Canada : un horizon porteur pour les cabinets français ?
Cabinet revendiquant sa fibre entrepreneuriale, PMP Conseil a posé le pied sur le continent américain fin 2015, après Bruxelles, Casablanca – et bien sûr Paris.
Gilles Vaqué, l’un de ses associés fondateurs, nous parle des enjeux de l’ouverture du nouveau bureau de Montréal.
Structuré autour d’une expertise Télécoms et Numérique au sens large, Transports, Culture/Médias et Politiques publiques, PMP Conseil s’enorgueillit d’une appétence pour les sujets de haut niveau, qu’il s’agisse de stratégie ou d’amélioration de la performance, notamment financière.
Depuis cinq ans, le cabinet a par ailleurs choisi d’élargir ses offres, de l’Energie à la Relation Client, en passant par la Transformation Digitale. Alors, quelle logique a conduit ce cabinet de conseil à ouvrir un nouveau « nouveau bureau », à Montréal, en novembre 2015 ?
Est-ce lié à une analyse approfondie des tendances mondiales du conseil, au désir de revivre une expérience dans l’esprit start-up ou à celui de trouver un point d’entrée en Amérique du Nord ? Quelles sont les spécificités du marché québécois ?
Le Canada fait-il vraiment « briller les yeux » des consultants français ? Réponses avec Gilles Vaqué, au cœur d’une aventure au pays du sirop d’érable, de Bombardier ou de la banque Desjardins.
« Plat pays » vs Grand Nord Blanc(1)
Deux raisons différentes ont conduit à l’ouverture des bureaux de Bruxelles et de Montréal. PMP travaillait déjà régulièrement à Bruxelles et en Wallonie, mais l’image du cabinet et le type de clients demeuraient très francophones. Or le dynamisme de la Flandre ne peut être ignoré. : l’ouverture du bureau de Bruxelles a correspondu à la volonté de ne plus faire des activités belges de PMP « de simples extensions » de celles de Paris. L’implantation montréalaise relève, elle, d’une aspiration personnelle.
Ayant débuté sa vie professionnelle dans les start-up de la Silicon Valley, Gilles Vaqué a trois enfants âgés de 8 à 13 ans ; une période propice pour vivre une expérience internationale. Lorsque des amis installés à Montréal évoquent des perspectives… il ignore encore « si le Canada/le Québec sont intéressés par l’expertise française ». En tant que consultant, français, Gilles Vaqué redoute en outre d’être perçu comme « l’archétype du colon arrogant ». Maudits Français…
Mais plusieurs voyages d’étude et la rencontre « de patrons dans les secteurs de PMP, de consultants, d’avocats, de RP », le convainquent que l’expertise européenne fait sens au Québec. Les choses se précisent quand un directeur associé, issu du cabinet de conseil Braxton Consulting (« en stratégie chez Bombardier et pour la banque Desjardins auparavant »), décide de l’aider à ouvrir un bureau à Montréal.
Aujourd’hui, les dix consultants de Montréal sont canadiens, francophones ou anglophones. Car il existe un Québec-Link, avec des problématiques propres et une culture un peu différente. L’ardeur des consultants français tentés par l’aventure canadienne, a d’ailleurs dû être tempérée. « Montréal représente un bon mix : sa taille raisonnable, son aspect international très intéressant pour le business et sa proximité avec la verdure et les grands espaces », reconnaît Gilles Vaqué. Mais le bureau « ne doit dépendre ni de moi ni de Français, qui voudront repartir ».
L’autonomie et la pérennité du cabinet sont cruciales. L’ADN de PMP, fait « d’ambition, d’exigence vis-à-vis des sujets ou de la satisfaction des clients et d’attention en ce qui concerne le développement des collaborateurs », devrait y contribuer. Il existe « des chances non nulles » pour PMP de travailler de plus en plus à Toronto (des mandats(2) commencent à y être réalisés), d’y ouvrir un bureau et de regarder vers New York.
Un vrai marché d’acteurs québécois pour le conseil
A Montréal, McKinsey dispose d’un bureau depuis 1991 ; le BCG a ouvert le sien en 2013. Comme en Europe avant leur éclatement, les auditeurs sont présents dans la stratégie et le management. On retrouve des acteurs de niche locaux et quelques stratèges européens « se positionnent ».
Le marché du conseil est toutefois moins développé au Québec qu’en Ontario : en 2011, à titre indicatif, 19% des consultants en management exerçaient au Québec contre 42% en Ontario. Le recours au conseil ressemble à celui de l’Europe, même si les demandes sont plus audacieuses. « Il existe une vraie appétence à la croissance – à l’étranger notamment -, les acteurs prennent davantage de risques de développement », estime Gilles Vaqué.
Parmi les belles entreprises québécoises référentes au niveau mondial sur les secteurs « PMPiens », figurent Bombardier, SNC-Lavalin, la banque Desjardins et la Banque Nationale, un certain nombre d’assureurs, des acteurs importants des télécoms (Vidéotron, Cogeco) et d’autres du digital (Pages Jaunes à Montréal).
