Directions de la stratégie - consultants : mode d’emploi d'une relation plurielle
Concurrents, clients, collaborateurs, prospects... quelles relations ces directions hybrides entretiennent-elles avec les cabinets de la place ? Revue des troupes.
Les relations entre directions de la stratégie et sociétés de conseil ne sont pas toujours de tout repos.
« Je les aurais foutus à la porte », comme dit, sous couvert d’anonymat, un ancien directeur de la stratégie de la filiale française d’un groupe bancaire international. Lui n’aurait certainement pas toléré de voir des consultants en stratégie marcher sur ses plates-bandes. « Ou alors il aurait fallu me licencier. »
Des conflits potentiels entre directions de la stratégie et consultants externes sont plus récurrents dans les groupes du CAC 40. Les enjeux politiques et les staffs nombreux y favorisent les conflits d’intérêts et la multiplication de missions parallèles.
Le job n’est pas « évident », confirme-t-on, encore anonymement, à la direction de la stratégie d'une entreprise de taille intermédiaire (ETI). « Le périmètre d’une direction de la stratégie est variable : il peut inclure ou non le M&A (les fusions et acquisitions, ndlr), le contrôle de gestion, ou, dans des sociétés de plus petite taille, être implicitement incorporé aux attributions du directeur administratif et financier, voire directement à celles du président-directeur général pour certains aspects », dit un ancien responsable.
« Le petit jeune à haut potentiel », « le vieux grognard » : monographie des directions de la stratégie
Mais c’est aussi une question de taille. D’ailleurs, hormis les plus grands groupes, souvent, le poste de direction de la stratégie n’existe même pas. « En France, si vous regardez les sociétés du SBF 120, vous allez trouver 120 directeurs financiers, 120 directeurs des ressources humaines, 120 directeurs des ventes, 120 directeurs généraux, mais seulement 57 directeurs de la stratégie », selon un décompte réalisé en 2014 par Les Échos.
Quand elles existent, ces directions sont confiées à quelques profils archi-typiques. « “Le petit jeune à haut potentiel” : il n’a même pas 35 ans, reste à ce poste trois ou quatre ans et sert de relais aux cabinets externes pour accéder aux comités exécutifs. “Le vieux grognard” : la direction de la stratégie est un bâton de maréchal de fin de carrière. Il n’utilise pas les consultants en stratégie, sauf exception. Et “les anciens consultants” », détaille un autre ancien directeur de la stratégie d'une ETI qui a requis l'anonymat.
Autant de profils avec lesquels les consultants en stratégie sont amenés à travailler. Le plus souvent en bonne intelligence tout particulièrement dans les sociétés de moindre taille où on ne recourt plus à des cabinets de conseil en stratégie pour des raisons politiques. Ce que corrobore Thomas Farkas, un ancien consultant de Mars & Co et partner d’Estin, et directeur de la stratégie de Mersen, l’ex-Carbone Lorraine qui produit des écrans de téléphone incurvés ou la graphite des fours destinés à produire des lingots.
Le plus souvent, une collaboration nécessaire
Avec 800 millions d’euros de chiffre d’affaires, la société sollicite peu ou pas les MBB et opte plutôt pour des cabinets tels que L.E.K. « On fait appel aux consultants en stratégie dans deux cas principaux : lorsqu’on envisage un développement dans un métier voisin, pour y voir clair. Et sur des sujets stratégiques internes, non pas pour qu'on nous dise ce que nous devons faire, mais quand on a besoin de mettre un document de référence en forme, basé sur des analyses approfondies, et destiné à être partagé rapidement pour un déploiement en interne et une présentation au conseil d’administration », explique-t-il.
Même son de cloche chez Terreal, le tuilier-briquetier aux 2 200 salariés et 350 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont la direction de la stratégie est récente et embryonnaire. Fin 2015, le groupe s’attache les services d’Advancy pendant six mois pour poser les bases d’une stratégie de croissance. Le rôle de la direction de la stratégie est alors davantage de faire œuvre de pédagogie vis-à-vis du reste de l’entreprise – direction comprise – pour vulgariser la technicité dans laquelle les consultants externes peuvent facilement tomber.
Plus question d’opposition ici entre directions de la stratégie et sociétés de conseil en stratégie, mais plutôt de complémentarité : les directions font rentrer les consultants dans les entreprises, les consultants facilitent la vie des directions. Au point de tomber dans des relations de copinage commercial avec leurs anciens cabinets ?
