Patrick Biecheler : du conseil en stratégie à la banque d’affaires
Il en connait un rayon sur le vaste secteur Pharma-santé. Patrick Biecheler, 51 ans, 30 ans d’expérience dans ce domaine ultra-stratégique dans le corporate, chez Roland Berger puis chez Bain, vient de faire un choix challengeant. Il revêt un tout nouveau costume, pas forcément sur-mesure, celui de banquier d’affaires chez Audere-Natixis Partners, conseil en M&A en France.
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Rencontre avec un nouvel ex-consultant amène et cash qui démarre officiellement sa nouvelle vie pro le 1er mars prochain.
Quitter un secteur, le conseil en stratégie, qu’il connait sur le bout des doigts, ce n’est pas une décision prise à la légère, comme le reconnait le consultant. « Il n’est pas facile de partir », avec le sentiment de « quitter le foyer », mais « sans amertume de part et d’autre ». Patrick Biecheler vient en effet de quitter le cabinet Bain & Company qu’il avait rejoint il y a 4 ans seulement comme partner, après 20 années passées chez Roland Berger, où il était responsable de la practice Pharma-santé pour la région EMEA et des opérations du bureau de Madrid. « Je suis arrivé chez Bain à la fin de la pandémie et j’avais sous-estimé le choc, considéré un peu comme le cousin de province. C’est comme passer de la Ligue 1 à la Champions League. Dans un MBB, il faut apprendre de ces cultures très spécifiques où la confiance peut passer pour de l’arrogance. Quatre ans plus tard, après beaucoup d’efforts pour me fondre dans un nouvel environnement, un autre mode de fonctionnement très processé, un réseau puissant, je suis meilleur. » Un nouveau move vers la banque d’affaires qui lui semblerait finalement plus simple à réaliser.
Anticiper l’obsolescence
Un départ de Bain et du conseil en stratégie qui met également en exergue la notion d’obsolescence programmée des consultants en stratégie, en particulier dans les MBB. « J’ai un peu devancé le chant du cygne et je me suis demandé ce que je voudrais faire quand je serai plus grand, partage le partner, tout en autodérision. La dimension PE m’interpelait, ainsi que le développement d’une activité en toute autonomie. Sur la dernière année, 40 % des transactions “sell-side”, notamment en santé, n’ont pas abouti, en raison à la fois de la conjoncture et de process pas assez préparés. Je vais apporter ma pierre à l’édifice dans un domaine, celui des banquiers, qui travaillent avec un degré de complexité plus important où il faut construire des What if scenarios et raisonner sur le moyen terme à la création de valeur, et ne plus uniquement fonder la valorisation sur la dernière année d’exercice. » Un consultant chez les banquiers… un ovni ? Plusieurs autres banques l’ont contacté, la preuve incontestable qu’un profil de consultant aurait toute sa place dans ce métier.
Tombé tout jeune dans la marmite « pharma »
Son entrée dans le secteur Pharma-santé s’est faite à la sortie de ses études (ESSEC, 1995) chez Sanofi, au gré « d’un prolongement d’un stage », comme consultant où Patrick Biecheler s’est frotté aux grands sujets de l’industrie de la santé, « comment un hôpital tourne ou comment s’effectue le lancement d’un médicament ». Mais avec l’envie d’aller « voir les gens du conseil » en stratégie. Ce que le jeune consultant corporate concrétise en rencontrant Édouard Rastoin, le partner santé de chez Bossard (racheté par Capgemini en 2000), « un échange de découverte qui s’est transformé en entretien de recrutement ». Cabinet chez qui le consultant fait ses armes de « docteur des entreprises », à Barcelone pour sa coopération, puis à Paris dans la practice Life Science, avec l’intention d’y passer quelques années « comme un 3e cycle avant de faire un vrai métier ».
C’est à l’aube des années 2000 que le consultant a l’occasion d’entrer – une première fois – chez Roland Berger, « dans une petite équipe d’à peine 40 consultants en France » et une practice santé « portée par l’Allemagne », en qualité de co-leader de l’équipe pharma (10 personnes) à développer durant 5 ans, tant sur les projets stratégiques que sur les transactions. « J’étais arrivé au grade de senior manager, à un moment de vérité où soit on choisit la logique d’aller au bout du parcours, soit on tente une nouvelle aventure. »
Un « outsider » dans un grand labo
Cette nouvelle aventure, le consultant va la vivre au sein du labo AstraZeneca, récemment formé (en 1999) à la suite de la fusion entre le suédois Astra AB et le Britannique Zeneca Group PLC, directeur marketing pour deux thérapeutiques et deux marques (Symbicort, Zomig). « Un poste inattendu dans les opérations avec une grosse responsabilité de P&L et de management, une équipe de 17 personnes, un chiffre d’affaires de 200 millions d’euros. Un total outsider dans le process, c’était disruptif. Mais l’iconoclaste patron des opérations Ivan Palmer, qui avait travaillé avec McKinsey et le BCG, aimait bien les consultants. » Cette brèche, d’ouvrir le monde des labos aux profils de consultants, Patrick Biecheler l’a bel et bien entaillée, en embauchant lui-même deux anciens du BCG. Une expérience « monde des labos pharma » effectivement particulièrement formatrice, « un signe d’agilité, un très beau challenge », où il s’est agi de prendre des décisions fortes afin de restructurer l’équipe marketing, « accumulant toutes les difficultés du consultant en entreprise, j’étais plus jeune que la plupart des autres collaborateurs, j’avais l’image négative du consultant qui arrive dans l’opérationnel… »
Retour à la case Berger
Au bout de 3 années d’un véritable marathon pro, Patrick Biecheler fait face à un dilemme sur la prochaine étape. Le labo et ses équipes « avaient bougé, étaient en train de passer vers la pharma de spécialité [médicaments produits par les labos vendus sous un nom commercial, ndlr] » et le consultant se sentait de plus en plus contraint dans la vitesse et la liberté de décision imposées par les process du secteur… Quand un déjeuner avec le patron de Roland Berger à l’époque, Vincent Mercier (qu’il considère comme l’un de ses mentors), lui a offert la possibilité de reprendre la casquette de consultant. C’était en 2006. « Il [Vincent Mercier, i.e.] est arrivé avec un contrat de travail et un beau challenge. Il m’a alors dit : “On te prend comme principal pour relancer la practice santé, et si tout va bien, dans les 2 ans, tu passes partner.” »
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En 2000, Roland Berger France est un cabinet de conseil en stratégie confidentiel en matière d’effectifs et de notoriété. En 2010, il a intégré la cour des grands. Retour sur le parcours de Vincent Mercier - avec le principal intéressé - pour une immersion en terres de conseil et de grandes entreprises, jusqu’au fameux pilotage des années folles du bureau de Paris.
