Philippe Derambure, le conseil « avec un temps d’avance »
Exton Consulting s‘apprête à fêter en décembre ses 10 ans. Une petite décennie qui aura permis au cabinet français de devenir un acteur reconnu du conseil auprès de l‘industrie financière.
Dix hivers et neuf printemps déjà, une petite centaine de consultants à Paris, des bureaux à Casablanca, Milan et bientôt Munich, cette réussite doit forcément beaucoup à son fondateur et président, Philippe Derambure. Entretien.

Philippe Derambure entre en trombe dans la salle de réunion. Il serre les mains, plante son regard dans celui de ses interlocuteurs et prend la conversation à son compte. Il ne faut pas une minute pour comprendre que le patron d‘Exton est de ceux qui tracent leur route et impriment leur rythme à ceux qui arrivent à le suivre.
Carrière fulgurante
Philippe Derambure est franco-espagnol. De ses origines, il a gardé le feu, l‘explosivité de la culture ibère. La carrière de Philippe Derambure l‘illustre parfaitement. Il n‘est pas un contemplatif, il avance et n‘a pas le temps d‘attendre.
Sorti de l‘ESCP en 1987, il entre chez Arthur Andersen un an plus tard, après son service militaire. Il travaille pour l‘activité « missions spéciales », un mix entre l‘audit et le conseil. Pendant cinq ans, il s‘exerce aux due diligences dans la practice transaction services. Il découvre le travail international et se rend souvent en Espagne, aidé par sa connaissance de la langue.
Très vite, Philippe Derambure gravit les échelons deux par deux. À 30 ans, à l‘âge où certains s‘apprêtent à devenir manager, il est nommé patron du desk français d‘Arthur Andersen à New York. Il accompagne les clients de l‘Héxagone dans leurs activités outre-Atlantique.
Sa mission la plus importante se déroule auprès du groupe Bidermann, qui subit des difficultés à la suite de mauvais investissements. « Pendant un an, j‘ai travaillé sur la restructuration du groupe sur des activités nouvelles pour moi, le textile et la distribution. » Il décrit la fierté d‘avoir « accompagné Monsieur Bidermann dans la relance de son entreprise ».
Là encore, le défi ne durera qu‘un temps. En 1996, Philippe Derambure est rappelé à Paris. Il fait partie du petit groupe de consultants chargés de créer Arthur Andersen Management, devenu ensuite Arthur Andersen Business Consulting.
En 1999, il est promu associé. « En quelques années seulement, nous sommes passés de zéro à trois cents consultants. C‘est énorme ! » C‘est un autre des traits de caractère du président d‘Exton. Il accompagne ses propos de chiffres, de faits et de petits schémas qu‘il trace sur une feuille de papier sans quitter son interlocuteur du regard.
C‘est avec des chiffres toujours qu‘il parle de son passage chez Yves Rocher. De 2000 à 2003, il est DG pour l‘Amérique du Nord. « La filiale américaine gérait 2 000 personnes, des dizaines de magasins et de centres de distribution ». Encore des données, des faits et des petits ronds sur un calepin.
« En trois ans, nous avons fait grandir la filiale, avec un taux de croissance à deux chiffres sur la période. » On l‘a dit, Philippe Derambure avance à pas de géant, aux autres de le suivre.
En 2004, retour à Paris. « J‘aime les projets et les défis, il m‘en fallait un nouveau. » Il s‘engage chez OrgaConsultant pour créer la practice strategy, marketing and sales. En moins d‘un an, il est promu co-head puis DG du cabinet.
Plus d‘un se serait contenté de cette jolie position et de ses possibilités d‘évolution. « Orga appartenait à Sopra, à l‘époque où c‘était la mode pour les SSII d‘acheter des cabinets de conseil en management. » Cette grande SSII pouvait offrir de belles perspectives à Philippe Derambure, mais lui veut avancer, faire grandir les structures dont il a la charge. « Mon moteur, c‘est la croissance, la création de projets industriels. »
C’est donc avec, encore, un « projet de croissance » en tête qu’il se rend dans le bureau du patron, le très respecté entrepreneur à succès Pierre Pasquier. « Vous avez, d’après moi, trois options. Vous donnez à Orga les moyens de se développer en Europe. Ou, vous nous fusionnez avec vos autres activités de conseil afin de créer un acteur très important. Ou, sinon, vous nous vendez. »
Mais Sopra sort de deux fusions, pas le moment d‘enchaîner avec une troisième. Le groupe ne compte pas non plus se séparer d‘une activité très rentable.