Les anciens passés par une direction de la stratégie : des prospects tout trouvés pour les cabinets
La question se pose essentiellement pour les anciens du conseil passés par des directions de la stratégie. Dans les grands groupes, on met en avant les règles de mise en concurrence qui sont scrupuleusement respectées. « L’objectif est d’être fair-play et de consulter plusieurs maisons », dit notre source au sein de la filiale française d’un groupe bancaire international.
« Nous n'avons pas le droit d'imposer des consultants. Nous procédons à des appels d'offres portant sur des cahiers des charges avec des critères de sélection précis. Nous veillons notamment à ce que le cabinet sélectionné nous donne les moyens de poursuivre les projets après la fin de la mission. BCG et Mars comptent parmi ceux-là », dit un autre directeur de la stratégie, lui-même un ancien consultant... du BCG.
Ce n'est pas un cas particulier. Parmi les dizaines de milliers d'anciens consultants qui alimentent les rangs des réseaux d'alumni des cabinets de conseil, les directions de la stratégie représentent un débouché significatif. Autant de hauts responsables qui connaissent la plus-value et les limites des prestations de conseil en stratégie. Au point de devenir quasi systématique comme ce fut le cas par le passé entre Péchiney et CVA par exemple. Tout du moins, quand les principals puis les partners sont tenus de développer leur portefeuille de clients, la prospection peut souvent commencer par là.
Consultor.fr
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commentaires (2)
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France
- 18/11/24
L’un des ténors du BCG en France, Guillaume Charlin, 54 ans, patron du bureau de Paris entre 2018 et 2022, serait en passe de quitter le cabinet.
- 15/11/24
Toutes les entités de conseil en stratégie ne subissent pas d’incendies simultanés, comme McKinsey, mais chacune peut y être exposée. La communication de crise dispose-t-elle d’antidotes ? Éléments de réponse avec Gantzer Agency, Image 7, Nitidis, Publicis Consultants - et des experts souhaitant rester discrets.
- 15/11/24
Le partner Retail/Consumer Goods d’Oliver Wyman, Julien Hereng, 49 ans, a quitté tout récemment la firme pour créer son propre cabinet de conseil en stratégie et transformation, spécialisé dans les secteurs Consumer Goods, Luxe et Retail, comme il le confirme à Consultor.
- 13/11/24
À l’heure où les premiers engagements d’entreprises en termes d’ESG pointent leur bout du nez (en 2025), comment les missions de conseil en stratégie dédiées ont-elles évolué ? Toute mission n’est-elle pas devenue à connotation responsable et durable ? Y a-t-il encore des sujets zéro RSE ? Le point avec Luc Anfray de Simon-Kucher, Aymeline Staigre d’Avencore, Vladislava Iovkova et Tony Tanios de Strategy&, et David-Emmanuel Vivot de Kéa.
- 11/11/24
Si Arnaud Bassoulet, Florent Berthod, Sophie Gebel et Marion Graizon ont toutes et tous rejoint le BCG il y a plus de six ans… parfois plus de dix, Lionel Corre est un nouveau venu ou presque (bientôt trois ans), ancien fonctionnaire venu de la Direction du Trésor.
- 08/11/24
Trois des heureux élus sont en effet issus des effectifs hexagonaux de la Firme : Jean-Marie Becquaert sur les services financiers, Antonin Conrath pour le Consumer, et Stéphane Bouvet, pilote d’Orphoz. Quant à Cassandre Danoux, déjà partner Stratégie & Corporate Finance, elle arrive du bureau de Londres.
- 30/10/24
L’automne fait son œuvre au sein de la Firme, les feuilles tombent… et les partners aussi. Les nouveaux départs sont ceux de Flavie Nguyen et Thomas London.
- 29/10/24
Julia Amsellem, qui a rejoint l’entité de conseil en stratégie d’EY en 2017, et Étienne Costes, engagé depuis 2013, font partie des 17 membres du nouveau comex d’EY dans l’Hexagone.
- 23/10/24
C’est une étude coup de poing que le cabinet Oliver Wyman a réalisée à titre pro bono pour le collectif ALERTE (fort de 35 associations, dont Action contre la Faim, Médecins du Monde et ATD Quart Monde) dédié à la pauvreté et à l’exclusion. Elle est intitulée « Lutter contre la pauvreté : un investissement social payant. » L’une des conclusions plutôt contre-intuitive : combattre la pauvreté par des financements serait un investissement gagnant-gagnant, pour les personnes concernées comme pour l’économie nationale. Les analyses du président d’ALERTE, Noam Leandri, et de Jean-Patrick Yanitch, partner à la tête de la practice Service public et Politiques publiques en France.