le media indépendant du
conseil en stratégie

icone burger fermee

rechercher sur le site

icone recherche

Design et conseil : diversification réussie ou vernis raté ?

 

Dernier avatar de l’animation de l’intelligence collective en entreprises, les cabinets de conseil en stratégie, dans le sillage des grandes corporations et des écoles de commerce qui en ont fait un buzzword, multiplient les rachats, les recrutements et les méthodologies sur le design thinking.

Énième coloration marketing d’une vieille idée ou vraie révolution ? Les pratiques actuelles dans le secteur du conseil en stratégie sont quelque part au milieu.

 

 

16 Nov. 2018 à 00:04
Design et conseil : diversification réussie ou vernis raté ?

 

Murs de post-it, ateliers de créativité… La tendance est claire. Nombre de sociétés historiques du conseil en stratégie se sont saisies récemment des rudiments du design thinking – cette méthodologie protéiforme d’intelligence collective vieille de plusieurs décennies.

Feu de tout bois

Par rachats d’abord. McKinsey a multiplié les acquisitions et vient de lancer une marque de design, McKinsey Design. Quelques mois plus tôt, c’était le Boston Consulting Group qui officialisait l'achat de Maya Design, société de design digital américaine. Plusieurs dizaines d'autres opérations de croissance externe du conseil vers le design ont été recensées ces dernières années.

Ou par formation et recrutement. Chez Bain, des spécialistes de l’expérience utilisateurs, les UX designers, des développeurs de softwares et des product designers sont regroupés au sein d’Adapt, une entité dédiée dont le design thinking est l’une des boussoles.

Chez le spécialiste de la transformation digitale onepoint, le premier designer a été recruté voilà deux ans. Il a fait depuis des petits : l’équipe de designers compte désormais une cinquantaine de personnes. À Paris, d’ici Noël, ce n’est pas moins de la moitié du staff d’A.T. Kearney qui assistera à une des sessions récurrentes de formation sur le sujet.

« Là où historiquement un cabinet de conseil reposait sur deux jambes, des secteurs et des fonctions, de nouveaux modus operandi émergent dont les consultants doivent se saisir », explique Nicolas Lioliakis, le managing director d’A.T. Kearney pour la France.

Internaliser ou ne pas internaliser

Méthode agile, data science, smart IT, intelligence artificielle et… design thinking, telles sont les « cinq briques de modes opératoires qu’on amène aux clients », détaille encore Nicolas Lioliakis. Comme récemment dans une banque qui voulait faire émerger de nouveaux modes de relation avec ses clients.

Sur ce sujet, le cabinet a pleinement investi les méthodes du design thinking : partir de l’usage des consommateurs ou des usagers pour imaginer des solutions empiriques hors des pistes balisées, les « prototyper » et les tester, jeter les moins bonnes et garder les meilleures. Fini le chemin classique d’une mission de strat’ avec ses différentes phases de diagnostic, d’analyse et de solution.

Pour A.T. Kearney, cela passe aussi par des partenariats avec une galaxie d’agences spécialistes du sujet à qui le cabinet peut sous-traiter une partie de ses missions. D’autres internalisent, comme Roland Berger qui vient de recruter Mathieu Griffoul, un principal chargé de faire le lien entre les partenaires externes spécialistes, auxquels le cabinet recourt également, avec les profils plus classiques de consultants d’un cabinet de conseil de direction générale.

Pour dépouiller les modèles de relations d’un assureur avec ses courtiers, le cabinet aurait traditionnellement exhumé l’ensemble des modèles à l’œuvre sur le marché et les aurait segmentés. Avec une dose de design thinking, Roland Berger fait entrer en piste des anthropologues qui beaucoup plus finement vont rencontrer plusieurs courtiers et comprendre pourquoi les uns et les autres collaborent avec telle assurance et non avec telle autre.

