Gestion d’actifs : quels enjeux pour le conseil en stratégie ?
Depuis près de 15 ans, la gestion d’actifs voit ses acteurs lancés dans une course à la taille pour faire du volume. Quelle place pour le conseil en stratégie dans ce mouvement ? Regards croisés avec Ares & Co et OFI Invest.

Tout a commencé en 2007, avec la réglementation européenne MiFID I, puis II, et la mise en place d’un principe de transparence sur la tarification appliquée par les sociétés de gestion. Cette orientation réglementaire a initié un mouvement de pression sur les prix, amplifié par la suite par la contraction des taux d’intérêt jusqu’à ce qu’ils soient négatifs et la concurrence de la gestion passive (ETF). Ces derniers « représentent 80 % du marché et donnent un bon rendement pour un faible coût, observe Giovanni Di Francesco, associate partner d’Ares & Co. Une société spécialisée en gestion active doit apporter un élément différenciant, pour pouvoir continuer à exister face à des propositions concurrentes à faible coût et avec un très bon rendement ». D’autant plus que les clients peuvent se demander pourquoi payer plus cher avec une gestion active, qui, en plus, a parfois déçu.
En réalité, la rivalité ne porte pas seulement sur cet aspect, mais aussi sur la différence entre la gestion de mandats industrielle et celle sur mesure. « Ce qui différencie la qualité de gestion d’un mandat, ce sont les services associés, la relation de proximité avec le client, le reporting… », se défend Olivier Macquet, directeur des participations chez OFI Invest, spécialisée dans la gestion active avec des mandats sur mesure.
Une chute des prix sous une avalanche des coûts
Ce mouvement a enclenché une course à la taille pour les petites comme les grosses sociétés de gestion. « Il y a quelques années, il fallait avoir un encours de 2 milliards pour atteindre une taille critique. Aujourd’hui, je dirais que c’est autour de 4 ou 5 milliards d’euros », confie, à Consultor, l’associé d’Ares & Co. À fin 2024, et à titre de comparaison, le leader mondial Blackrock pèse plus de 10,5 billions ou mille milliards de dollars. Le premier Français, le Crédit Agricole, s’affiche lui à 2,9 billions de dollars, dont 2,3 billions pour Amundi, sa filiale leader européen en gestion d’actifs.
Autre paramètre de cette course à la taille : les sociétés de gestion « embarquent beaucoup de coûts réglementaires et d’achats de données. De loin, les salaires constituent le premier poste des coûts », commente OFI Invest. Qui résume la situation ainsi : « Dans une industrie où les prix sont sous pression et les coûts montent structurellement, les sociétés de gestion doivent jouer sur les volumes, ce qui passe notamment par de la croissance externe. » Objectif : réduire les coûts en maximisant les synergies.
Dernier exemple en date : BPCE et Generali. Le 19 février dernier, ils annonçaient la signature d’un Memorandum of Understanding non contraignant pour travailler sur la réunion, dans une entreprise commune, des activités de gestion d’actifs de Generali Investments Holding et de Natixis Investment Managers. Les deux entités n’ont pas souhaité apporter plus de précision et renvoient son communiqué. La future nouvelle entité sera détenue à 50 % par chacune des parties, autour d’une gouvernance et d’un contrôle là aussi équilibré. Le 21 décembre dernier, BNP Paribas Cardif annonçait, de son côté, l’acquisition d’AXA Investment Manager. Une opération rendue possible par le long partenariat entre le groupe bancaire et l’assureur AXA.
L’expérience des synergies : le point fort des conseils en stratégie
Si OFI Invest peut afficher 178 milliards d’euros d’actifs à fin 2024, et se revendiquer le 5e groupe français de gestion d’actifs, c’est que la marque du groupe Aéma (Macif, Abeille Assurances et AESIO Mutuelle) termine sa mutation. Deux ans plus tôt, OFI AM fusionnait ses activités avec la gestion d'actifs d'Abeille Assurances (ex-Aviva France). C’est dans ce genre d’opérations que les sociétés de conseil en stratégie apparaissent. En effet, « aller analyser un rapprochement corporate de leur employeur, même si, effectivement il y a des compétences, ce n’est pas le métier des analystes en interne, convient Olivier Macquet. Nous avons été accompagnés juste au moment de la fusion pour chiffrer les synergies, écrire l’histoire commune de la nouvelle entité issue de deux profils de sociétés de gestion complémentaires, et nous projeter sur le moyen terme ».
Le choix s’est porté sur l’un des gros leaders sur le segment. « Nous avons valorisé une méthode de structuration, là où, dans une petite structure la concentration de connaissances porte sur quelques personnes. En cela, il y a eu un côté rassurant sur la continuité et une reconnaissance statutaire auprès des parties prenantes », confesse Ofi Invest à Consultor. Cependant, pour le pilotage et le suivi de ce plan stratégique, c’est un cabinet indépendant en conseil stratégique, de plus petite taille, qui a pris le relais. Ici aussi, la maîtrise des coûts a compté et évité de sortir un bazooka pour viser une mouche.
Conseil en stratégie : une introspection pour les asset ?
Pour Ares and Co, la fusion pour rechercher des économies d’échelle n’est pas la seule voie possible. « Focus is master, lance ainsi Giovanni Di Francesco. Beaucoup trop de sociétés de gestion essaient encore de toucher à tout pour réussir. Or, il faut, à un moment donné, que les asset managers se demandent sur quelles thématiques ils sont performants et crédibles, puis qu’ils coupent là où ils ne le sont pas, pour se recentrer sur leurs offres d’excellence. »
Ici, les conseils peuvent apporter un regard extérieur pour arbitrer sur les thématiques d’investissement. Par exemple, dans les entités où il y a 3 ou 4 gérants de fonds, il peut être plus difficile de se séparer d’un réseau de distribution ou d’habitudes commerciales bien ancrées. « L’idéal est d’aider le dirigeant à arriver par lui-même à la conclusion, en alimentant ses raisonnements, estime Ares and Co. Nous devons aussi veiller à ce que toutes les personnes clés soient impliquées dans le processus de décision, y compris si elles ne sont pas dans le top management ».
Le manque de spécialistes se fait sentir
Si les besoins d’accompagnement sont nombreux, ils s’expriment dans la confidentialité et la culture du secret. Pourtant, sur ce segment, les cabinets de conseils manquent peut-être d’ambition et d’intérêts. « Je pense qu’il y a la place pour un acteur dans le conseil complètement spécialisé sur la gestion d’actifs », conclut Olivier Macquet. À suivre.
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