
Les rumeurs concernant l’éventuel rachat du cabinet allemand de conseil Roland Berger se sont récemment succédé. En 2010, Deloitte avait tenté de racheter le cabinet allemand, qui avait finalement décidé de rester indépendant. En février dernier, des discussions avec Ernst & Young et PricewaterhouseCoopers (PwC) étaient évoquées par des sources concordantes. En mars, le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung évoquait une nouvelle tentative de Deloitte. Puis ce fut au tour du Financial Times d’assurer que PwC était sur les rangs.
Mais aujourd’hui, l’hypothèse de sa fragilisation au regard d’acheteurs potentiels semble prendre de l’ampleur. Et diverses sources laissent entendre qu’il ne pourrait en fait ne rien se passer.
Certes, les Big Four – Ernst & Young, KPMG, Deloitte et PwC– ont tous des raisons d’être potentiellement intéressés par le rachat de Roland Berger, pour se développer sur le domaine du conseil en stratégie. Ernst & Young, d’abord, n’a pas encore fait de grosse acquisition. Deloitte, de son côté, est complémentaire géographiquement : il est bien implanté aux États-Unis et au Royaume-Uni, marchés sur lesquels le cabinet allemand est plus en peine. PwC quant à lui pourrait envisager de se doter d’un cabinet de conseil en stratégie pour renforcer sa croissance, ce secteur étant analysé comme plus solide que celui du management.
Mais face à un deal de cette taille, la prudence est forcément de mise. D’autant plus que le contexte de crise incite à la réflexion et que l'importance de la dette du cabinet, pourrait amener des acheteurs extérieurs à tirer le prix de rachat à la baisse.
Le cabinet de conseil allemand est fortement endetté et ses résultats sont décevants
Une épée de Damoclès plane au-dessus de la tête de Roland Berger : sa dette, qui s’élèverait à 300 millions d’euros (information refutée par le bureau parisien du cabinet). Pour sortir de cette impasse, Burkhard Schwenker, de nouveau patron du cabinet de conseil en stratégie (Martin Wittig s’est retiré en mai pour des raisons de santé) a confirmé fin mai envisager une cession ou une association.
Pour comprendre l’importance de cet élément, replongeons-nous dans l’histoire du cabinet allemand. Créé en 1967 par Roland Berger, il devient rapidement un acteur incontournable grâce au marché allemand. Le bureau français est créé en 1990, et connaît une fulgurante ascension au début des années deux mille, alors qu’une bonne partie des associés seniors d’A.T. Kearney rejoignait la société. Peu à peu, Roland Berger se fait une place juste derrière les MBB et devient le seul cabinet de conseil d’origine européenne dans le top 5 mondial.Mais cette croissance s’accompagne de la création d’une dette importante.
En 1996 et 2000, deux MBO successifs permettent de racheter les parts de la Deutsch Bank (qui possédait une partie du capital de l’entreprise) ouvrant ainsi l'accès au marché américain.
Une dette est alors constituée notament auprès des associés du cabinet. Par exemple, le magazine Finance Magazin indique que le cabinet à enfin soldé un litige portant sur un passif de 40M€ avec 53 ex- associés lié à ce rachat de parts qui n'avait pas été remboursé comme convenu en 2006. Cet accord prévoit qu'un tiers de la somme leur a été versé, qu'un tiers le sera si le cabinet est vendu dans les 5 prochaines années et qu'ils renoncent au tiers restant.
Ensuite Roland Berger s'est endetté pour financer ses investissements. Comme nous l'analysions en février dernier, la stratégie de développement à l’international (Moyen-Orient, Afrique, Asie, États-Unis) adoptée par le nouveau management de Roland Berger relevait d’un pari. Cette stratégie repose sur une levée de capital provenant notamment de Roland Berger lui-même, qui a poussé début 2011 la société à chercher à s’adosser, à Deloitte notamment. Le cabinet est ainsi suivant le magazine Finance débiteur de 100 M€ à son fondateur, somme mise à disposition en deux tranches de 50 M€ en 2006 et 2010 pour financer cette expansion.
Résultat : aujourd’hui Roland Berger est un cabinet relativement endetté. Un problème qui pourrait se régler via une vente, et non par une association entre égaux qui impacterait les comptes de l’heureux élu. En clair, sans doute pas avec A.T. Kearney, Booz ou encore Arthur D. Little.
De plus les résultats financiers ne seraient pas au rendez-vous sauf en France. Le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) indiquait en mai que les résultats du cabinet ne sont pas bons notament en Allemagne.
Le cabinet de conseil en stratégie arrive à un tournant
Avec ses 240 partners, 2 700 salariés et 51 bureaux dans 36 pays différents, Roland Berger est à la fois le plus gros des petits et le plus petit des gros. Pour continuer à se développer et pouvoir rivaliser avec le haut du panier, le rachat ou la fusion peut sembler incontournable.
Une chose est sûre néanmoins : la rentrée sera décisive. En ligne de mire, deux options : soit un rachat rapide à un prix qui selon le FAZ risque de ne pas dépasser 500 M€, soit ce dernier sera dans l’obligation de se « mettre au carré » en réorganisant son business.
En situation de pénurie de cash, Roland Berger pourrait alors être poussé à revoir sa stratégie de développement. Notamment en se recentrant sur ses marchés forts : l’Allemagne et la France. En attendant, le risque pour Roland Berger est de voir partir ses associés, refroidis par cette incertitude, notamment en France où ils se prononcent quasi-unanimement pour sauvegarder l’indépendance du cabinet.
Par Léonor Marsaudon pour Consultor.fr, portail du conseil en stratégie - 26/07/2013
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