Décès de Dominique Mars, figure du conseil en stratégie à la française
Dominique Mars, le fondateur éponyme du cabinet de conseil en stratégie Mars & Co, est décédé vendredi 2 février à l’âge de 77 ans.
Le « Bocuse de la strat’ », un « bourrin analytique », un « what the fuck total sur le marché du conseil »… En un demi-siècle de métier, c’est peu dire que le parcours de Dominique Mars n’aura pas laissé indifférent.
Par culot et provoc’ notamment ! En 1971, encore étudiant à la Harvard Business School et plâtré à une jambe, il offre à un associé du BCG de passer chez lui sur le chemin du retour à Boston pour lui faire passer un entretien d’embauche... Et cela fonctionne : issu d’une famille modeste du Bordelais, il fait ses débuts dans le conseil au BCG aux États-Unis, après une scolarité exemplaire en classe préparatoire au lycée Montaigne de Bordeaux, puis à Centrale Paris et à Harvard.
La même provoc’ qui plusieurs dizaines d’années plus tard, au Siècle, l’amène à proposer à une éminence de l’Église catholique assise à sa table de faire une étude sur les raisons de son recul vis-à-vis de l’Islam. « À condition que, comme Mazarin, je sois promu cardinal sans passer par la case prêtre », s’amuse-t-il alors. La proposition d’étude est restée lettre morte, mais gêne assurée des convives autour de la table.
Après le BCG, naissance de Mars & Co
Entretemps, redoutable bosseur qui donnait 12 heures de cours de maths par jour pour financer ses études, il est devenu managing director du BCG et fonda les bureaux de Londres, puis de Paris. Il quitte le cabinet après avoir proposé au BCG de faire du « un client par secteur », à l’image des grands cabinets d’avocat, une règle de conduite. Il est sèchement mis en minorité.
Il n’en restera pas moins le chantre de cette exclusivité qui deviendra un des principes fondateurs de Mars & Co, créé avenue Exelmans à Paris en 1979.
Les règles sont simples : les clients sont obligatoirement les mêmes que ceux de McKinsey, Bain et du BCG (MBB) et les prestations facturées au même niveau. La barre est environ à 600 000 dollars par consultant et par an.
Positionnement haut de gamme, exclusivité et retainer
La recette fonctionne. Au total, ce sont une cinquantaine de grands comptes – avec peu de perte en ligne – qui sont servis par plus de 200 consultants. Quatre décennies durant, les contrats de la société ont été signés en direct avec les dirigeants des plus grands groupes. Jean-Louis Chaussade chez Suez, Indra Nooyi, la PDG de Pepsi, tout comme ce fut le cas pour son prédécesseur Roger Enrico, décédé en 2016, ou Peter Brabeck-Lemathe, le PDG de Nestlé, restaient des interlocuteurs réguliers de Dominique Mars.
Autre marque de ce succès : le « retainer ». Mars & Co et ses clients se mettent d’accord sur un montant global d’honoraires d’année en année, au lieu d’un règlement à la mission. Ce qui a l’avantage, pour les entreprises clientes qui font ce choix, de préempter les équipes Mars & Co sur une période donnée et de déterminer les sujets sur lesquels elles interviendront.
Malgré ce développement, l’exposition publique, très peu pour lui, hormis une interview au Wall Street Journal dans les années 1980. Sauf quand le cabinet de Nicolas Sarkozy décroche son téléphone en juillet 2007 pour lui proposer de concevoir les évaluations des ministres du nouveau Président de la République. Il demande à ce que sa mission reste confidentielle, ce qui ne sera pas tenu. Ce sera la seule incursion de Mars & Co dans le secteur public.
Car, sinon, la presse, il la fuit. Il a longtemps considéré la discrétion comme un argument commercial et le gage d’attirer des candidats un peu plus curieux que la moyenne. Point sur lequel il avait dû évoluer avec le temps, jugeant que l’image prenait une part grandissante dans l’activité des cabinets de conseil. C’est en ce sens qu’en 2017, il avait par exemple reçu Consultor dans les murs de l’ancien secrétariat d’État avenue Raymond Poincaré où est logé le cabinet depuis 1995.
