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Lyon, Bordeaux, pourquoi les cabinets s’installent en région ?

Minoritaires sont les cabinets de conseil en stratégie à avoir fait le choix de s’implanter au cœur des régions françaises. McKinsey, depuis les années 2000, Kéa depuis bientôt 10 ans, Simon-Kucher, Eight Advisory, et le dernier en date, Advention… Leur premier choix, Lyon. En quoi une vitrine provinciale est-elle un atout ? La réponse avec les associés Sébastien Verrot et Luc Anfray de Simon-Kucher, respectivement à Lyon et Bordeaux, Raphaël Mignard d’Eight Advisory Lyon, Guillaume Bouvier de Kéa Lyon, et Alban Neveux CEO d’Advention, cabinet qui ouvre son premier bureau régional à Lyon.

Barbara Merle
02 Oct. 2024 à 05:00
Lyon, Bordeaux, pourquoi les cabinets s’installent en région ?
Vue d’ensemble de Lyon et statue de Saint-Michel (© Adobe Stock)

Si, pour la plupart des partnerships, la politique de développement privilégie les bureaux à l’international, cinq cabinets de conseil en stratégie (du périmètre de Consultor) ont misé – parallèlement – sur la France. Une tendance d’ailleurs plutôt post-covid. En effet, sur les cinq cabinets implantés en région, trois d’entre eux ont sauté le pas depuis 2 ans et moins : Simon-Kucher, Eight Advisory et Advention, encore à ce jour en recherche de son adresse dans la capitale des Gaules. Même le géant McKinsey Lyon, qui en plus de sa filiale lyonnaise Orphoz, spécialisée en conseil en implémentation créée en 2011, a décidé d’accélérer le développement de son bureau local en 2022. Fort d’une vingtaine de consultants et de pas moins 8 directeurs associés officiels, et l’arrivée comme directeur du bureau, de Peter Crispeels, spécialiste des transformations durables dans l’industrie lourde, le cabinet a alors affiché l’ambition « d’affirmer le rôle de centre d’excellence opérationnel du bureau, en accueillant d’ici 5 ans un tiers des pôles de spécialisation digital et analytiques avancées ».

Un « gargantuesque » écosystème économique

Qu’est-ce qui a donc bien poussé les cabinets de plus en plus internationalisés à regarder de très près la province au point de s’y installer ? Le premier choix, Lyon, avec des bureaux basés dans le triangle d’or lyonnais entre la Presqu’île et la Part-Dieu. Est-ce avant tout une adresse attractive pour capter localement du business et des consultants ? Il va sans dire que Lyon est un centre économique névralgique, au cœur du 2e pôle économique français qu’est la région Auvergne-Rhône-Alpes (et un PIB de 291 milliards d’euros) et première pour le nombre d’ETI, au 4e rang des régions de l’Union européenne, avec comme secteurs moteurs : l’industrie (1re région de France), l’énergie (notamment durable), la santé/pharma, les techs et les biotechs…

Un vivier économique qui serait stratégique pour les consultants, grâce à « un dynamisme économique et une taille d’entreprises qui créent un besoin de cabinets de conseil avec une implantation locale », pour Alban Neveux, le CEO d’Advention, dernier cabinet qui crée une base à Lyon. Une façon de « s’attaquer aux comptes locaux de façon plus soutenue, notamment sur l’aéro ou l’industrie », confirme le Bordelais de Simon-Kucher Luc Anfray, cabinet implanté il y a 2 ans en même temps à Lyon (3 consultants) et à Bordeaux (5 consultants), couvrant ainsi deux grandes régions avec leurs spécificités économiques.

Constituer une plateforme de compétences stratégiques « afin d’adresser aussi bien la région que toute la France pour ce qui concerne nos compétences sectorielles » : telle était l’ambition de la gouvernance d’Eight Advisory et de Raphaël Mignard, à la tête de l’offre agroalimentaire pour les équipes S&O en Europe, associé du pôle Stratégie et Opérations (S&O) installé à Lyon depuis 2022, un pôle qui comptait jusqu’alors une petite équipe lyonnaise, mais pas d’associé. « Nous avons voulu accéder plus facilement aux grands groupes régionaux en capitalisant sur notre bureau qui existe à Lyon depuis la création du cabinet [2009, ndlr]. Cela nous permet de proposer une offre complète à nos clients [100 consultants lyonnais sur l’ensemble des métiers de 8A, ndlr], détaille ainsi le chef de file lyonnais S&O, et ses 12 consultants transfo (20 d’ici 2026).

