EY-Parthenon mandaté par des cigarettiers pour estimer l’impact des trafics de tabac en France
Publiée début décembre, l’étude consacrée « aux impacts des trafics de produits du tabac » a été menée par EY-Parthenon et l’IFOP pour Philip Morris France et Japan Tobacco International France.
En France, Philip Morris est le leader de cette industrie avec 40 % des ventes, devant Japan Tobacco à 24 %. Ils devancent Seita Imperial Brands (16,5 %) et British American Tobacco (15 %).
Selon l’étude d’EY-Parthenon, dont la synthèse est accessible ici, bien que, dans l’Hexagone, les ventes accusent une baisse de 7 % « paquet année » (unité de mesure de la consommation de tabac sur un an), la consommation diminue de 2,7 % « paquet année » seulement.
Un écart qui s’explique. Ainsi, un tiers des consommateurs déclarent « ne pas avoir acheté de tabac chez un buraliste au cours des 12 derniers mois », optant pour des achats à l’étranger ou via des circuits illégaux. Les revenus liés aux trafics (contrebande ou contrefaçon) seraient équivalents désormais au montant de la commission tabac des buralistes à 2 milliards d’euros.
Entre 2019 et 2023, la part du marché parallèle est passée de 23 % à 38 %. Pour éclairer cet essor, l’étude identifie trois facteurs majeurs : un cadre réglementaire peu adapté au phénomène, l’évolution du comportement des consommateurs et la profitabilité de ces trafics. Une usine clandestine pourrait atteindre « jusqu’à 80 % de marge, avec un retour sur investissement en quelques semaines ».
Sur le plan méthodologique, EY-Parthenon a procédé par confrontation de données qualitatives – obtenues via des entretiens, retours d’experts et analyses de rapports –avec des données quantitatives issues d’enquêtes menées auprès de consommateurs, buralistes, commerçants et des données provenant de sources externes.
L’étude a été menée sous la houlette des associés Guéric Jacquet (co-leader gouvernement et secteur public en France), Jérôme Larochette (leader transformation commerciale pour la France et l’Europe) et de la principale Eléonore Guilliams (gouvernement et secteur public notamment).
Le bureau parisien d’EY-Parthenon réalise régulièrement des études sectorielles – par exemple l’enquête annuelle sur « les enseignes préférées des Français » ou son étude, annuelle toujours, sur l’économie du secteur des télécoms en France (14e édition en 2024) – pour la Fédération française des télécoms.
Controverses autour d’enquêtes d’autres cabinets pour l’industrie du tabac
Le rapport 2023 de KPMG, intitulé Consommation de cigarettes illicites en Europe, porte sur le même sujet, mais sur un périmètre européen. Commandé par Philip Morris Products SA, il a été publié en septembre 2024.
En 2016, le Comité national contre le tabagisme (CNCT) avait réagi à un précédent volet de ce rapport en estimant qu’il visait « à exploiter la peur du “marché parallèle”, les cigarettiers et la confédération des buralistes persuadant les élus que des mesures comme les hausses de taxes sur le tabac […] étaient inefficaces, voire dangereuses ». Selon le CNCT, les cigarettiers omettraient de mentionner dans leur communication qu’ils « tirent profit des ventes, qu’elles soient légales ou illégales ».
Pour le pilote de l’étude Guéric Jacquet, « la hausse du prix du paquet de cigarettes a un effet indéniable sur le nombre de fumeurs réguliers – ils sont 23 % actuellement [contre 28 % en 2014, une diminution notable du tabagisme quotidien ayant été enregistrée entre 2014 et 2019 avec près de 1,9 million de fumeurs quotidiens en moins, ndlr]. Toutefois, comme dans toute mesure de politique publique, cela génère des externalités négatives. Or, une hausse si importante du prix, sans coordination avec les autres pays européens, a créé un marché parallèle – et des zones de rentabilité de l’économie criminelle ». D’où la nécessité « d’objectiver » le phénomène et ses impacts. « EY-Parthenon ne se positionne à aucun moment sur des enjeux de régulation globale du secteur. »
En 2014, un autre cabinet de conseil, Arthur D. Little, avait réalisé une étude posant de sérieuses questions éthiques pointées par l’émission Cash Investigation. Commandé par Philip Morris en 2001, le rapport s’intéressait aux « bienfaits » du tabac pour les systèmes de retraite via la mortalité induite.
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