Exclusif : comment le BCG est devenu l’artisan de la fusion TF1-M6
Depuis le premier semestre 2021 et jusqu’à fin 2022, le BCG tient le rôle de cheville ouvrière dans le rapprochement des deux groupes audiovisuels.
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Quand le 17 mai 2021, TF1, M6, Bouygues et RTL Group annoncent qu'ils ont conclu des protocoles d'accord d’entrée en négociations exclusives pour fusionner les activités de TF1 et M6 et créer un groupe de médias français, les entreprises partenaires font parler les chiffres.
Chiffre d'affaires de l’entité fusionnée : 3,4 milliards d’euros ; résultat opérationnel courant combiné : 461 millions d’euros ; création de 250 à 350 millions d’euros d’EBITA…
Ces chiffres peuvent sembler anecdotiques. Ils sont en fait le fruit d’une décision commune des quatre parties prenantes, en amont de l’annonce des négociations exclusives. Certes étaient-ils convenus sur le principe d’une fusion de TF1 (TF1 TMC, TFX, TF1 séries films, LCI, Ushuaïa TV, Histoire TV, TV Breizh, Série Club…) et M6 (M6, W9, 6ter, Paris Première, Téva...), mais encore fallait-il vérifier que le rapprochement se traduirait par des synergies réelles.
La « boîte noire »
Pour y parvenir, entre les dirigeants, et notamment Gilles Pélisson, PDG de TF1, Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6, Thomas Rabe, directeur général de RTL Group et Olivier Roussat, directeur général de Bouygues, une nécessité s’impose alors : le besoin de recourir à un cabinet tiers, expert de ces rapprochements complexes, à même d’accéder aux données confidentielles de TF1 et de M6, de les consolider, sans risquer que ni TF1 ni M6 n’aient accès aux données de l’autre camp.
Une « boîte noire » à même d’établir des chiffres plus précis sans risquer les avantages compétitifs de deux chaînes qui restent, tant que la fusion n’est pas menée à son terme, des concurrents directs.
Rapidement, le choix est fait : ce sera le Boston Consulting Group, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, pour pareil rapprochement, il faut une marque de conseil assez forte. Ensuite, il faut un cabinet rompu à l’art et la manière des rapprochements complexes et de grande échelle dans tous les domaines : banques, agroalimentaire…
Le BCG cochait les cases. En France, le cabinet est notamment connu pour avoir soufflé à Michel Pébereau – qui était alors le PDG de BNP et est depuis devenu senior advisor au BCG – la méthode « guerre des six jours » lors de la fusion BNP-Paribas de l’an 2000.
La méthode était la suivante : six jours, six semaines, six mois (Libération en faisait alors le récit) : six jours pour nommer le comité de direction, six semaines pour le plan industriel et la mise en place des structures, six mois pour aboutir aux propositions d'organisation et de synergie.
Le BCG est a fortiori un habitué de Bouygues, Bertelsmann (actionnaire de référence de RTL Group) et TF1 – sur la stratégie digitale de la chaîne par exemple. Le cabinet intervient sur divers sujets en continu dans ces différentes organisations et pouvait donc facilement être agréé par toutes les parties prenantes.
Trois partners à la manœuvre
Une fois le cabinet retenu, trois associés se saisissent du dossier TF1-M6.
Franck Luisada, qui a récemment été nommé leader monde de la practice technologies, médias et télécommunications (TMT) du BCG (relire notre article).
Renaud Montupet, qui est arrivé d’AlixPartners (non sans peine) en 2017, en tant que spécialiste du retournement des entreprises en difficultés et qui occupe encore aujourd’hui les fonctions de partner de Turn, la marque du BCG dédié au retournement.
Une practice qu’a également dirigée Nicolas Kachaner, le troisième partner investi sur le sujet TF1-M6, qui est également membre de la practice stratégie d’entreprise.
Ce sont eux, selon les informations obtenues par Consultor, qui ont établi les premiers chiffres présentés le 17 mai.
Et c'est là, sur l’entrée en négociation exclusive, que s'achève cette première mission. Mais TF1 et M6 décident alors en direct de mandater à nouveau le BCG.
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Dans la course pour le rachat de M6, c’est finalement TF1 qui a été choisi par l’actionnaire RTL Group, filiale du géant Bertelsmann.
S’il est validé par les autorités de régulation, le projet aboutira dans les dix-huit mois à venir provoquant un Big Bang inédit dans le paysage audiovisuel français avec un groupe fort de dix chaînes (TF1, TMC, M6, W9…) détenu à 30 % par Bouygues et à 16 % par l’Allemand RTL Group, le restant étant coté en Bourse. Interrogés par Consultor.fr, plusieurs consultants en stratégie spécialistes de l’audiovisuel se montrent enthousiastes tout en soulignant le champ de mines à venir.
Pour passer le cap de l’autorité de la concurrence, le BCG à nouveau mandaté
Car si les potentielles synergies ont été établies, la fusion doit passer le couperet anticoncurrentiel. C’est même le sujet du moment : depuis septembre 2021 l’Autorité de la concurrence (ADLC) interroge l’ensemble du secteur des médias sur la fusion TF1-M6 et une étape clé devait s’ouvrir en janvier 2022 avec la présentation par les deux groupes, trop puissant à eux deux (70 % du marché de la publicité télé, deux tiers de l'audimat sur l'information…), des cessions envisagées pour espérer obtenir le feu vert de l’ADLC (voir le sujet de BFM). Ce sera ensuite au tour du Conseil supérieur de l’audiovisuel avant le renouvellement de l’autorisation d’émettre des chaînes, prévu pour mai 2023.
Nouvelle mission donc d’une équipe de 3 à 8 consultants selon les périodes, qui travaille en complément des quelques dizaines de collaborateurs des deux groupes qui planchent de près ou de loin au rapprochement.
Les consultants du BCG restent la boîte noire préférée de part et d’autre : un certain nombre des analyses remises actuellement à l’ADLC passent entre les mains du BCG pour des raisons de confidentialité, pour que les chiffres financiers ou concurrentiels de TF1 à M6 ne puissent pas passer de l’un à l’autre, dans le cas où, par exemple, la fusion n’aboutissait pas.
Calculs de parts de marchés, coûts de production… les agrégations sont à nouveau confiées aux soins du BCG, dans un souci de confidentialité. Ce qui faisait dire à Challenges début décembre (voir notre article) que TF1 et M6 ne se voyaient plus sans le BCG même pour de simples échanges de documents – ce qui est probablement un peu exagéré, de nombreux autres intermédiaires, avocats notamment, intervenant sur le rapprochement.
En revanche, une des attentes des équipes des deux groupes vis-à-vis du BCG, à l’aune de son expérience des fusions complexes accompagnées antérieurement, est bien de jouer un rôle de facilitateur, ou de rapprochement des points de vue, en cas de difficultés.
Second volet formel de la mission actuellement en cours : préparer le déroulement concret de la fusion, les réorganisations à prévoir du fait du regroupement des équipes ou les incompatibilités informatiques.
La mission pourrait se poursuivre jusqu’à la finalisation du rapprochement fin 2022 ou début 2023. Avec une option de prolongation dans l’air : l’après rapprochement où le BCG pourrait mettre en piste ses consultants sur les sujets de post-merger integration. En cas d’aboutissement de la fusion, les deux groupes pourraient l’envisager.
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commentaires (2)
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tech - télécom - médias
- 02/11/24
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