Pour les cabinets, c’est par ailleurs un moyen de développer sur place de nouveaux secteurs, au plus près des filières, comme l’atteste Guillaume Bouvier de Kéa. « Nous avons ici plusieurs axes de développement, en particulier l’hydrogène, la microélectronique, l’IA, l’économie de la montagne et du sport, en particulier à Grenoble. »

Créer du lien « bugne à bugne » avec le vivier local

Mais qu’est-ce que d’être sur place changerait dans les relations clients pour ces cabinets qui sont aguerris au tourisme pro ? Dans ce métier de service qu’est le conseil en stratégie, les notions de proximité, d’intuitu personae et de confidentialité feraient la différence pour les clients. « Nous envoyons un message, car cet écosystème privilégiait ceux qui étaient physiquement présents », reconnait Alban Neveux d’Advention, patron du dernier venu à Lyon.

Ce que confirme le Lyonnais d’origine Guillaume Bouvier, managing director du bureau lyonnais de Kéa depuis 2015, composé de 10 consultants, une région AURA qui représente aujourd’hui 10 % de l’activité globale du cabinet. « Pour créer une intimité relationnelle avec les dirigeants, Teams a ses limites. Et il y a une sorte de patriotisme régional une inclination des dirigeants à faire travailler les acteurs locaux ou ceux qui s’y impliquent vraiment. » Une relation plus directe avec les dirigeants d’ETI ou de filiales de grands groupes « sur des dossiers plus pointus, plus techniques », note Raphaël Mignard d’Eight Advisory. Pour faire sa place dans cette « marmite » lyonnaise, Guillaume Bouvier de Kéa, près de 10 ans d’expérience terrain, partage sa recette. « Le croisement des sphères, politique, culturelle, économique, associative, académique est plus fort qu’à Paris. Il faut être présent sur le terrain, se faire connaitre, accompagner des associations, et développer son réseau. »

Des consultants made in Lyon

Autre recette, « couleur locale ». Ne plus être considérés comme des Parisiens qui « descendent » en région serait un véritable atout pour ces consultants tous formés à Paris et la plupart du temps issus des grandes écoles franciliennes… « Il est vrai que nous sommes moins catalogués. L’image du consultant parisien prenant de haut et utilisant des anglicismes n’est pas toujours la bienvenue », reconnait Luc Anfray de Simon-Kucher Bordeaux. « Et dans nos propositions, nous avons plus de légitimité de parler de l’écosystème local en étant nous-même sur place », appuie l’associé lyonnais de Simon-Kucher Sébastien Verrot. C’est ce que pense également Raphaël Mignard d’Eight Advisory. « Les clients sont contents de dire à leurs équipes qu’elles vont travailler avec des locaux, et d’être sur place nous permet d’intégrer petit à petit l’écosystème et les cercles de décisions spécifiques, où le bouche-à-oreille fonctionne vraiment, et de connaitre les codes, la culture… On capitalise sur la confiance. Et cela, les cabinets ne le comprennent pas toujours. » Un associé qui connait plutôt bien la « culture » locale ; Raphaël Mignard est lui-même originaire de la région lyonnaise, a effectué une partie de ses études à Lyon et a travaillé chez Mazars Lyon entre 2008 et 2014.