« L’idée est de signaler très tôt aux consultants qu’une démarche alternative beaucoup plus large est possible », explique Mathieu Griffoul. Essor donc du design thinking dans le secteur. Ce qui est contre-intuitif pour plusieurs raisons.

« En deux jours d’ateliers de créativité, il est difficile d’être réellement porteur de rupture »

D'abord, il ne date pas d’hier et le secteur s’en est déjà inspiré : « Il y a vingt-cinq ans, on essayait déjà des interviews, des formats nouveaux de réflexion collective et de brainstorming », rappelle Nicolas Lioliakis. Puis les profils analytiques des consultants en stratégie ne semblent pas les mieux qualifiés pour se livrer à cet exercice de créativité.

« Les consultants ont eu tendance à n'appliquer que la partie la plus amont : le reframing, lorsque l'on cherche à faire évoluer sa compréhension d'un problème et à réaliser que le sujet traité n'est pas le bon. Mais le design, ce n'est pas que du thinking, c'est aussi du doing. Une immersion auprès des usagers prend plusieurs mois. En deux jours d’ateliers de créativité, il est difficile d’être réellement porteur de rupture », tacle Martin Lauquin, expert des approches design chez Weave et co-auteur du livre Are you Design ?.

Croiser conseil de direction générale et design thinking, d’accord, mais pas sur tous les sujets. C’est ce que défend Olivier Sibony, l’ancien director de McKinsey et professeur de stratégie à HEC, qui vient de cosigner avec son homologue Bernard Garrette Cracked it!, un livre-boîte à outils pour quiconque veut s’imprégner des meilleures méthodologies de résolutions de problèmes complexes, notamment élaborées dans les cabinets de conseil en stratégie. L’ouvrage fait la part belle au design thinking.

« Pour certains types de problèmes, on préférera une réflexion étroite et traditionnelle façon McKinsey ; pour d’autres sujets, une approche d’entrepreneur ou de créatif est plus souhaitable », défendait Olivier Sibony en septembre devant le consulting club de HEC.

Certains secteurs et clients sont plus ouverts au design thinking

Même son de cloche du côté des praticiens pour qui le design thinking passe mieux dans certains secteurs en lien plus direct avec les usagers finaux (services financiers, grande distribution, transports) ou auprès de certaines générations de dirigeants plus jeunes.

Parfois, Roland Berger n’hésite plus à présenter les conclusions de ses missions par des maquettes, des grands formats papier A0 ou des chroniques écrites plutôt que sur un PowerPoint. Ce qui n’est pas possible auprès de tous les clients.

« Certains comités de direction ne veulent pas que le format de ce qui leur est présenté soit bousculé », se souvient Mathieu Griffoul. Pas la peine donc de faire pleuvoir des post-it parce que c'est la mode à chaque réunion avec les clients. Le pragmatisme est de rigueur.

L’idéal, défendait Bernard Garrette fin septembre à HEC, est de « combiner différentes approches de résolutions de problèmes les unes avec les autres, et ce de manière cohérente pour pouvoir s’attaquer à un champ relativement large de sujets, y compris ceux qui incluent de la créativité et de l’innovation ». Là, précisément, où les têtes bien faites de la stratégie ne sont pas des cracks.

Benjamin Polle pour Consultor.fr

 

16 Nov. 2018 à 00:04
tuyau

Un tuyau intéressant à partager ?

Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !

écrivez en direct à la rédaction !

commentaire (0)

Soyez le premier à réagir à cette information

1024 caractère(s) restant(s).

signaler le commentaire

1024 caractère(s) restant(s).
8 + 1 =

France

  • Le partnership français de McKinsey perd 7 associés en 2 mois
    30/10/24

    L’automne fait son œuvre au sein de la Firme, les feuilles tombent… et les partners aussi. Les nouveaux départs sont ceux de Flavie Nguyen et Thomas London.

