Sous pression de l’État, Action Logement fait entrer les consultants
En négociation avec le gouvernement sur le recentrage de ses missions et l’amélioration de son organisation, Action Logement, l’ex-1 % Logement, créé en 1953 pour collecter la participation des entreprises à l’effort de construction (PEEC), se tourne vers des cabinets de conseil pour l’assister « dans un processus de profonde transformation stratégique, organisationnelle et numérique, afin de mieux répondre à ses missions », selon un appel d’offres qui se clôturera le 14 juin.
D’une durée de vingt-quatre mois et d’un volume annuel estimé à l’équivalent de 1 820 jours, reconductible deux fois, ce marché lancé le 17 mai (voir le dossier de consultation en ligne) vise à sélectionner de trois à cinq prestataires de conseil en organisation et stratégie, ainsi que plusieurs prestataires d’assistance à maîtrise d’ouvrage (conseil en finance, conseil en stratégie immobilière, logistique, courrier, ameublement, fournitures, véhicules, ressources humaines…).
L’objectif de ces conseils sera de « définir et cadrer des plans stratégiques visant une meilleure performance opérationnelle globale ». Il donnera lieu à l’émission de bons de commande pour les prestations de moins de 40 000 euros, et la conclusion de marchés pour tout besoin supérieur à 40 000 euros.
Le lieu d’exécution principal des prestations se situe dans les locaux du siège social du groupe Action Logement à Paris 13e, et de manière moins régulière dans les locaux d’Action Logement en France métropolitaine.
Le marché couvrira les deux principales filiales d’Action Logement Groupe, l’association gérée paritairement par des syndicats patronaux (Medef, CPME) et de salariés (FO, CFDT, CGT, CFE-CGC, CFTC).
Deux filiales à conseiller
Il s’agira d’une part d’Action Logement filiale immobilière, ALI, 15 000 collaborateurs, qui détient, à travers cinquante-sept organismes HLM, près d’un million de logements sociaux ou intermédiaires, ce qui représente environ 20 % du parc social français, selon les estimations du Monde (voir l’article).
Il s’agira d’autre part d’Action Logement Services (ALS, 3 000 collaborateurs répartis dans treize délégations régionales et un peu plus de 130 implantations) qui reçoit chaque année 1,7 milliard d’euros de contribution des entreprises, qu’elle redistribue ensuite pour aider les salariés à se loger sous la forme de prêts à des primo-accédants, à des bailleurs sociaux pour construire ou rénover. Le directeur général d’ALS, Olivier Rico, est d’ailleurs l’un des référents de l’accord-cadre.
Les cabinets de conseil en stratégie retenus auront à accompagner la transformation organisationnelle de ces deux filiales. Ils devront par exemple proposer « des services en ligne sur l’ensemble des demandes des clients » ou à établir « une vue à 360 degrés des clients et partenaires », selon l’appel d’offres. Les prestations attendues des consultants prendront la forme de « diagnostics organisationnels », d’« accompagnement à l’externalisation et la mutualisation de services » et de « plans de transformation organisationnelle ».
Des négociations avec l’État en cours
Un appel d’offres qui intervient dans un contexte bien particulier pour le groupe qui finance des pans entiers de la politique du logement en France.
D’abord parce qu’il a lieu quelques mois après l’entrée en fonction de Nadia Bouyer à la direction générale du groupe – longtemps attendue après le départ retardé de son prédécesseur Bruno Arbouet.
Puis, surtout, parce qu’Action Logement est soumis à une forte pression de l’État pour se réorganiser. En 2020, un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), remis au Gouvernement, et obtenu par Le Monde, mettait en cause la gouvernance du groupe. « Objet de “graves dysfonctionnements”, victime d’“instabilité chronique”, complexe, opaque, où “le contrôle par l’État du bon usage de la PEEC s’avère difficile” », écrivait le quotidien, citant le rapport de l’IGF. Les frais de fonctionnement (342 millions d’euros en 2018) étaient alors également jugés trop élevés.
Plusieurs options de réformes ont été évoquées : affectation directe de la PEEC à l’État, Action Logement devenant un prestataire de services, suppression d’Action Logement et transfert de son patrimoine immobilier aux caisses de retraite Agirc-Arrco, baisse de 0,45 % (de la masse salariale) à 0,22 % de la participation des entreprises.
Pas plus tard que le 6 mai 2021, partenaires sociaux et représentants des ministres en charge du Logement, et de l’Économie et des Comptes publics avaient rendez-vous. Une réunion à l’occasion de laquelle l’organisme paritaire a remis ses propositions à l’exécutif dans un document de onze pages qui a fuité dans la presse (voir l’article).
Les partenaires sociaux y reconnaissent à leur tour que « la situation actuelle présente des dysfonctionnements », qu’il existe « une articulation problématique entre la tête du groupe et ses filiales », et appellent à la création « d’un conseil d’orientation stratégique du groupe Action Logement ».
Les consultants choisis ne manqueront donc pas de grains à moudre. D’ailleurs, originalité de cet appel d’offres, il est demandé aux cabinets qui s’y portent candidats de répondre à une étude de cas.
« Action Logement Services souhaite se doter d’une direction transformation et organisation. Son objet est d’améliorer l’efficacité de notre fonctionnement, notre cohérence et notre cohésion, sans alourdir notre fonctionnement […]. » Charge aux consultants de proposer en trois pages ou dix diapositives le mode de fonctionnement d’une telle direction et les moyens de sa mise en œuvre.
Un sujet dont on imagine qu’il n’a pas été choisi par hasard.
Benjamin Polle pour Consultor.fr
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