Philippe Derambure prend acte, et s‘en va créer Exton deux mois plus tard. « Tout s‘est fait très vite. Certains ont cru que nous avions le plan en tête depuis longtemps, mais la décision s‘est prise en un été. » En septembre, Philippe Derambure quitte Orga.
Il sera rejoint par ses collègues Bertrand Lauzeral, Xavier Guizien et Marc Marchais en décembre 2006 et ensemble, ils créent Exton Consulting. Philippe Derambure et ses associés ont les mains libres pour forger un cabinet à leur image.
Exton, un projet ambitieux
Dès le départ, les quatre associés ont une idée très précise de ce qu‘ils veulent. « Nous sommes très différents, mais nous avons un point commun : nous sommes des compétiteurs. Nous avions dès le début l‘ambition de devenir un acteur de référence de la place. Ce que nous voulions, c‘était créer une marque qui nous survive, une vraie marque, et non une apposition de nos quatre noms. »
L‘autre point commun des quatre fondateurs, c‘est leur vision. « Notre métier se rapproche de l‘artisanat de luxe. Il demande beaucoup de travail et un sens aigu du détail. » De la haute couture, Exton retient également la nécessité d‘être en avance sur le marché, de faire les tendances plutôt que de les subir. « Nous ne sommes pas plus intelligents que nos clients. Notre valeur ajoutée, c‘est d‘avoir un petit temps d‘avance. »
Le cabinet investit dans la R&D. Il publie, avec une petite équipe, un ouvrage sur le Digital Banking qui, cinq ans après sa sortie, semble « ne pas avoir pris une ride ». Là encore, Philippe Derambure ne compte pas prendre la lumière.
L‘esprit d‘équipe, voilà un autre des mantras du dirigeant. « Encore une fois notre métier s‘inspire de l‘artisanat de luxe pour sa forte composante de compagnonnage. » Les fondateurs veulent créer des liens, que leurs consultants s‘approprient la marque. « Nous voulons que les gens qui nous rejoignent se sentent bien en termes de vision, d‘accessibilité, de style, d‘ambiance… »
Le cabinet a une politique RH volontariste. Il a fait appel à la créatrice de Happy at Work pour auditer la firme. Résultat : 84 % des consultants recommandent le cabinet.
Cette politique semble porter ses fruits. Philippe Derambure assure qu‘en dix ans, « nous n‘avons eu que cinq départs à la concurrence. Nous créons une marque, mais également un projet humain. Nous voulons offrir à ceux qui nous rejoignent de réels parcours de carrière ».
Le président d‘Exton insiste sur l‘investissement en formation et sur les perspectives d‘évolution. « Au cours des derniers mois, nous avons promu six partners en interne. »
Exton, un groupe européen en construction
Exton prépare ainsi le futur et Philippe Derambure croit en son projet. « Nous avons passé la barre des 20 millions d‘euros à Paris. Nous pensons que nous pouvons arriver aux 30 millions d‘ici cinq ans. » L‘ambition du cabinet est d‘être présent à terme dans cinq grands pays avec 500 consultants. Le développement international est une des priorités.
Quand la concurrence lorgne sur les marchés en forte croissance, Exton s‘enracine sur ses terres, françaises et étrangères. « Notre stratégie, explique Philippe Derambure, est d‘abord domestique. Nous voulons être très forts dans chacun des pays où nous nous implantons. » Phillipe Derambure le répète, sa marque devra lui survivre. Une façon de balayer les bruits de couloir qui régulièrement disent le cabinet en vente. « La rumeur réapparaît tous les ans. Pourtant, Exton n‘est pas à vendre. Nous sommes au milieu de l‘histoire de ce que nous voulons construire. »
Gillian Gobé pour Consultor.fr
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