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Avec le retour de la guerre des prix, quelles priorités stratégiques pour les opérateurs télécoms en France ?

Des associés de Simon-Kucher, EY-Parthenon, Circle Strategy et Oliver Wyman nous livrent leurs diagnostics et proposent des options stratégiques.

Baptiste Julien Blandet
07 Nov. 2024 à 05:00
Avec le retour de la guerre des prix, quelles priorités stratégiques pour les opérateurs télécoms en France ?
© NicoElNino/Adobe Stock

En septembre dernier, une étude annuelle sur le marché européen des opérateurs de téléphonie réalisée par Oliver Wyman alertait sur le nombre record de consommateurs européens prévoyant de changer d’opérateur de téléphonie. Selon elle, 53 % d’entre eux envisageaient de quitter leur opérateur mobile actuel et 52 % leur fournisseur d’accès à Internet pour l’un de leurs concurrents. Soit respectivement 9 et 10 points de plus qu’en 2023. Un peu à contre-courant, la France voit la propension à se tourner vers un acteur low cost chuter de 10 points pour représenter 45 % des abonnés mobiles qui se déclarent disposés à quitter leur opérateur traditionnel, laissant monter d’autres attentes, comme disposer d’une offre commerciale adaptée ou encore un réseau de qualité.

Le retour de la guerre des prix en France

Contrairement aux marchés européens et mondiaux, année après année, le facteur prix reste en France prédominant, devant les critères techniques, comme la vitesse de débit, le niveau de couverture géographique ou encore les contenus proposés. « Le marché français est un peu atypique parce que c’est l’un des moins chers, rappelle Bertrand Grau, senior partner et directeur général adjoint de Circle Strategy. Ces dernières années, la guerre des prix s’était amoindrie. Dans un premier temps, les opérateurs avaient profité de donner plus de gigaoctets dans les abonnements pour augmenter les prix. Puis, ils ont profité de l’inflation pour procéder à une hausse tarifaire sans compensation. » À présent, son cabinet de conseil et tous ses concurrents observent le retour de la guerre des prix. « Ils sont arrivés un peu au bout de leur modèle », estime-t-il. Entendez les offres « tout illimité ».

Parmi les acteurs en difficulté : SFR. La filiale française du groupe Altice ne cesse de perdre des clients. Elle est passée sous la barre des 20 millions d’abonnés mobile à la fin juin. Un seuil symbolique qui l’a poussée à relancer la guerre des prix. Par conséquent, des offres alléchantes à prix cassés ont fait leur retour dès la rentrée de septembre 2024. « Aujourd’hui, la plupart des opérateurs ont tendance, finalement, à faire basculer leur base client d’un forfait 4G vers un forfait 5G sans augmenter les prix pour améliorer la qualité de service offerte à leurs clients, mais aussi mieux répartir le trafic sur les différents réseaux », observe Étienne Costes, partner leader de l’activité Strategy & Transactions du cabinet et en charge du secteur Télécom, Médias et Technologie d’EY-Parthenon.

Les telco en quête de revenus pour rembourser de lourds investissements

Ces choix tarifaires, encore plus agressifs quand ils sont associés à une box Internet, n’ont rien de hasardeux. Les opérateurs terminent un cycle de lourds investissements inédits.

« Je suis très admiratif de mes clients, s’exclame le partner leader d’EY-Parthenon. Ce qu’ils viennent de réaliser ces dernières années est incroyable. Dans le même temps, ils ont déployé la fibre optique et lancé la 5G, ce qui représente un défi énorme, tant sur le plan financier que sur le plan opérationnel. » Leurs organisations ont aussi dû s’adapter à ce défi : « Il a fallu mettre en place toute une chaîne de valeur avec des ingénieurs capables de faire le design du réseau et des fournisseurs capables d’intervenir partout », poursuit le spécialiste et passionné des télécoms depuis 25 ans.

Ainsi, après avoir été mis fortement sous pression, les opérateurs entrent dans une nouvelle phase : la génération de revenus. Et pour certains acteurs, cet épisode s’avère déterminant, car l’état de leurs finances peut inquiéter. À l’image de SFR qui, après avoir perdu 2 millions d’abonnés en 2 ans, voit son chiffre d’affaires reculer chaque trimestre. L’opérateur a ainsi perdu 4 % de ses revenus en base annuelle selon ses chiffres à fin juin 2024.

Plus que jamais, il faut que les opérateurs fassent entrer du cash, et pour cela, tenir leur marge au moins au niveau actuel. Mais leurs espoirs sont contrariés. « Les telco ont une équation difficile à résoudre, explique Mohssen Toumi, partner en communications, médias et technologies chez Oliver Wyman à Paris. Alors qu’ils viennent d’investir des milliards pour déployer la fibre à la 5G, leurs clients considèrent leurs offres trop chères, dans un marché où elles sont plutôt très compétitives comparées à d’autres pays européens ». Étienne Costes y voit au contraire des opportunités : « Le modèle économique des opérateurs, en tout cas d’un point de vue de la génération de cash, devrait s’améliorer, puisque le gros des investissements liés au déploiement de la fibre et de la 5G est réalisé ».

Éviter la commoditisation de l’activité ?

