Le conseil en stratégie et les systèmes d’information : la fin du désamour ?
« Nous observons un vrai changement de regard sur les systèmes d’information. Les problématiques liées aux SI deviennent essentielles et se retrouvent de plus en plus souvent sur la table des directeurs généraux », assure Matteo Pacca, directeur associé de McKinsey & Company et responsable du pôle de compétences business technology (BTO) en France. La révolution digitale a changé la donne de ces practices IT et du type d’intervention. Délaissé, voire méprisé à ses débuts, le conseil en stratégie des systèmes d’information semble aujourd’hui prendre de l’ampleur au sein des cabinets de conseil en stratégie.
De nouveaux enjeux liés à la révolution digitale
« La notion de SI recouvre l’idée que la technologie est un outil permettant d’aider à fournir un service donné, explique Stéphane Potier, partner de Roland Berger en charge des SI. Le digital est le constat que la technologie est elle-même devenue le service, comme chez Amazon où c’est la plateforme Web qui fournit le service sans intervention humaine. Le digital est donc très lié aux nouvelles technologies », poursuit-il. Avec le numérique, le conseil en stratégie des systèmes d’information prend des proportions nouvelles. Il touche un champ beaucoup plus large nécessitant d’assembler plusieurs compétences au sein des cabinets de conseil en stratégie.
Preuve de cet engouement, Roland Berger réfléchit à renforcer en 2015 son centre de compétence vers le « digital service excellence », mêlant technologies IT et services digitaux. Pour Stéphane Potier,« cette nouvelle orientation permettra d’associer le digital qui devient un élément clé de la proposition de valeur et la capacité à concevoir et opérer des plateformes opérationnelles de tels services ».
McKinsey a également beaucoup élargi son offre ces cinq dernières années. Au-delà du pôle business technology, lancé il y a une vingtaine d’années, le cabinet dispose désormais d’un digital lab où sont recrutés des profils techniques pour concevoir des interfaces utilisateurs. « Disposer d’experts au sein des équipes de consultants est désormais indispensable. La technologie irrigue toute l’entreprise et devient un enjeu stratégique pour les directions générales », confirme Matteo Pacca,directeur associé de McKinsey.
Une practice comme une autre
Les cabinets de conseil en stratégie semblent rencontrer quelques difficultés à recruter des profils passionnés à la fois par le conseil et les technologies. Pourtant, chez McKinsey, la stratégie des systèmes d’information serait une practice comme une autre. « Cette activité n’est rien d’autre qu’une déclinaison des expertises et savoir-faire qui sont notre cœur de métier, explique Matteo Pacca. Nos consultants spécialisés en SI suivent des missions doubles de conseil en management et en technologies », ajoute-t-il. Pourquoi alors ces profils spécialisés sont-ils si difficiles à embaucher ? Le directeur associé de McKinsey assure que ce n’est pas parce que la practice est mal cotée : « Au contraire, ce sont des missions enrichissantes. Nous accompagnons des directions générales afin de maximiser la contribution de leurs outils technologiques à leurs ambitions de développement global. Les enjeux ne sont pas techniques, mais réellement stratégiques et ne se limitent pas à l’informatique ». Michel Jaubert, partner d’A.T. Kearney, confirme que la practice n’est pas mal vue et que grâce à la révolution numérique tout le monde s’intéresse aux systèmes d’information. Le cabinet a mis en place des brainstormings réunissant consultants juniors et seniors. Ensemble, ils échangent autour de thématiques mêlant un secteur d’activité et les nouvelles technologies. Ces rencontres sont l’occasion pour les ressources humaines et les partners de repérer les consultants montrant de l’intérêt pour les systèmes d’information.
Plus mesuré, Stéphane Potier juge que tout dépend du type de mission : « Certains projets à forte valeur ajoutée intellectuelle sont passionnants. D’autres, plus techniques de réduction des coûts peuvent n’intéresser qu’une frange plus limitée de consultants ». Il assure cependant que les équipes de Roland Berger ne sont pas hermétiques aux SI. Environ 5 % des 250 consultants du cabinet contribue activement à cette practice. Et plus d’effectifs peuvent être mobilisés quand un programme important contient un module SI. « Je n’ai jamais eu de problème pour staffer mes projets », affirme le partner de Roland Berger.
Du conseil en stratégie avant tout
Quand on évoque Accenture, IBM et les autres entreprises spécialisées dans les systèmes d’information, les cabinets de conseil en stratégie sont unanimes : la proposition de valeur n’est pas la même ! « Nous n’exerçons pas le même métier. Leur rôle est de mettre en œuvre des solutions. Ils ne font du conseil en stratégie qu’à la marge », réagit Michel Jaubert.
Autre argument, l’indépendance des cabinets de conseil en stratégie. À tort ou à raison, un doute persiste chez les dirigeants quant à la neutralité des acteurs type IBM. « Leur activité de conseil ne leur sert-elle pas à faire de la prospection ? met en cause Stéphane Potier. Ils sont très bons en technique, mais nous sommes mieux armés pour conseiller la direction générale de très gros groupes sur des problématiques compliquées. »
Léa Billon pour Consultor
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