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Soja, blé, maïs, pois : la viande nouveau monde de deux ex-McKinsey

Guillaume Dubois et Cédric Meston étaient respectivement engagement manager et senior associate chez McKinsey. Il y a un an, ils ont quitté le conseil pour relever le défi de l’alimentation végétarienne en créant leur label Les nouveaux fermiers.

Leur challenge : proposer des viandes végétales permettant de réduire les émissions à effet de serre, et ce alors qu'une loi vient d'être votée à l'Assemblée nationale pour exclure les protéines végétales des dénominations (steak, aiguillette...) utilisées pour désigner des denrées alimentaires d’origine animale. Ce qui ne les a pas empêché de boucler une première levée de fonds de deux millions d'euros, en plein covid.

Barbara Merle
03 Jui. 2020 à 12:31
Soja, blé, maïs, pois : la viande nouveau monde de deux ex-McKinsey

Tous deux ingénieurs de formation, Guillaume Dubois, 32 ans, et Cédric Meston, 27 ans, consultants chez McKinsey entre 2016 et 2019, ne sont pas des « orthodoxes » du végétarisme ni du véganisme.

Un marché de la viande végétale en plein essor

Leur cause : protéger la planète pour éviter que les chiffres avancés dans le dernier rapport du GIEC en 2018 sur le réchauffement climatique ne deviennent une triste réalité irréversible. Les consultants ont voulu prendre en main, à leur mesure, l’avenir collectif de notre planète, avec Les nouveaux fermiers, une marque lancée en 2019, qui veut donner de nouvelles couleurs et de nouvelles saveurs à l’alimentation végétale, et plus particulièrement aux steaks végétaux. Un secteur plus que prometteur…

En 2019, Kearney avait réalisé une étude sur l’évolution de la viande artificielle dans les années futures à l’échelle planétaire. En 2025, 10 % de la viande mangée dans le monde ne serait plus, d’après les auteurs, de la viande animale traditionnelle ; ce taux atteindra 60 % en 2040. Et 25 % de ces nouveaux steaks seront d’origine végétale. Un marché naissant que les deux ex-consultants ont bien senti…

« Nous sommes partis d’un constat : les habitudes de consommation sont en train de changer. 39 % des gens souhaitent réduire leur consommation de viande. Ils sont de plus en plus soucieux de ce qu’ils mangent, pour leur santé, mais aussi pour l’environnement. Nous réinventons la viande à partir d’ingrédients végétaux naturels et locaux pour mieux nourrir la planète. Notre innovation, c’est d’en proposer avec un goût et une texture très proches. Et c’est pour cela que nous tenons à les appeler steaks, nuggets, aiguillettes. Car cette alimentation convient tout autant aux amoureux de la viande qu’aux végétariens ou aux flexitariens… », savoure Guillaume Dubois.

Un enthousiasme que la proposition de loi relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires définitivement adoptée à l'Assemblée nationale le 27 mai 2020 pourrait quelque peu battre froid. Son article 5 prévoit que « les dénominations utilisées pour désigner des denrées alimentaires d’origine animale ne peuvent être utilisées pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires comportantdes protéines végétales ». Adieu steaks, nuggets, aiguillettes végétales ? Un décret doit fixer la part de protéines végétales au-delà de laquelle ces dénominations ne sont pas possibles et définir également les sanctions encourues en cas de manquement.

« Pour le moment nous avons toujours le droit d’utiliser ces appellations. Néanmoins nous trouvons que cette loi est injuste et très biaisée : personne n’a représenté la filière végétale lors du process. Nous jugeons que les appellations 'steak végétal' ou 'viande végétale' ne sont pas trompeuse car il est clair que c’est du végétal et qu’il n’y a donc aucune légitimité à les interdire. De la même manière, d’autres appellations de ce type existent : 'tomate cœur de bœuf', 'fruits de mer', sans que cela ne gêne personne », réagit Guillaume Dubois.

La recette des nouveaux fermiers

En attendant, donc, les recettes des nouveaux fermiers sont élaborées en deux temps : d’abord, l’étape de la R&D permet de choisir le type de protéines (soja, blé, maïs, pois, pomme de terre…) et sous quelle forme (farine, fibre, amidon, gluten…), d’huiles, d’arômes et colorants naturels (paprika, betterave).

Ensuite, c’est au tour de plusieurs chefs, avec lesquels ils collaborent et dont ils cachent précisieusement les noms, d’entrer en scène pour définir précisément les dosages et apporter leur touche toute personnelle, comme des épices auxquelles les « nouveaux restaurateurs » n’auraient pas forcément pensé. Tous les ingrédients sont récoltés en France, en Allemagne, en Belgique et en Irlande, avec un objectif de faire du 100 % français d’ici à la fin de l’année.

Ces ex-consultants sont « tombés dans la marmite verte » depuis leur plus jeune âge, tous deux étant très attachés à l’éducation et à l’environnement. Cédric Meston, diplômé de Télécom ParisTech et de l’Imperial College of London en 2014, a fondé, la même année, AfriCollege.org, une université en ligne de cours d’informatique accessibles gratuitement.

Guillaume Dubois, ingénieur issu de CentraleSupélec en 2010, a débuté son parcours professionnel dans des start-up spécialisées dans l’énergie verte, la biomasse ou la récupération de l’énergie de la houle, puis s’est orienté en 2011 chez PSA – un groupe où il reste près de six ans – dans la R&D sur l’optimisation de l’énergie. Il est aussi engagé comme conseiller du président et du secrétaire général du think tank Les Shifters qui plaide pour la décarbonation des économies.

