CES 2020 Las Vegas : quand le conseil en stratégie s’invite sur le plus grand salon high-tech mondial
En opération spéciale sur le plus grand show high-tech au monde, Consultor s’était fixé l’objectif de trouver dans les allées du salon des consultants en stratégie français, et de comprendre ce qu’ils venaient chercher ici. Mission accomplie !
À Las Vegas, et au Computer electronic show (CES) qui s’y tient chaque année, tout est une surprise. La ville, la faune, le désert au coin de la rue, les allées bondées du CES, les kilomètres de marche… et le nombre de personnes qui parlent français autour de vous ! Parmi elles, quatre consultants ont bien voulu partager avec nous une petite heure de visite et leur regard sur ce salon hors normes.
Oliver Wyman dans les bagages de Faurecia
Premier rendez-vous, direction Las Vegas North par le monorail, l’unique ligne de train de la ville, pour retrouver Hanna Moukanas, partner et market leader chez Oliver Wyman, sous le barnum loué par Faurecia. L’équipementier automobile français s’est offert un bel emplacement, coude à coude avec Google. « L’automobile est devenue un produit technologique. Ici, Faurecia, par exemple, présente un cockpit connecté, qui en fait un nouveau lieu de mobilité et de détente, une expérience du futur », explique Hanna Moukanas, qui accompagne, seul et à titre amical, son client sur le CES pour la deuxième année consécutive. Son analyse va plus loin quant à la présence des constructeurs et des équipementiers à Las Vegas : « Certains font l’impasse sur le Salon de l’auto, parce que c’est trop cher et trop statique. Ici, les innovations sont en action. »
Pour le consultant, c’est vraiment ce qui fait l’intérêt du CES : « On voit le futur en marche. Prenez le taxi volant : il existe, il est exposé ici par Uber et Hyundai. La technologie est bel et bien prête ! Et puis le salon ne montre pas seulement des concepts, il donne des indications réelles sur les nouvelles sources de croissance de l’entreprise. Sur la mobilité électrique, la maison intelligente, l’e-santé, par exemple, les business models deviennent intéressants, car ils sont hybrides et fondés sur une économie de plateformes. »
Chez Oliver Wyman, Hanna Moukanas est le spécialiste de la transformation des business models. Il a développé la conviction que les entreprises doivent créer des coalitions et se penser comme des écosystèmes pour continuer à créer de la valeur : « La valeur a migré du produit au business model intégré, à l’écosystème aujourd’hui, avec des modèles asset light, c’est-à-dire peu capitalistiques. Il faut aller de la compétition vers la coopération. Attirer des partenaires devient un élément critique pour les entreprises. Tout comme leur capacité à trouver le bon partage de valeur. »
Patrick Koller, le DG de Faurecia à Consultor : « On doit présenter le futur, mais à court terme »
Il en veut pour preuve la transformation de son client Faurecia, passé de zéro à dix partenaires, dont Microsoft, sur son stand du CES, en cinq ans à peine. Patrick Koller, le directeur général de Faurecia, passe une tête : « S’imposer de venir sur le CES chaque année met l’entreprise sous une pression très positive. On doit présenter le futur, mais à court terme, deux ou trois ans maximum. L’autre avantage de ce salon est qu’il est à la fois BtoC et BtoB. » D’ailleurs, le barnum ne désemplit pas pendant notre interview. Pour le partner d’Olivier Wyman, c’est aussi l’occasion de croiser d’autres clients, nombreux sur le salon.
Y aller en solo pour contourner des accès pour délégations « hors de prix »
Le temps file, retour au monorail pour gagner le cœur de la ville et de l’Eurêka park –royaume notamment de la French Tech –, où m’attend Sébastien Mahieux-Bibé du cabinet Vertone. Le partner est venu cette année au CES sans équipe, avec un ami et partenaire technologique du cabinet, Philippe Gaultier, président de la société de conseil en développement informatique Redcat : « Vertone est présent au CES depuis 2018. Entre 2018 et 2019, on n’a pas vu de saut quantique entre les deux années, et on s’est dit que ça ne valait pas la peine pour le cabinet d’y aller systématiquement. Sans compter que les packages pour les délégations sont hors de prix. J’ai divisé le prix par deux en venant par mes propres moyens ! » sourit-il.
