À la découverte des apéros business cases parisiens
Des groupes de dix à vingt étudiants, majoritairement internationaux et hors des écoles d'ingénieurs et de commerce cibles, se donnent rendez-vous une fois par semaine pour des apéritifs studieux. Leur ambition : intégrer le secteur du conseil en stratégie auquel a priori ils ne sont pas destinés. Avec des premiers résultats. Reportage.
Rendez-vous avait été donné sous la canopée des Halles dans le trendy Za Café dont l’intérieur est griffé Philippe Starck. Non pas pour déguster quelques-unes des soupes de légumes et omelettes du cru. Un groupe d’une quinzaine de jeunes gens sont attablés et s’affairent autour de manuels de Case in Point, l’une des bibles de la préparation aux business cases, et autres polycopiés.
L’objectif est de s’entraîner à la préparation des fameux cas d’affaires, dont la maîtrise est le b.a.-ba pour entrer dans les cabinets de conseil en stratégie. Bienvenue au meetup Case Interview Practice. La plateforme aux 35 millions d’utilisateurs, qui aident les fanas d’une même discipline ou d’un même sujet (code, cuisine, littérature, tech, entrepreneuriat, yoga…) à se rassembler à échéances régulières, dispose de son rendez-vous des aspirants consultants en stratégie.
C’est une Espagnole, Raquel Navalón de la Rosa, qui en assure la coordination depuis décembre. Après des études de langue (de français et d’allemand notamment) et d’ingénieur à Madrid, elle prolonge son parcours universitaire à l’INP de Toulouse et au CNAM à Paris. Puis trois années de conseil en IT chez Sopra Steria, ainsi qu’une année chez Veolia.
Des profils atypiques
Pas vraiment le profil typique issu des écoles cibles. Et autour des grandes tables-bars en chêne clair, ils sont un peu tous dans la même situation. Ils ont globalement moins de 30 ans, sont minoritairement français et viennent se frotter à la préparation des cas d’affaires sans avoir a priori les épaules pour proposer du conseil aux directions générales.
Georges*1 sort fraîchement de l’EM Lyon où il vient de boucler un master après une première vie d’ingénieur. Il est en piste pour des entretiens chez PMP et « pas chez les MBB parce que les process sont trop longs et sélectifs », dit-il.
Karan, lui est moins avancé. À 29 ans, l’Indien diplômé de management dans le secteur hôtelier « est un bébé en ce qui concerne le secteur ». Le conseil en stratégie, « pourquoi pas », mais il n’a encore aucune idée d’où et comment. Il y a aussi Laura. Diplômée de Reims Business School (renommée Neoma), ses premières années de carrière l’ont menée à New York et à Sydney où elle a acquis un solide niveau d’anglais et développé une expérience de project management appliquée à plusieurs industries.
McKinsey ou rien
Le sujet du jour : un groupe de producteurs de biens de grande consommation aux 800 millions de dollars de chiffre d’affaires souffre sur un segment de produits tout juste rentables les bons trimestres, mais régulièrement en pertes sinon. Le groupe a reçu une offre de rachat sur cette ligne de produits et le management vous sollicite pour le conseiller sur la décision la plus pertinente. Que lui proposez-vous ?
Par petits groupes de deux ou trois, les apprentis se lisent les énoncés des cas, en notent les principaux éléments puis discutent de la manière de structurer au mieux leurs réponses. Rien de plus classique avec quelques couacs à la fin de la première lecture. Certains n’ont pas compris l’énoncé du problème, d’autres, la nature de l’entreprise ou la question posée.
Tous ne se destinent pas au conseil en stratégie ou ne recherchent pas d’emploi. C’est le cas de Aveek Mukherjee, salarié chez GE à Grenoble en product strategy après des études ingénieur. « Le problème du conseil est que l’on aide le business mais on ne fait pas le business », raille-t-il. Ambitieux et enthousiaste, comme la plupart des jeunes qui viennent à ces apéritifs un peu particuliers, s’il devait faire du conseil plus tard, ce serait chez McKinsey et rien d’autre.
Comme lui, ils sont quelques-uns à venir à ces réunions parce qu’ils y voient un intérêt pour leur réseau professionnel, pour les compétences dont ils ont besoin dans leurs fonctions actuelles, voire par plaisir intellectuel.
« C’est stimulant d’être entouré de gens ambitieux et c’est aussi une occasion inédite de s’exercer intellectuellement », témoigne par exemple James Priso, un consultant de chez Weave. Idem pour Jean-Claude : technical solutions engineer chez Teads.TV, le spécialiste de la publicité vidéo en ligne, qui vient aux meetup pour travailler sa sagacité aux sujets business avec dans le viseur un projet entrepreneurial.
Des premiers admis au BCG
En moyenne, entre dix et vingt personnes répondent présentes depuis les premières rencontres mises sur pied en juin 2017. « Les réunions fonctionnent bien parce qu’elles drainent des gens ambitieux, très sympas et avec une énorme envie d’apprendre », résume Raquel Navalón de la Rosa.
Avec une dose d’ouverture supplémentaire en comparaison des clubs d’école, par nature fermés aux non-étudiants, et un certain succès : deux ou trois des participants seraient sur le point de faire leur entrée au BCG. Et peut-être que Raquel Navalón de la Rosa comptera parmi eux bientôt. Encouragée par des connaissances chez McKinsey à y tenter sa chance, elle débute cette semaine le process de recrutement au bureau parisien de la firme.
Benjamin Polle pour Consultor.fr
*1 Le prénom a été modifié.
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