PMP Conseil s’est vite positionné sur ses secteurs de prédilection - le digital, les télécoms – ainsi que sur la bancassurance, auprès d’un acteur majeur dans chaque cas. Dans ses spécificités, le cabinet est également ravi de travailler « pour de petites boîtes : nous avons revu le business plan d’une start-up qui s’est implantée au Québec, pour l’aider à rechercher des fonds. Elle doit faire 15M€ ».
Des consultants locaux de haut niveau, qui « osent »
Avec les trois principales écoles « locales » (l’université McGill, HEC Montréal, Polytechnique), le recrutement a-t-il été délicat ? « Notre « fraîcheur » a séduit. Après nos premières présentations aux futurs diplômés, nous avons reçu 250 CV en une semaine ! ».
Le recrutement de profils plus seniors s’est aussi révélé fluide, PMP Conseil commençant à être connu des clients. Trois ou quatre « anciens » du cabinet de conseil en stratégie SECOR ont rejoint PMP, heureux d’y retrouver une vocation entrepreneuriale, la composante nord-américaine de ce cabinet canadien de référence ayant été rachetée par KPMG en 2012. D’autres consultants viennent de McKinsey, Braxton Consulting ou d’autres cabinets.
Outre l’excellent niveau de formation et de compétences, l’état d’esprit des consultants québécois étonne. « Quand nous, Français, rencontrons quelqu’un en one-to-one, c’est souvent pour lui demander ce qui ne va pas et voir comment on pourrait mieux travailler », observe Gilles Vaqué. Or à Montréal les feedbacks sont beaucoup plus positifs : « Un vrai choc culturel ! ».
Leur réflexion est plus dynamique : « Rien n’est impossible ! En France, on se retrouve vite dans des cases, bien que nous ne connaissions pas cela chez PMP ».
Expertise digitale souhaitée - et plus si affinités
Une offre de conseil en ressources humaines a été développée au sein du bureau de Montréal grâce à l’expertise spécifique d’un manager. Parmi ses autres missions, PMP travaille à la stratégie d’investissements d’un acteur pour la reprioriser (Capex, en Md$) ou sur des sujets marketing (réfléchir au lancement de nouvelles marques pour une industrie), il accompagne la stratégie digitale d’un gros acteur de bancassurance et conçoit des supports à la planification stratégique(3).
En termes de digitalisation, les taux de commerce électronique ou de digitalisation d’un certain nombre de groupes – notamment dans la banque, les télécoms et l’énergie - sont un peu plus faibles que dans l’Hexagone. Il faut dire que la France fait partie des très bons élèves européens !
L’axe Transformation digitale développé par PMP, fait donc écho aux problématiques des clients.
Des « ponts » entre l’Ancien et le Nouveau Monde, naît une nouvelle practice en Europe !
Si le bureau de Montréal est constitué de consultants « locaux », un ou deux Français/Européens y interviennent régulièrement – et inversement. « Depuis novembre 2015, plus de dix consultants de Paris ont déjà participé à nos mandats ici ! », se réjouit Gilles Vaqué. Cela représente un enrichissement mutuel inégalable.
D’autre part, sur les dix consultants de Montréal, six disposent d’une grande expérience en bancassurance, ce qui permet au bureau de se développer rapidement sur ce secteur. D’où l’idée de « transférer » cette expertise nouvelle en Europe et en France, « où PMP ne travaille, dans la bancassurance, que sur des sujets de digitalisation, de relation clients et de finance ». Le cabinet aura bientôt des associés bancassurance européens.
D’autres allers/retours sont prévus via le Lab Big Data créé récemment par PMP ou YouMeO, filiale spécialisée en innovation, fondée par d’anciens managers du cabinet et incubée par celui-ci. « Nous allons pousser ces sujets d’innovation et de Big Data en France et en diffuserons les apports à Montréal ».
Au-delà, l’objectif du bureau québécois est de pérenniser ses missions auprès de ses clients actuels et de se positionner auprès de nouveaux acteurs, référents (mais pas exclusivement) sur les secteurs de PMP. « Continuer également à muscler l’équipe par de jeunes recrues et des profils plus seniors », ajoute Gilles Vaqué.
Le bureau devrait rapidement compter une vingtaine de consultants. « Et, à terme, deux ou trois partners, des associés de PMP à part entière, aussi attachés à la marque qu’à l’activité du bureau de Montréal ».
« Mouton à cinq pattes » selon la formule de Gilles Vaqué, PMP Conseil trace sa route dans l’espace – à l’horizon asiatique sans doute, après le Nouveau Monde – et dans le temps : un nouveau modèle de conseil devrait être créé dans les prochaines années, alliant agilité , proximité des sujets digitaux (via des partenariats et en open innovation), qualité de la relation humaine, expertises dignes de celles des grands cabinets, nourries d’un positionnement international.
L’espace canadien inspirera-t-il bientôt ses confrères stratèges hexagonaux ?
1 – Le Grand Nord Blanc est le surnom du Canada.
2 – Un « mandat » est l’appellation québécoise d’une mission.
3 – Le plan stratégique est appelé « planification stratégique » au Québec.
Lydie Turkfeld pour Consultor.fr
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