Mais qu’en est-il du staffing de ces consultants régionaux ? Au vu de la taille plutôt réduite des équipes des cabinets interrogés, le travail sur place serait suffisant pour les occuper sur l’année. Ou presque, l’associé lyonnais de Simon-Kucher, Sébastien Verrot partage son temps entre la capitale des Gaules et Paris. Et dans le cadre de P&L communs, les équipes des cabinets resteraient très mobiles : les Lyonnais appelés en renfort sur des missions ailleurs en France lorsque leur expertise est considérée comme un plus, et les Parisiens peuvent venir en région si besoin. Quant à McKinsey, qui affiche 8 directeurs associés lyonnais sur son site, la majorité d’entre eux sont en fait basés ailleurs comme l’attestent leurs profils LinkedIn : Lieven Van der Veken à Marseille, Stéphane Bout, Jérémie Ghandour et Timothée Fraisse à Paris, Sam Bourton entre Londres et Paris… Quant à la vingtaine de consultants officiellement basés sur la Presqu’Île lyonnaise, nul doute qu’ils n’ont pas fait diminué leur empreinte carbone liée aux voyages pros…

La « praline » recrutement

Côté recrutement, être basé au cœur des territoires serait aussi un vrai plus, voire un bon « filon » pour attirer des consultants souhaitant tourner la page parisienne et des Lyonnais accrocs à leur ville d’origine, et ce, à des conditions financières identiques qu’à Paris. C’est ce qu’a pu observer Guillaume Bouvier de Kéa Lyon qui accueille aujourd’hui des consultants à tous grades, du junior au senior. « Nous montrons qu’il n’y a pas de fatalité à cet adage : “Hors de Paris, pas de conseil en stratégie.” Nous accueillons notamment des consultants lyonnais qui veulent rester à Lyon et qui veulent monter en gamme. Nous accompagnons aussi les mutations du monde du travail et de nouveaux projets de vie à un moment du parcours. »

Pour les bureaux plus récents, comme ont pu le vérifier depuis 2 ans les associés de Simon-Kucher à Lyon et à Bordeaux, « les postes en région répondent particulièrement à des consultants plus seniors qui ont envie de quitter Paris ; les consultants juniors préfèrent être à Paris, ce qui permet de bénéficier d’un effet de “promotion” où les jeunes consultants créent plus facilement des liens », confirme ainsi Luc Anfray. Des postes en région qui seraient aussi particulièrement attractifs pour des seniors ayant eu une expérience en cabinet et/ou en corporate. Une façon notamment pour Simon-Kucher et Eight Advisory de faire revenir des anciens dans leur cabinet. Pour le CEO d’Advention, Alban Neveux, et Gonzague Godinot le VP sur place, l’objectif est de faire « du recrutement franco-lyonnais plutôt junior issu des écoles de commerce ; les Lyonnais aiment bien vivre à Lyon ».

Alors, si la carte lyonnaise et bordelaise est si bonne, les cabinets vont-ils s’ouvrir ailleurs en France ? Pas si sûr. Pour Advention, c’est déjà décidé, ce sera le premier et l’unique bureau régional en France. Pas non plus d’autre ouverture prévue de bureau français pour l’instant chez Simon-Kucher. Du côté de Kéa, la priorité est de continuer à développer Lyon (à côté de l’international), mais le cabinet ne ferme pas la porte si une opportunité interne ou externe se présente. Quant à Eight Advisory, déjà présent pour ses autres activités à Nantes, Rennes et Marseille, il déploiera d’autres équipes S&O en région « dès que le volume d’activité le permettra ».

Advention Eight Advisory - strategy & operations Kéa McKinsey Simon-Kucher Alban Neveux Guillaume Bouvier Luc Anfray Raphaël Mignard Sébastien Verrot
Barbara Merle
02 Oct. 2024 à 05:00
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commentaires (1)

JF Lécole
02 Oct 2024 à 14:58
L'article de Consultor consacré à Katalyse il y a quelques semaines montre que Katalyse a été précurseur en la matière parmi les cabinets conseils en stratégie avec l'ouverture de ses bureaux à Lyon (1990), Nantes (1998) et Strasbourg (2010).

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Adeline
France
bureaux, implantation, proximité, intuitu personae, Lyon, centre économique, ETI, McKinsey, Bordeaux, cercles de décision, bouche-à-oreille
13983
Advention Eight Advisory - strategy & operations Kéa McKinsey Simon-Kucher
Alban Neveux Guillaume Bouvier Luc Anfray Raphaël Mignard Sébastien Verrot
2024-10-08 08:43:38
1
Non
France: Lyon, Bordeaux, pourquoi les cabinets s’installent
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