Comment les données clients sont-elles protégées ?
Usage durant les missions, destruction ou stockage en fin de projet, réutilisation dans des engagements ultérieurs : les cabinets livrent les règles auxquelles ils s’astreignent pour veiller sur les données des clients.
- Confidentialité dans le conseil : enquête sur une coutume tenace
- Le « Bureau Véritas des logiciels » que les cabinets de conseil s’arrachent
- Cybersécurité : une faille à la Deloitte est-elle au coin de la rue ?
- Confidentialité : que vaut la méthode Mars ?
- Que sait faire Nelson, le robot-consultant ?
- Big data, révolution du conseil ou simple outil ?
- Personal Data
Dans le conseil en stratégie, on ne rigole pas avec les données des clients. Les failles mettent violemment à mal la promesse de confidentialité que les cabinets font à leurs clients. Les antécédents sont peu nombreux, mais ils existent.
Les leaks qui font tâche
C'est le cas de Deloitte, dont The Guardian révélait le 25 septembre 2017 qu’un hacker avait pu s’introduire dans les cinq millions de mails de ses 240 000 collaborateurs stockés sur des serveurs fournis par Microsoft, via un simple compte administrateur.
Quelques semaines plus tard, au tour d’Accenture de devoir reconnaître que certaines données confidentielles de ses clients étaient accessibles sur des serveurs fournis par Amazon, téléchargeables sans mot de passe pour tout détenteur de l’URL non protégée.
Interrogés par la commission d’enquête du Sénat sur la manière dont ils protègent la confidentialité des données de leurs clients, plusieurs partners de McKinsey, de Roland Berger et du Boston Consulting Group ont décrit les mesures qu’ils déploient pour prévenir toute fuite.
Comment les consultants organisent-ils l’accès aux données projet par projet et client par client ?
« L'utilisation des données est au cœur de la relation de confiance que nous entretenons avec nos clients. Si ceux-ci avaient le moindre doute sur l'usage que nous faisons de leurs données, nous n'aurions plus de clients ! », a indiqué Karim Tadjeddine, partner en charge du secteur public chez McKinsey en France.
Premier principe évoqué par les cabinets interrogés : comment l’accès aux données des clients est-il organisé client par client et projet par projet ? « Les mêmes règles régissent la gestion des données dans le secteur public et dans le secteur privé. On est souvent soumis aux chartes de sécurité qui sont imposées par nos clients pour garantir la sécurité des données qui nous sont confiées dans le temps des projets. Elles ne sont accessibles qu’aux seuls membres de l’équipe à partir du moment où elles sont pertinentes pour ce qu’ils ont à faire », a par exemple indiqué Jean-Christophe Gard, senior partner du BCG à Paris, en charge notamment du secteur public.
De son côté, Karim Tadjeddine indique que McKinsey utilise en France la technologie « Box » pour gérer les données de ses clients. « Il y a un nombre limité de personnes qui peuvent avoir accès à ces données et donc à ces espaces de stockage interne. Seule l'équipe habilitée, dont la liste est validée en début de projet par le commanditaire, peut avoir accès à ces données. Nous pouvons suivre et tracer qui y a accès ou non », a-t-il indiqué.
Dans un certain nombre de cas aussi, les cabinets ne sont pas habilités ou ne souhaitent pas copier les données des clients. « Les données sont propriétés de nos clients et il n’y a pas de règles – il peut arriver que les clients nous convient dans des salles, dites war rooms, où les données sont mises à notre disposition sans que nous puissions les copier », a par exemple expliqué Laurent Benarousse, depuis peu managing partner de Roland Berger en France.
Même son de cloche chez McKinsey : « Il y a des données extrêmement sensibles : nous ne souhaitons pas les héberger sur notre système. Nous demandons donc à travailler sur les ordinateurs du client pour que les données restent hébergées chez lui », a assuré Karim Tadjeddine.
à lire aussi
Dans un cabinet de la place, ce sont deux recrutements dont on garde un souvenir modérément réjoui. Par deux fois, des consultants, issus de cabinets concurrents à Paris, ont fait acte de candidature et ont été recrutés… avant de repartir au bout de quelques mois dans leur cabinet d’origine.
Destruction, restitution, conservation : quand les projets s’achèvent
Autre question abordée par la commission du Sénat : qu’advient-il de ces données une fois les projets achevés ? « Les données sont détruites en fin de mission ou remises aux clients qui nous les ont confiées. Ce qui est gardé, ce sont les livrables, les rapports issus de nos travaux, exclusivement les rapports et pas la donnée qui a permis de les constituer. Ces livrables sont gardées sur un système informatique dont le serveur est localisé en Allemagne », a déclaré Jean-Christophe Gard sur ce point.
Du côté de chez McKinsey, on explique que, dans le public ou le privé, les règles changent d’une mission à l’autre. « Dans certains contrats, on nous demande de détruire l'ensemble des données au bout de deux, trois ou cinq ans. Dans d'autres cas, on nous demande parfois de conserver une copie des livrables. C'est ce qui est mis en place à travers ces boîtes dans lesquelles l'ensemble des données liées à un projet sont traitées », a précisé Karim Tadjeddine.