Au moment de choisir, McKinsey plus attractif

En 2016, l’un comme l’autre, sans ne s’être jamais rencontrés, décident de s’orienter vers le conseil pour appréhender le monde de l’entreprise, avec des ambitions entrepreneuriales respectives en tête. Ils entrent ainsi tous deux chez McKinsey.

« J’ai clairement vu McKinsey comme une belle formation business », confirme Guillaume Dubois, qui avait également reçu des offres d’emploi chez Bain et au BCG, mais qui fait le choix de McKinsey parce que « ce cabinet résout les grands problèmes du monde avec des personnes emblématiques à l’instar de Sébastien Léger et de Jean-Charles Devignes (respectivement partner en charge des practices France energy and sustainability chez McKinsey depuis 2000 et associate partner chez McKinsey depuis 2014, NDLR) ».

Même choix pour Cédric Meston, également reçu au BCG, qui voit chez McKinsey une opportunité en or de suivre de nombreuses missions à l’étranger. « J’ai réalisé entre 30 et 40 % de mes projets à l’international. Ce qui m’a attiré aussi, ce sont les problématiques très complexes auxquelles le cabinet devait répondre, tout comme ceux que j’ai rencontrés lors de mes divers projets et qui allaient devenir mes mentors, Karim Tadjeddine et Homayoun Hatami (respectivement senior partner en charge du secteur public et managing partner du bureau de Paris, NDLR). » En tout cas, l’un et l’autre s’amusent à dire que leurs motivations n’étaient pas financières, l’offre de McKinsey s’avérait être, en effet, la moins attractive !

Sans se connaître, ils rentrent ainsi dans la référence mondiale du conseil en strat’, comme senior associate, tous deux sur des projets de stratégie de croissance, mais sans réellement partager de missions communes. « J’étais au sein de la practice sustainabilities et j’ai pu notamment travailler dans le domaine de l’énergie sur des problématiques d’entreprises qui voulaient se lancer sur les nouveaux marchés de l’énergie ou d’entreprises environnementales qui souhaitaient se déployer à l’international », détaille Guillaume Dubois, alors senior associate, passé engagement manager en 2019, avant son départ en décembre.

Cédric Meston lui était plutôt positionné sur des projets dans la grande distribution en Asie ou en Afrique. Avec toujours cette idée en tête, se former pour se lancer…

« Nous voulons réaliser en six mois ce que beaucoup font en trois ans »

C’est au fil de discussions entre collègues que les deux consultants partagent leur vision du monde et leur souhait de s’impliquer concrètement dans un projet d’entrepreneuriat environnemental.

« Nous avons échangé sur de nombreuses idées avec un objectif, avoir un impact positif sur l’environnement. Au fil des discussions, nous sommes tombés d’accord sur cette idée, une vraie solution aux émissions carbone de l’élevage », se souvient Cédric Meston, passé junior engagement manager en 2019.

Le concept Les nouveaux fermiers était né. Le réseau du conseil a alors fonctionné à plein régime. Jean-Charles Devignes, associate partner chez McKinsey, leur a ouvert son vaste carnet d’adresses… En moins d’un an de R&D, les compères ont lancé leurs produits sur le marché en plein covid. « Nous avions prévu des lancements le 1er avril dans un certain nombre de points de vente et le 1er mai dans la grande distribution. La vente en restauration s’est arrêtée net. Il a fallu qu’on fasse preuve d’agilité ! En quatre jours, nous avons mis en place un site de e-commerce, l’organisation pour la préparation et l’envoi des commandes en surgelé ! L’agilité, c’est, entre autres, notre métier de consultant qui nous l’a aiguisée ! » se réjouit Guillaume Dubois.

Un métier de consultant qui, selon eux, en dehors du précieux sésame qu’est le réseau, les a particulièrement bien préparés à ce challenge entrepreneurial. « Nous sommes habitués à avoir un regard sur toutes les fonctions de l’entreprise, de la R&D à l’opérationnel en passant par le lancement des produits. Nous avons également une véritable culture du résultat. Nous voulons réaliser en six mois ce que beaucoup font en trois ans. Et puis, nos mentors ne sont jamais très loin, ils nous donnent de nombreux conseils et nous aident à prendre du recul », se réjouit Guillaume.

Levée de fonds

Malgré la période plus que critique pour un lancement commercial, Guillaume et Cédric viennent de boucler une levée de fonds de 2 millions d’euros auprès d’investisseurs privés, de fonds d’investissement et du programme innovation de la BPI « pour devenir les pionniers de la viande végétale ! ».

Ils ont ainsi su convaincre des entrepreneurs reconnus, qui les ont beaucoup aidés reconnaissent-ils : Édouard Roschi (cofondateur du Labo), Adrien de Schompré (cofondateur en 2006 de Sushi Shop), Philippe Cantet (DG de Innocent jusqu’en 2011, fondateur de Tamarama, Shopmium, Spring)… Un apport significatif qui leur permettra de financer les prochains développements et d’augmenter la production.

Barbara Merle pour Consultor.fr

Bain & Company Boston Consulting Group McKinsey Homayoun Hatami Jean-Charles Devignes
Barbara Merle
03 Jui. 2020 à 12:31
tuyau

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commentaires (1)

Bravo!
03 Jui 2020 à 14:14
Une très belle aventure qui donne foi en les jours à venir ! Pleins de succès !

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Bain & Company Boston Consulting Group McKinsey
Homayoun Hatami Jean-Charles Devignes
2023-05-18 16:47:44
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