Nouvelle-Calédonie : quand Beauvau délègue le bilan des accords de Nouméa
Par deux fois, en 2011 et 2018, un binôme de consultants a été choisi pour faire un état de la mise en œuvre de l’accord politique de 1998. Récit de l’intérieur de cette mission à fort enjeu diplomatique.
En 1998, les accords de Nouméa furent le point d’orgue d’une entente politique entre pro et anti-indépendance de la Nouvelle-Calédonie qui, dans les années 1980, s’étaient affrontés par la violence. Les accords mirent fin au statut de territoire d’outre-mer et reconnaissent une citoyenneté néo-calédonienne.
Ces accords « [définissent] pour vingt années l’organisation politique de la Nouvelle-Calédonie », et les conditions de l’émancipation de l’archipel du Pacifique colonisé par la France au milieu du XIXe siècle. Le texte en 41 points prévoit un processus de transfert progressif de compétences avant la tenue de référendums d’autodétermination.
Dix ans plus tard, à Paris et Nouméa, l’heure est plutôt au suivi de l’application de l’accord qui fait l’objet à échéances régulières d’un comité des signataires. En 2011, les accords de Nouméa ont 13 ans. Le ministère de l’Intérieur et le gouvernement néo-calédonien souhaitent faire un bilan de ces accords et de leur mise en œuvre. Pour ce faire, Paris et Nouméa en appellent à l’avis extérieur d’une tierce partie. Ils passent un appel d’offres en ce sens.
Pour y répondre, CMI, le cabinet de conseil qui s’est fait une petite notoriété sur les évaluations de politique publique, s’associe à Olivier Sudrie, économiste spécialiste des Outre-mer, responsable du cabinet d’études DME.
Le binôme remporte le marché. C’est le début d’une mission plutôt atypique et longue puisqu’elle s’étalera sur sept mois, ponctués de trois déplacements sur place. Et qui, chose assez rare, sera répétée une seconde fois en 2018.
La commande ? « Il y avait 41 mesures dans les accords de Nouméa. Par un exercice d’évaluation de politique publique assez classique, nous devions établir l’effectivité de la mise en application de chacune d’elle. Par exemple en ce qui concerne l’apprentissage de la langue kanak, nous avons constaté l’ouverture d’une licence langues, littératures et civilisations étrangères qui vise à renforcer les compétences langagières orales et écrites en langues kanak, de même qu’un journal télévisé et des dessins animés en langues kanak », se souvient le chef de file de la mission chez CMI, Philippe Bassot, qui est responsable de l’activité de stratégie publique du cabinet.
Pour mener ce travail de recensement à bon port, il fallut d’abord éplucher tout ce qui pouvait l’être : rapports de l’institut statistique néo-calédonien, documents de l’administration, etc. À ce travail documentaire se sont ajoutées trois vagues d’entretiens – 50 au total – avec une diversité d’interlocuteurs : l’administration française, le gouvernement calédonien, le sénat coutumier, les partenaires sociaux…
Dans un contexte politique si particulier, les premiers déplacements interviennent « en toute humilité », se rappelle encore Philippe Bassot. « Nous venions de Paris, nous étions loin du contexte, de la culture et de l’histoire néo-calédoniennes dont Olivier Sudrie est un spécialiste et dont il nous avait brossé le portrait. Nous étions surtout là pour écouter », dit-il.
Après trois denses vagues – de 15 jours à chaque fois – d’entretiens sur place, le cabinet doit conclure. Sur la montée en puissance de cadres néo-calédoniens à même d’assumer des responsabilités régaliennes (police, justice, etc.), sur les connexions internationales aériennes de l’archipel… sur tous les aspects de l’accord, le cabinet devait répondre aux questions suivantes : « Est-ce que les parties en présence ont fait ce qu’elles avaient dit qu’elles feraient ? Cela a-t-il eu un impact sur la capacité de la Nouvelle-Calédonie à piloter ses instances sans l’aide de la Métropole ? », reformule aujourd’hui Philippe Bassot.
Pour ébaucher une réponse, le cabinet formalise un barème en quatre niveaux d’application des 41 points de l’accord de Nouméa : atteint, en évolution rapide, en évolution lente, pas démarré. Dans ce cadre, CMI et Olivier Sudrie rendent une copie plutôt positive en ce qui concerne l’application de l’accord (13 points sont dits atteints, 16 en évolution rapide).
La mission s’achève par des ateliers de synthèse où consultants et parties prenantes font le bilan de l’émancipation institutionnelle de l’île, du rééquilibrage économique entre les différentes régions de l’archipel et la valorisation de l’identité kanak – établissant au passage les obstacles pour avancer encore.
Et tout aurait pu en rester là. Mais, sept ans plus tard, le binôme est à nouveau mandaté pour refaire un état des lieux sur le même sujet, pour faire un constat à nouveau optimiste sur la bonne application des accords de Nouméa.
Prévus par ces accords, les référendums d’autodétermination ont été tenus en 2018, 2020 et… tout récemment, en décembre 2021. Tous ont vu une majorité s’opposer à l’indépendance calédonienne.
Et à présent ? Philippe Bassot se veut confiant : « La très grande majorité est attachée à la Nouvelle-Calédonie et a envie de vivre ensemble. C’est sur ce bien vivre ensemble que toute l’attention doit être portée à présent. »
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