Deux partners McKinsey planchent sur la reconstruction de Gaza
Comment « penser » la reconstruction alors que la guerre fait rage ? Une question que les contributeurs de Palestine Emerging se sont nécessairement posée. S’il y a des urgences absolues, humanitaires et de cessez-le-feu, les « jours d’après » doivent être anticipés selon eux. D’où le plan directeur élaboré par ce groupe de réflexion formé à l’initiative du PREP (Palestinian Reconstruction and Economic Partnership).

En décembre 2023, dans le centre de Londres, plus d’une vingtaine de représentants d’institutions influentes au Moyen-Orient, en Europe et aux États-Unis se sont retrouvés pour bâtir un plan de reconstruction et de développement à long terme de la bande de Gaza, mais aussi de la Cisjordanie. Parmi les participants — selon le New York Times qui s’en est fait l’écho — de hauts fonctionnaires d’agences de développement économique américaines et européennes, ainsi que des dirigeants d’entreprises moyen-orientales ou œuvrant au Moyen-Orient dans la finance, la construction, l’urbanisme et la santé.
La présence d’Hashim Shawa, président de la Bank of Palestine, a été notée, tout comme celle de Samer Khoury, DG de Consolidated Contractors International, une entreprise de construction qui mène de grands projets dans la région, et de Mohammed Abukhaizaran, membre du conseil d’administration de l’Arab Hospitals Group actif en Cisjordanie. Autre participant de choix, Chris Choa, fondateur et directeur d’Outcomist (une entreprise londonienne qui conçoit des projets urbains de développement à grande échelle), par ailleurs l’un des initiateurs de Palestine Emerging et concepteur d’un plan détaillé pour Gaza dès 2015 à la demande d’intérêts commerciaux palestiniens.
Deux partners du cabinet McKinsey étaient aussi sur place : Eric Hazan, senior partner du bureau de Paris, et David Meredith, partner du bureau de Londres. Une contribution « à titre personnel et pas au nom de leur entreprise », comme tous les autres participants, peut-on lire dans le plan téléchargeable en ligne.
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L’ambition et les grandes lignes de ce plan-cadre
À l’origine de Palestine Emerging, le PREP est une « initiative coopérative du secteur privé ». Ses membres représentent « le consensus émergent d’une coalition pro bono de plus de 60 dirigeants et experts * issus d’un large éventail de groupes palestiniens et internationaux de la société civile, d’organisations techniques ou technologiques et d’institutions financières ».
Son plan directeur s’articule autour de 10 points clés qui vont de la « sécurité alimentaire » à « l’évaluation de l’état des bâtiments » et à la mise en œuvre de solutions temporaires d’hébergement, en passant par la « fourniture d’énergie et d’eau, la santé et l’éducation » et l’attention à prêter « au travail social et à la santé mentale ».
Parmi les principales propositions figurent la construction d’une usine de dessalement pour fournir de l’eau potable à l’ensemble de la population ou le déploiement d’un service de santé en ligne. Un port en eaux profondes devrait aussi voir le jour via la création d’une île artificielle — « à partir des millions de tonnes de débris et de décombres voués à recouvrir le territoire une fois le conflit terminé ». En s’inspirant des exemples qataris et saoudiens, des investissements majeurs dans l’équipe de foot palestinienne devraient être réalisés, avec la construction d’un stade pouvant accueillir d’autres sports et événements. Une monnaie pourrait également être émise en remplacement du shekel israélien.
Autre élément notable, le fait qu’un « corridor de transport » soit envisagé entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, par souci d’efficacité économique. Les acteurs locaux et tous les freins qui ont pu entraver la croissance et l’emploi seront pris en compte de façon prioritaire.
Un scénario de croissance a été établi à l’horizon 2050 :
- 610 000 nouveaux emplois requis (x 3 par rapport à la situation d’avant octobre 2023) ;
- Des constructions à multiplier par 10 pour répondre aux besoins ;
- Un PIB annuel de 33 billions de dollars pour « libérer le potentiel économique de Gaza » (x 10).
Sachant qu’en 2022, plus de 45 % de la population gazaouie était sans emploi selon la Banque mondiale. Le FMI estime pour sa part que, la même année, plus de la moitié de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté.
Bien que les objectifs de ce plan semblent terriblement éloignés de la situation qui prévaut toujours à Gaza, ses contributeurs sont persuadés qu’il est indispensable « de compléter les efforts en cours » au niveau humanitaire et politique par « des stratégies [de développement économique, ndlr] visant le court terme (2030), le moyen-terme (2040) et le long-terme (2050) ».
Une autre réunion a eu lieu à Washington en mars, puis une nouvelle à Ramallah en Cisjordanie. Une rencontre est aussi prévue en juin prochain à Tel-Aviv. Ce plan a retenu l’attention de la Banque mondiale, qui y voit une possibilité d’inscrire le territoire dans l’économie internationale. Des représentants d’agences gouvernementales américaines ont également participé à des ateliers et « proposé des conseils pour certains détails du plan », selon le New York Times.
Focus sur les deux partners McKinsey investis dans Palestine Emerging
Eric Hazan a rejoint le bureau parisien de McKinsey en 2007. Directeur associé senior, il y pilote la ligne de service Stratégie pour le monde, après avoir été directeur associé de la practice Marketing et Ventes en Europe. Il est aussi membre du Conseil du McKinsey Global Institute. Diplômé de HEC Paris en 1992, il est l’un des grands experts Digital et Tech du cabinet — et CPG/Retail + Consumer Digital et Advanced Analytics + “shape the shapers” (startups de la tech).
Du côté de Londres, David Meredith est pour sa part associé, expert du système de santé et de l’hôpital, avec un intérêt particulier pour les fusions hospitalières. Il a d’ailleurs consacré plusieurs articles à ce sujet. Avant de rejoindre la firme en 2004, il a managé les finances d’une organisation à but non lucratif de la région de Boston et a aussi fait un passage comme manager chez PwC — toujours à Boston. David Meredith est titulaire d’un MBA du MIT.
* Dans le plan téléchargeable, « plus de 100 dirigeants » sont évoqués, mais sur le site de Palestine Emerging, il est fait mention de « plus de 60 dirigeants ».
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