Cette proposition qui ne se refuse pas correspond même à « un Saint Graal » pour lui. 3 ans plus tard, nouvelle opportunité lors de sa promotion comme partner. Cap vers l’Espagne, et un bureau en proie à des difficultés, et un patron Europe Charles-Edouard Bouée et France Michel Jacob (deux autres mentors), en peine de trouver un volontaire. Se disant aussi simplement que « cela devait être sympa d’être responsable d’un bureau ». En revanche, le partner a posé ses conditions : deux. « De pouvoir faire un audit préalable, et de conserver mes prérogatives de responsable de practice en France, qui comptait à l’époque une trentaine de consultants et un autre associé. » Un challenge réussi aux yeux de l’expert santé, qui voit « un bureau prospérer » et qui prend conscience qu’il a réalisé « un truc historique en Espagne, en tant que descendant de Napoléon », comme il s’en amuse lui-même.
Arrive la pandémie de covid en 2020, que Patrick Biecheler a vécu en « early adopter », lui-même ayant été touché dès mars 2020, « un moment avec une activité intense en France, en Europe et au niveau global, qui donne tout son sens à notre métier ». Des souvenirs poignants également, lorsqu’à Madrid, « la patinoire était devenue la morgue ». Alors que tout est à l’arrêt ou presque, c’est une période de multiples missions pro bono qu’a suivies le partner entre Paris et Madrid pour des acteurs de l’hospitalisation privée, Vivalto, Elsan, Ramsay… « Nous accompagnions les hôpitaux privés à s’organiser entre eux et à suppléer le public. Nous étions les mains dedans, il fallait désengorger les centres d’urgence, trouver du matériel, des lits… »
Le nouveau cap Bain
C’est en 2021, en fin de pandémie de covid, et avant les premiers remous autour d’Olivier de Panafieu (suspendu pour avoir accueilli un dîner de soutien à Éric Zemmour à son domicile lors de la campagne présidentielle) que Patrick Biecheler envisage « un plan de succession », arrivant « à la fin d’un chapitre avec Roland Berger ». En cause principale, « le besoin fondamental d’être davantage challengé et d’apprendre » pour la tête de pont EMEA de la practice Santé. « Chez Roland Berger, nous comptions une dizaine de partners monde, alors que c’est plus de 50 chez Bain. »
Et ses principaux clients de le suivre d’un cabinet à l’autre. « Les clients historiques avec lesquels je travaillais font également régulièrement appel aux MBB et plus généralement utilisent le panel des consultants usuels… En conséquence, mes clients habituels en pharma, par exemple, Sanofi ou opérateurs de santé, Ramsay, Clariane, ainsi que les fonds, comme GBL ou PAI, n’ont eu aucune difficulté à poursuivre leur collaboration avec moi. »
Le boss Global Pharma-santé vire de bord une nouvelle fois pour rejoindre le navire Bain, un partner parmi les partners (3) de la practice dédiée. Un cabinet dans lequel cet expert devra suivre un circuit classique de recrutement, trois tours de deux entretiens chacun. « J’ai souhaité même en passer plus, car je voulais rencontrer un maximum de personnes, une douzaine au total. Et à chaque fois, c’était un peu un entretien d’embauche ! » Un cabinet dans lequel deux dirigeants l’ont particulièrement marqué, en premier lieu, Ada di Marzo (la cheffe du bureau de Paris), « inspirante, avec des convictions fortes comme dirigeante et comme femme », et Olivier Marchal, chairman France, « un véritable humaniste, remarquable par sa longévité dans le conseil et son engagement, la première personne à qui j’ai écrit lorsque j’étais encore à l’ESSEC, qui m’avait alors très gentiment répondu, et qui se souvenait de cet échange ».
En 30 ans, Patrick Biecheler aura couvert à peu près toutes les verticales et sous-segments de la santé : pharma, medtech, biotech, consumer health, opérateurs de santé (cliniques, santé à domicile, maisons de retraite, labos de biologie et d’imagerie) et fournisseurs de services… « J’ai finalement travaillé davantage pour les cliniques et laboratoires privés que les hôpitaux publics. Bain n’a pas d’activité avec le secteur public, sauf à ce qu’elle soit pro bono, et ce, afin d’éviter des difficultés, comme en ont connu nos confrères lors des enquêtes parlementaires post-Covid notamment. » Nous n’en saurons pas plus sur les scandales qui ébranlent le monde du conseil en stratégie dans le secteur santé…
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