Bain & Company : le patron monde des recrutements répond à Consultor
Dans un contexte de fort ralentissement des recrutements dans le conseil en stratégie, qui voit l’immense majorité des cabinets assumer le gel ou le report de tout ou partie de ses embauches, Bain & Company détonne. Keith Bevans, 47 ans, Bainee depuis 1996, partner en 2008, patron mondial des recrutements du cabinet depuis 2013, n’affirmait-il pas mi-mai que le cabinet s’apprêtait à maintenir sa cohorte annuelle de stagiaires d’été aux États-Unis et même à la doubler quand le BCG et McKinsey proposait des reports ou des solutions de remplacement?
Avec une diminution de l'activité de – 40 % en avril en France selon le Syntec Conseil, pareil dynamisme de Bain sur les recrutements avait de quoi surprendre. Consultor l’a interviewé.
Consultor : Comment le cabinet Bain & Company peut-il maintenir ses recrutements dans un contexte de ralentissement global aussi prononcé ?
Le contexte est rude. Nous planifions nos recrutements à plus long terme que par le passé : plutôt cinq ans que trois ans. Mais nous maintenons le cap. Nous connaissons des cycles de récession tous les dix ans, Bain sait y faire face pour en sortir renforcé. Cela passe par le maintien de nos objectifs de recrutement.
Quels sont ces objectifs ?
Nous recrutons environ 600 personnes par an globalement au niveau consultant (les trois premiers grades chez Bain & Company sont associate consultant, senior associate consultant et consultant, le staff global étant d’environ 11 000 personnes dont plus de 800 partners, NDLR). Il y a différents profils : les diplômés d’un MBA, qu’ils aient ou non eu une expérience chez Bain avant, les diplômés de masters ou de PhD, et les profils dotés de quelques années d’expérience dans l’industrie. Les diplômés d’un MBA représentent 80 % de nos embauches chaque année à ces grades.
Comment parvenez-vous à maintenir un même niveau de recrutement alors que le business est amené à diminuer sensiblement ?
Deux éléments de réponses à cette question. D’abord parce que les clients sollicitent Bain quand la conjoncture est bonne, mais aussi quand elle est mauvaise ; en volume, on reste à un niveau similaire, mais sur des sujets différents. Dans le contexte actuel, de nombreux secteurs sont mis à rude épreuve et attendent des réponses de notre part, dans le retail, dans l’aéronautique ou dans l’entertainment par exemple.
Par ailleurs, arrêter d’investir dans les talents signifierait prendre le risque de se priver d'une génération de talents, avec le danger de se retrouver avec des trous dans la raquette les années suivantes.
En quoi les profils recrutés diffèrent-ils d’un pays à l’autre ?
Les recrues ont beaucoup en commun : l’envie de résoudre des problèmes complexes et d’aider leurs clients à faire de même. Ils ont aussi en commun un gros appétit pour les rencontres humaines et les échanges. J’ai dû me rendre personnellement dans deux tiers des bureaux de Bain et c’est ce qu’il ressort de toutes mes visites.
Depuis que vous vous occupez des recrutements, en quoi les candidats ont-ils évolué ?
Ils et elles sont beaucoup mieux informé.e.s. Ils lisent des articles tels que ceux publiés par votre site ou ils participent à des webinaires. Quand ils nous rencontrent physiquement pour la première fois, ils en savent beaucoup plus sur Bain que moi quand j’ai rencontré Bain pour la première fois. La conséquence est que, lors des rencontres avec des étudiants, je n'ai pas besoin de donner des informations de base, les practices ou les bureaux. Et je vais plus directement à ce qui fait notre différence et notre culture. D’ailleurs, je commence souvent mes présentations sur les campus avec une note d’humour : « Je pars du principe que tout le monde ici a une connexion internet et sait s’en servir ».
Est-ce que cela a pour conséquence que des étudiants qui auraient accepté par le passé une offre chez Bain la refusent aujourd’hui ?
Oui, et c’est très bien ainsi. Ce nouveau contexte accroît les exigences de transparence. Si je dis que le bureau de Chicago est ceci ou cela, les candidats ont la possibilité d’aller vérifier mes propos auprès de consultants qui partagent anonymement sur Glassdoor ou Vault.
Que leur dites-vous à ces étudiants sur les différences qu’ils expérimenteront en fonction de leur bureau d’embauche ?
Bain est une firme globale, et il y a beaucoup en commun d’un bureau à l’autre. Ceci dit, à chaque ville sa saveur et sa culture : entre travailler chez Bain à Londres, Tokyo ou Bogota, cela n’a évidemment rien à voir. Les différences sont ensuite une question de taille : entre Chicago et ses 600 employés, Paris à 300 et Seattle qui est beaucoup plus petit, l’ambiance varie beaucoup.
« Les MBA sont en crise », jugeait Forbes en 2019, à l’aune d’un recul de 5,3 % des candidats aux MBA des 10 meilleures business schools américaines. En quoi cela vous impacte-t-il ?
Il n’y a aucune obligation d’avoir un MBA pour devenir partner chez Bain. De nombreux associés du cabinet n’en ont pas. C’est le périmètre des écoles dans lesquelles nous recrutons les MBA qui a changé : 55 écoles environ, contre 25 il y aquelques années. Pour une raison très simple : l’activité de Bain & Company progresse de 15 % par an en moyenne, les effectifs d’étudiants des business schools de 2 % en moyenne. Nous élargissons le périmètre de nos écoles de recrutement parce que nos besoins de recrutement ne cessent d’augmenter.
Manny Maceda, le global managing partner de Bain en visite au bureau de Paris en 2018, indiquait que la Harvard Business School avait été supplantée par l’INSEAD voilà deux ans en tant que principale source des recrutements du cabinet. Malgré l’élargissement du périmètre de vos recrutements, y a-t-il des écoles dans lesquelles vous recrutez beaucoup plus ? Pourquoi l’INSEAD se distingue-t-elle particulièrement ?
Certaines écoles sont plus consulting heavy que d’autres, c’est vrai. L’INSEAD compte parmi celles-là, notamment parce qu’elle envoie ses diplômés aux quatre coins du monde. Autre critère d’importance, la taille critique atteinte par les écoles dans lesquelles nous recrutons le plus. L’université Yale ou l’école de commerce Stern (la Stern School of Business, NDLR) se sont aussi illustrées ces dernières années comme des sources importantes de recrutement pour Bain.
Vous êtes vous-même Noir-Américain et avez dix années durant dirigé le groupe interne Black at Bain. Comment le cabinet agit-il, surtout dans le contexte récent, pour favoriser des recrutements les plus divers possible dans un secteur qui n’est pas nécessairement un modèle de diversité ?
Chez Bain, il existe six groupes affinitaires : AAB (Asians at Bain), BAB (Blacks at Bain), BGLAD (gay, lesbian, bisexual and transgender), LATBA (Latinos at Bain), VAB (Veterans at Bain) et WAB (Women in consulting at Bain). Chacun de ces groupes est impliqué dans nos procédures et dans nos initiatives externes. Nous avons des outils de suivi de la diversité dans nos recrutements et dans nos promotions par exemple. Mais la promotion des minorités est un travail continu. Ce n’est pas quelque chose qui se décrète.
Propos recueillis par Benjamin Polle pour Consultor.fr
1996 : Rejoint Bain & Company après un master d’ingénieur au MIT
2000 : MBA à la Harvard Business School
2002 : Retourne chez Bain après l’explosion de la bulle internet
2008 : Promu partner, spécialisé sur des sujets d’amélioration de la performance
2013 : Devient global head of consultant recruiting
Un tuyau intéressant à partager ?
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