« J’en garde un souvenir impérissable, se souvient Rafaël Vivier, directeur général de Consultor. Dominique Mars dégageait quelque chose d’exceptionnel, magnétique, horripilant et envoûtant. »
L’AVC de 2003
La communication n’est pas le seul point sur lequel il est forcé d’évoluer. En 2003, il est rattrapé par la maladie. Il est victime d’un AVC dont les médecins disaient alors qu’ils n’auraient pas dû se relever. Hospitalisé aux Invalides au côté des vétérans des guerres de Corée et d’Algérie, il lui faudra 6 mois à raison de 5 heures par jour pour marcher à nouveau.
L’épisode marque un coup d’arrêt à ce qu’il appelait ses « activités déraisonnables » : la plongée ultra-profonde au-delà de 55 mètres, la chute libre, le parapente, le saut à l'élastique, l'ULM, le ski de couloir après dépose en hélicoptère !
Sa passion équine, elle, l’a accompagné toute sa vie. Avec Danièle Lienhart, son épouse, ils sont propriétaires d'un haras dans l'Orne et possèdent plusieurs chevaux qui cumulent des dizaines de sélections en équipes de France et des médailles aux championnats d'Europe, du monde et aux Jeux olympiques ! Des années après, il disait se souvenir avec des trémolos dans la voix du bronze d’Alexandra Ledermann aux Jeux olympiques de 1996 sur un de ses chevaux. Un dada personnel qui l’avait conduit à racheter le mensuel L’Éperon.
L’avenir de Mars & Co à nouveau en question ?
Avec son décès, la question de l’avenir de la société, qui est souvent revenue à l’ombre de la figure tutélaire de son fondateur, se pose de nouveau.
Le cabinet a, de ce point de vue, toujours défendu la même ligne : même si Dominique Mars restait présent dans la vie du cabinet ces dernières années, en super apporteur d’affaires, en passant ici et là des notes de conjonctures qu’il affectionnait tant, tout le reste (gestion des grands comptes, vérification des présentations…) est allé de manière croissante aux vice-présidents du cabinet. « Mes compagnons et nos clients font de Mars & Co un adulte solide qui continuera à grandir sans moi », disait Dominique Mars lorsqu’il avait reçu Consultor fin 2017.
Et il expliquait continuer à s’appliquer quotidiennement ses maximes préférées : « Je continue à m'éclater et je poursuis le voyage tout sereinement jusqu'au moment où le rideau se refermera. »
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commentaires (5)
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France
- 30/10/24
L’automne fait son œuvre au sein de la Firme, les feuilles tombent… et les partners aussi. Les nouveaux départs sont ceux de Flavie Nguyen et Thomas London.
- 29/10/24
Julia Amsellem, qui a rejoint l’entité de conseil en stratégie d’EY en 2017, et Étienne Costes, engagé depuis 2013, font partie des 17 membres du nouveau comex d’EY dans l’Hexagone.
- 23/10/24
C’est une étude coup de poing que le cabinet Oliver Wyman a réalisée à titre pro bono pour le collectif ALERTE (fort de 35 associations, dont Action contre la Faim, Médecins du Monde et ATD Quart Monde) dédié à la pauvreté et à l’exclusion. Elle est intitulée « Lutter contre la pauvreté : un investissement social payant. » L’une des conclusions plutôt contre-intuitive : combattre la pauvreté par des financements serait un investissement gagnant-gagnant, pour les personnes concernées comme pour l’économie nationale. Les analyses du président d’ALERTE, Noam Leandri, et de Jean-Patrick Yanitch, partner à la tête de la practice Service public et Politiques publiques en France.
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Doté d’un parcours dédié presque exclusivement au conseil (BCG, Kearney, Accenture - entre autres), Mathieu Jamot rejoint le bureau parisien de Roland Berger.
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Depuis avril 2024, les arrivées se succèdent : après Jean-Charles Ferreri (senior partner) et Sébastien d’Arco (partner), Thierry Quesnel vient en effet renforcer les forces vives, « pure strat » et expérimentées, d’eleven.
- 02/10/24
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- 23/09/24
Retour sur la dynamique de croissance externe de Kéa via l’intégration capitalistique de Veltys – et le regard du PDG et senior partner de Kéa, Arnaud Gangloff.
- 23/09/24
Astrid Panosyan-Bouvet, une ancienne de Kearney, et Guillaume Kasbarian, un ex de Monitor et de PMP Strategy, entrent dans le copieux gouvernement de Michel Barnier, fort de 39 ministres et secrétaires d’État. Bien loin des 22 membres du premier gouvernement Philippe ; ils étaient 35 sous le gouvernement Attal.