  • Deux associés EY-Parthenon propulsés au comex d’EY France
    29/10/24

    Julia Amsellem, qui a rejoint l’entité de conseil en stratégie d’EY en 2017, et Étienne Costes, engagé depuis 2013, font partie des 17 membres du nouveau comex d’EY dans l’Hexagone.

  • Pauvreté : l’étude choc d’Oliver Wyman
    23/10/24

    C’est une étude coup de poing que le cabinet Oliver Wyman a réalisée à titre pro bono pour le collectif ALERTE (fort de 35 associations, dont Action contre la Faim, Médecins du Monde et ATD Quart Monde) dédié à la pauvreté et à l’exclusion. Elle est intitulée « Lutter contre la pauvreté : un investissement social payant. » L’une des conclusions plutôt contre-intuitive : combattre la pauvreté par des financements serait un investissement gagnant-gagnant, pour les personnes concernées comme pour l’économie nationale. Les analyses du président d’ALERTE, Noam Leandri, et de Jean-Patrick Yanitch, partner à la tête de la practice Service public et Politiques publiques en France.

  • Le partnership parisien de McKinsey se déplume avec le départ de deux nouveaux associés
    15/10/24

    Début octobre, deux nouveaux partners ont disparu de la liste des associés de la Firme : Guillaume de Ranieri, poids lourd du cabinet où il évoluait depuis 24 ans, et Xavier Cimino, positionné sur une activité stratégique.

  • Roland Berger recrute un partner Énergie chez Accenture
    07/10/24

    Doté d’un parcours dédié presque exclusivement au conseil (BCG, Kearney, Accenture - entre autres), Mathieu Jamot rejoint le bureau parisien de Roland Berger.

  • Nouvel associé senior « pure strat » : le partnership d’eleven s’étoffe encore
    03/10/24

    Depuis avril 2024, les arrivées se succèdent : après Jean-Charles Ferreri (senior partner) et Sébastien d’Arco (partner), Thierry Quesnel vient en effet renforcer les forces vives, « pure strat » et expérimentées, d’eleven.

  • Lyon, Bordeaux, pourquoi les cabinets s’installent en région ?
    02/10/24

    Minoritaires sont les cabinets de conseil en stratégie à avoir fait le choix de s’implanter au cœur des régions françaises. McKinsey, depuis les années 2000, Kéa depuis bientôt 10 ans, Simon-Kucher, Eight Advisory, et le dernier en date, Advention… Leur premier choix, Lyon. En quoi une vitrine provinciale est-elle un atout ? La réponse avec les associés Sébastien Verrot et Luc Anfray de Simon-Kucher, respectivement à Lyon et Bordeaux, Raphaël Mignard d’Eight Advisory Lyon, Guillaume Bouvier de Kéa Lyon, et Alban Neveux CEO d’Advention, cabinet qui ouvre son premier bureau régional à Lyon.

  • Kéa mise sur l’IA et la data avec sa 10e opération de croissance en 3 ans
    23/09/24

    Retour sur la dynamique de croissance externe de Kéa via l’intégration capitalistique de Veltys – et le regard du PDG et senior partner de Kéa, Arnaud Gangloff.

  • Ces deux ministres du gouvernement Barnier qui ont débuté dans le conseil
    23/09/24

    Astrid Panosyan-Bouvet, une ancienne de Kearney, et Guillaume Kasbarian, un ex de Monitor et de PMP Strategy, entrent dans le copieux gouvernement de Michel Barnier, fort de 39 ministres et secrétaires d’État. Bien loin des 22 membres du premier gouvernement Philippe ; ils étaient 35 sous le gouvernement Attal.

Super Utilisateur
France
design thinking, design, Olivier Sibony, HEC, onepoint, Mathieu Griffoul, roland berger, Nicolas Lioliakis, a.t. kearney, atk
3461
2021-11-09 11:51:43
0
Non
France: Design et conseil : diversification réussie ou vern
à la une / articles / Design et conseil : diversification réussie ou vernis raté ?