Et que ce soit durant ou après les missions, au BCG et chez Roland Berger, les données sont stockées sur des serveurs qui sont la propriété des cabinets, en France pour Roland Berger et en Allemagne pour le BCG. « L’ensemble des données que nous conservons sur nos serveurs sont encryptées. Nous sommes les seuls détenteurs de ces clés », a appuyé Jean-Christophe Gard au Boston Consulting Group.
Dernier sujet, peut-être le plus pressant de la représentation nationale vis-à-vis de la gestion des données par les cabinets de conseil en stratégie : les cabinets réutilisent-ils les données glanées dans le secteur public auprès d’autres clients par la suite ? Ces cabinets sont en effet fréquemment mandatés pour établir des comparatifs internationaux, des comparatifs sectoriels, pour lesquels ils sont souvent taxés d’utiliser les données acquises au fil de leur mission pour alimenter leur base de données.
Réfutation en règle des intéressés au Sénat. « Nous n'utilisons pas les données confidentielles des clients pour concevoir nos benchmarks. Nous nous basons sur nos données propriétaires, issues de nos recherches internes financées sur nos ressources propres, sur les données publiques, en particulier en langues locales, et sur des entretiens conduits dans le cadre des travaux de benchmarking, dont la vocation est toujours explicitée auprès de nos interlocuteurs. Ces règles sont explicites et formalisées », a détaillé Karim Tadjeddine.
Même position au BCG où on défend « trois sources » de données pour établir des benchmarks. Dixit Jean-Christophe Gard : « Des données qui sont publiques que nous pouvons exploiter. Des données qui sont propriétaires, qui sont générées par nos enquêtes, typiquement des enquêtes que nous ferions auprès de consommateurs, ou des données qui sont assemblées par certains acteurs avec l’objectif de les partager entre eux. Le cas échéant nous pouvons être un tiers de confiance pour récolter certains indicateurs auprès d’acteurs pour les restituer de manière anonyme. »
C’est par exemple ce que le BCG fait actuellement dans le rapprochement entre TF1 et M6 (relire notre article).
Un tuyau intéressant à partager ?
Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !
commentaire (0)
Soyez le premier à réagir à cette information
France
- 18/11/24
L’un des ténors du BCG en France, Guillaume Charlin, 54 ans, patron du bureau de Paris entre 2018 et 2022, serait en passe de quitter le cabinet.
- 15/11/24
Toutes les entités de conseil en stratégie ne subissent pas d’incendies simultanés, comme McKinsey, mais chacune peut y être exposée. La communication de crise dispose-t-elle d’antidotes ? Éléments de réponse avec Gantzer Agency, Image 7, Nitidis, Publicis Consultants - et des experts souhaitant rester discrets.
- 15/11/24
Le partner Retail/Consumer Goods d’Oliver Wyman, Julien Hereng, 49 ans, a quitté tout récemment la firme pour créer son propre cabinet de conseil en stratégie et transformation, spécialisé dans les secteurs Consumer Goods, Luxe et Retail, comme il le confirme à Consultor.
- 13/11/24
À l’heure où les premiers engagements d’entreprises en termes d’ESG pointent leur bout du nez (en 2025), comment les missions de conseil en stratégie dédiées ont-elles évolué ? Toute mission n’est-elle pas devenue à connotation responsable et durable ? Y a-t-il encore des sujets zéro RSE ? Le point avec Luc Anfray de Simon-Kucher, Aymeline Staigre d’Avencore, Vladislava Iovkova et Tony Tanios de Strategy&, et David-Emmanuel Vivot de Kéa.
- 11/11/24
Si Arnaud Bassoulet, Florent Berthod, Sophie Gebel et Marion Graizon ont toutes et tous rejoint le BCG il y a plus de six ans… parfois plus de dix, Lionel Corre est un nouveau venu ou presque (bientôt trois ans), ancien fonctionnaire venu de la Direction du Trésor.
- 08/11/24
Trois des heureux élus sont en effet issus des effectifs hexagonaux de la Firme : Jean-Marie Becquaert sur les services financiers, Antonin Conrath pour le Consumer, et Stéphane Bouvet, pilote d’Orphoz. Quant à Cassandre Danoux, déjà partner Stratégie & Corporate Finance, elle arrive du bureau de Londres.
- 30/10/24
L’automne fait son œuvre au sein de la Firme, les feuilles tombent… et les partners aussi. Les nouveaux départs sont ceux de Flavie Nguyen et Thomas London.
- 29/10/24
Julia Amsellem, qui a rejoint l’entité de conseil en stratégie d’EY en 2017, et Étienne Costes, engagé depuis 2013, font partie des 17 membres du nouveau comex d’EY dans l’Hexagone.
- 23/10/24
C’est une étude coup de poing que le cabinet Oliver Wyman a réalisée à titre pro bono pour le collectif ALERTE (fort de 35 associations, dont Action contre la Faim, Médecins du Monde et ATD Quart Monde) dédié à la pauvreté et à l’exclusion. Elle est intitulée « Lutter contre la pauvreté : un investissement social payant. » L’une des conclusions plutôt contre-intuitive : combattre la pauvreté par des financements serait un investissement gagnant-gagnant, pour les personnes concernées comme pour l’économie nationale. Les analyses du président d’ALERTE, Noam Leandri, et de Jean-Patrick Yanitch, partner à la tête de la practice Service public et Politiques publiques en France.