation. Auparavant, il a travaillé durant cinq ans dans l’industrie chimique (Imperial Chemical Industries PLC et INEOS). Il est ingénieur de formation, diplômé de l’Institute of Chemical Engineers au Royaume-Uni et titulaire d’un MBA obtenu à Cambridge.
Dan McKone est également partner chez L.E.K au bureau de Boston. Depuis vingt ans, il travaille sur l’optimisation de la croissance des entreprises, orientée vers le consommateur. Il a suivi plus de 300 projets sur l’amélioration de la performance, l’analyse stratégique de la décision, le développement de nouveaux concepts, la stratégie de canal, la tarification et le positionnement, la conception organisationnelle... Il est en particulier spécialiste de la distribution, de la consommation et des entreprises de voyage et divertissement. Il est titulaire d’un MBA en finance obtenu à la Wharton School.
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