La nouvelle vague de baisse des prix arrive sans doute un peu vite, car elle pose « beaucoup de questions sur l’offre et l’excellence commerciale, relève Alexandre Consten, directeur chez Simon-Kucher. Comment organiser la vente ? Comment être certain d’avoir le bon modèle de vente, que ce soit B2B ou B2C ? Comment être plus efficace et efficient ? Comment s’adapter aux nouvelles demandes des clients ? » Et il faut rappeler qu’il a fallu attendre 7 ans après le lancement de la 3G pour que le succès soit au rendez-vous grâce à l’apparition du smartphone.

Pour l’heure, les opérateurs traditionnels semblent avoir une longueur d’avance sur les MNVO, qu’ils rachètent au fil de l’eau, comme dernièrement La Banque Postale mobile par Bouygues Télécom. « Ils bénéficient encore d’une image plus positive et d’une marque plus forte que celles de leurs compétiteurs à bas prix pour une partie importante du marché », constate l’étude d’Oliver Wyman. Ce point de différenciation se présente comme crucial pour le management de leurs bases clients. « Nous estimons que la fidélisation d’un client coûte 4 ou 5 fois moins cher que d’en acquérir un nouveau », illustre Alexandre Consten. Parmi les critères auxquels la clientèle se montre attentive, la qualité de service, des réseaux et des infrastructures est considérée comme des prérequis. Et sans aucun doute la sécurité des datas après la cyberattaque subie par Free, où les données personnelles de 19,2 millions d’abonnés ont été volées : identifiant, mot de passe, adresse, adresse, offre souscrite… et IBAN pour 5 millions d’entre eux.

Les conseils en stratégie face à la fragilité des finances des telco

En fait, l’attention des telco se porte aujourd’hui beaucoup plus sur les besoins des entreprises que sur ceux des particuliers, jugés pour le moment trop complexes. Le B2B offre des perspectives prometteuses. Ici, les usages avec la 5G sont plus divers et exigeants et génèrent des revenus plus élevés grâce à des services sur mesure autour de la cybersécurité ou les réseaux privés sécurisés, par exemple.

Les cabinets de conseil en stratégie n’éludent pas la fragilité actuelle des finances des opérateurs télécom. Par souci d’économie, ces derniers peuvent être tentés de faire moins appel à leurs expertises. Pourtant, les cabinets restent confiants, car les telco ont toujours été sélectifs chez leurs prestataires externes, en cherchant les meilleures compétences. « En ayant une échelle globale, nous intervenons auprès de différents acteurs à des niveaux de maturité divers. En réalité, le niveau de sollicitation change moins que les problématiques qui en sont à la source », argumente-t-on chez Simon-Kucher.

Surtout, ils estiment que les télécoms peuvent difficilement se passer de leur fonction de vigie. Grâce à leurs missions à 360 degrés et transverses, ils observent beaucoup de choses au-delà des télécoms qui peuvent venir enrichir la stratégie du secteur. Et puis, « tous les ans, il y a une innovation. Tous les 3 ou 4 ans, il y a une évolution. Tous les 10 ans, il y a une rupture. Ce champ est très intéressant pour faire du conseil et accompagner un client », avance EY-Parthenon.

Des M&A en perspective ?

Mohssen Toumi complète : « Aujourd’hui, je trouve notre valeur ajoutée dans l’évolution du modèle des opérateurs autour de 3 grandes thématiques : les réseaux softwarisés, la transformation des organisations et modèles opérationnels et les nouvelles opportunités commerciales, comme le travail de la base clients, notamment avec l’IA. » Dans chacune d’elles, l’intelligence artificielle occupe une place importante pour aider à réduire les coûts et dégager de la valeur.

« Les entreprises de télécommunications doivent s’efforcer de se distinguer grâce à des services liés à leur identité de marque pour échapper à la banalisation de leurs activités, selon Bertrand Grau. Cela s’applique à la fois au contenu (gigaoctets, streaming, autres services) et au service (qualité du réseau, service à la clientèle), et à un modèle de vente adapté (B2C comme B2B) », renchérit Alexandre Consten. Car la croissance externe par le rachat d’un opérateur important à l’étranger ou la possibilité de se faire racheter par un acteur étranger, même si le contexte financier peut être considéré comme favorable, « n’a pas réussi à démontrer, jusqu’à présent, qu’il y avait d’énormes synergies dans les consolidations transfrontalières des entités », rappelle Circle Strategy. Peu importe, Illiad, Orange côté acquisitions, Vodafone côté cession viennent de boucler des opérations. Preuve que le sujet reste un pilier du conseil dans le secteur : être prêt en cas d’alignement des planètes.

Circle Strategy EY Parthenon Oliver Wyman Simon-Kucher Bertrand Grau Étienne Costes Mohssen Toumi
Baptiste Julien Blandet
07 Nov. 2024 à 05:00
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Adeline
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télécom, guerre des prix, opérateurs, téléphonie mobile, SFR, 5G, Simon Kucher, EY Parthenon, circle strategy, Oliver Wyman, Bertrand Grau
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Bertrand Grau Étienne Costes Mohssen Toumi
2024-11-07 19:48:36
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