Afrique : les raisons d’une certaine Abidjan-mania dans le conseil
Dans la capitale économique ivoirienne, les délégations de cabinets internationaux de conseil en stratégie se bousculent auprès du gouvernement et des entreprises publiques et privées.
La croissance et avec elle une batterie de projets de développement, l’image d’un pays plus stable que ses voisins et une culture business prononcée sont autant de raisons d’un certain engouement.
Fin avril, il devait y avoir nombre de consultants en stratégie de passage par l’aéroport international Félix Houphouët Boigny d’Abidjan.
En effet, le 23 avril, le ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, Bruno Nabagné Koné, indiquait avoir reçu une délégation de McKinsey. Le cabinet a établi pour le ministère un état des lieux des logements sociaux dans le pays et propose des réformes pour relancer des programmes de construction.
Pluie de délégations et de missions
Le surlendemain, c'est au tour d’Axelle Lemaire — l'ancienne secrétaire sous François Hollande est devenue partner chez Roland Berger — de se rendre à Abidjan pour une visite de deux jours. Notamment accompagnée de Nicolas Teisseyre, senior partner à Paris et managing partner Africa du cabinet, Axelle Lemaire est reçue par le vice-président de la République, Daniel Kablan Duncan, et le ministre de l’Économie numérique et de la Poste, Claude Isaac Dé.
La concomitance est le fruit du hasard mais elle dit quelque chose de l’intérêt porté par les grandes marques de conseil en stratégie à la Côte d’Ivoire. Autre preuve d’un certain engouement, la multiplication des missions qu’ils ont conduites dans le pays ces derniers mois. McKinsey, encore, auprès du ministère du Tourisme qui a demandé à la firme ses conseils pour drastiquement augmenter les touristes de loisir dans le pays, moyennant le paiement d’honoraires de 800 000 euros. Dans le privé, le Boston Consulting Group a contribué au plan stratégique de la Société ivoirienne de banque.
Explications : la Côte d’Ivoire est désormais clairement identifiée comme un pays stable, après la réélection d’Alassane Ouattara en 2015, hors du risque terroriste qui touche par exemple le Bénin, tout récemment, le Burkina Faso et le Mali. Aussi, le pays est vu comme l’une des économies les plus rapidement en croissance sur le continent (+7,8% de PIB en 2017).
Les crises passées ne font plus figure d'épouvantails
En clair, la crise de 2002-2003, qui a conduit à la scission du pays en deux, et la crise de 2010-2011, dans la foulée de l’élection présidentielle de 2010, ne font plus figure d’épouvantails. « Il y a eu un coup d’arrêt pendant vingt ans. Maintenant que le pays est vu comme plus tranquille, les projets pullulent et les stratégies se multiplient dans tous les domaines, et avec elles des missions de conseil en tous genres », estime notamment Amaury de Féligonde, le fondateur d’Okan Partners, un cabinet de conseil en stratégie spécialiste de l’Afrique. En 2013, Okan avait conseillé deux des trois familles actionnaires du distributeur de produits pétroliers Pétro Ivoire lors de la revente de parts au gestionnaire de fonds d’investissement Amethis.
Même perception d’une profusion de projets nécessitant l’intervention de consultants en stratégie de la part de Nicolas Teisseyre chez Roland Berger. « Il existe de nombreuses opportunités actuellement en Côte d’Ivoire notamment dans les domaines du numérique, de la formation et de l’innovation qui sont des secteurs clés pour le développement de plusieurs pays africains », explique-t-il.
Alioune Camara, ancien vice-président de Bank Of America à Londres et fondateur d’Endeleo Consulting, spécialiste de prestations de conseil en ressources humaines à Abidjan, observe lui aussi une démultiplication des missions de conseil en stratégie, tout particulièrement de McKinsey et du Boston Consulting Group.
« Ici, peut-être plus qu’ailleurs sur le continent africain, il existe une culture du business vite et bien fait qui est porteuse. Gouvernement et entreprises ont le goût et la maturité pour la 'démarche conseil' », appuie-t-il. Une certaine effervescence donc. Qui ne fait pas de la Côte d’Ivoire un hub du conseil africain.
Des bureaux à Abidjan bientôt ?
Le grand producteur ouest-africain de fèves de cacao reste moins couru par les consultants de tous poils que l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Égypte, le Kenya, le Maroc, le Nigeria ou l’Éthiopie où les grandes marques du conseil en stratégie s’appuient sur des populations et des économies plus importantes pour installer des équipes à demeure.
Mais le marché ivorien est montant et suivi. « La Côte d’Ivoire compte parmi pays africains dans lesquels les grands cabinets internationaux n’ont pas encore franchi le pas d’ouvrir des bureaux tout en y ayant des activités récurrentes », estime Nicolas Teysseire.
Une absence de bureaux qui évoluera peut-être à l’avenir. Lors de sa prise de fonction en janvier en tant managing partner EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique) de Bain & Company, Domenico Azzarello annonçait qu’il superviserait dans les années à venir de nouvelles ouvertures de bureaux en Afrique. Abidjan pourrait être sur la liste des destinations.
Benjamin Polle pour Consultor.fr
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