Et finalement il ne regrette pas l’investissement : « Cette édition 2020 pose des fondamentaux majeurs. On est notamment à un point de bascule avec la voiture électrique. Les constructeurs allemands et américains ne parlent que de ça. La voiture intelligente aussi se confirme plus que jamais, avec des perspectives de baisse de l’accidentologie. Les assureurs doivent commencer à prendre ce mouvement au sérieux. »
Alerter les clients
Le consultant, expert en services financiers, a d’ailleurs contacté, depuis le CES, l’un de ses clients dans l’assurance pour l’informer d’un autre virage : « Jusqu’ici les objets connectés ne discutaient pas entre eux s’ils n’étaient pas déployés par un écosystème de partenaires fabricants. C’est clairement en train de changer. Dans le pavillon Amazon, notamment, on voit Alexa parler avec une quantité impressionnante d’objets qui ne sont pas issus de son écosystème. Pour mon client, cela veut dire qu’il n’a aucun intérêt à s’escrimer à produire et distribuer une box dédiée pour communiquer avec sa caméra de vidéosurveillance. Le temps qu’il déploie le matériel, la technologie sera obsolète ! »
Toujours pour ses clients assureurs, le partner de Vertone s’est aussi beaucoup intéressé à la santé connectée : « C’est très compliqué les objets de santé connectés, parce qu’on s’aperçoit que ça n’intéresse que les personnes déjà sensibles à la surveillance de leur santé. Et puis parce que l’accès aux données personnelles dans ce domaine est difficile. En revanche, ce que j’ai vu ici au CES, autour du sommeil ou de l’audio, qui touche au bien-être volontaire, au confort avec un certain esthétisme, me paraît très pertinent. »
Il est 15 h 30, l’heure de la sieste quand on a neuf heures de décalage horaire, mais un dernier rendez-vous nous attend !
« On a réussi à réunir physiquement douze personnes dans une même pièce, alors que pas une n’habite la même ville ; il n’y a qu’au CES qu’on peut faire ça ! »
Cette fois, direction le sud, vers le bel hôtel-casino Encore. Le Boston Consulting Group y a loué une suite pour recevoir ses clients, comme cela se fait beaucoup à Las Vegas. Sur une trentaine de directeurs associés du cabinet présents, quatre consultants français sont là, dont un Parisien, Joël Hazan, avec qui nous avons rendez-vous.
« Cela peut paraître surprenant en 2020 que tant de personnes parcourent autant de kilomètres pour voir des gadgets, mais la valeur du CES est ailleurs, notamment dans les rencontres facilitées justement par cet éloignement avec le travail quotidien. »
Cette année, pour la première fois, le BCG affiche une présence institutionnelle, avec un lieu – cette suite à l’Encore – où le cabinet organise des conférences et des réceptions. « En tant qu’acteur du CES, les bénéfices du salon sont encore plus évidents », confie le managing director et partner. Lors des débats auxquels il participe, qui sont inscrits au programme officiel du CES, le cabinet invite à la table des partenaires ou des clients et un ou deux de ses consultants.
Les panels tournent autour des thématiques du futur de la mobilité et de la santé. Joël Hazan est spécialisé, quant à lui, dans les secteurs du luxe et de la mobilité : « Tous mes clients et prospects sont là ! » confie le partner dont l’agenda s’est rempli à une vitesse incroyable.
« Ici, je peux rencontrer des clients qui viennent de partout. Comme Via, une société israélienne de taxis partagés, qui propose maintenant aux villes son algorithme d’analyse des déplacements. Ou encore StreetLight Data, une entreprise américaine. On a réussi à réunir physiquement douze personnes dans une même pièce, alors que pas une n’habite la même ville ; il n’y a qu’au CES qu’on peut faire ça ! »
« Tous nos clients sont là, ce serait bizarre de ne pas y être »
À la question de savoir si le BCG organise des tours du CES, en revanche, la réponse est claire : « Notre rôle c’est de guider nos clients dans le monde des idées, de les aider dans leur transformation, mais pas de faire de la promotion pour tel ou tel stand ! Nous sommes là pour la prise de recul, permettre d’analyser ce que le CES dit des tendances à venir », répond Joël Hazan. Pour le cabinet, en revanche, les visites dans les allées du salon donnent l’occasion d’envisager des partenariats avec des entreprises technologiques : « On peut voir ici si on a envie de travailler ensemble. »
Joël Hazan invite son homologue Karen Lellouche-Tordjman à partager avec nous son expérience. Pour la consultante, c’est une grande première et elle est ravie : « Tous nos clients – notamment américains – sont là. Ce serait bizarre de ne pas y être ! Sur les contenus, c’est très instructif aussi pour comprendre le futur de l’expérience utilisateur. Ce sont souvent des choses que l’on sait, mais au CES on voit la mise en musique. Par exemple, dans le domaine de la maison connectée, ou du parcours client personnalisé avec Delta Air Lines. Cela peut conforter des tendances que l’on pressentait ou compléter notre vision d’avenir. Ce qui est rassurant quand même, c’est qu’il n’y a aucun sujet sur lequel on n’est pas déjà en train de travailler ! » précise Karen Lellouche-Tordjman, qui s’apprête à partir pour Mexico. Les deux consultants confirment notamment que pour la voiture électrique, ils voient se rapprocher le point de bascule.
Déjà 17 h 30. Le BCG organise une soirée avec ses clients, et du monde se presse à la porte. La journée de travail pour Joël et Karen est loin d’être terminée. Tard le soir, ils rentreront à leur hôtel, plus loin au sud de la ville. Ici, les nuits sont très courtes. On compte tous sur les douze heures de vol au retour pour rattraper un peu de sommeil.
Delphine Sabattier, à Las Vegas
Crédit photo : CTA President and CEO Gary Shapiro gives his annual State of the Industry Keynote address at CES 2020.
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