« Combien de flacons de shampoing sont produits dans le monde chaque année ? »
«Quelle quantité de papier toilette est nécessaire pour recouvrir le Texas? », ou encore « utilisez un langage de programmation pour décrire un poulet ». Ces brain teasers, présentés dans le livre de William Poundstone Are You Smart Enough to Work at Google? sont devenus des classiques du recrutement dans les entreprises de technologie, mais aussi dans le monde de la banque et celui du conseil.
Dans les cabinets de conseils en stratégie, si ces derniers sont utilisés en entretien notamment pour tester la résistance au stress d’un candidat, sa logique et sa capacité de calcul, ce sont les études de cas qui se sont imposées comme l’épreuve centrale d’un recrutement. Et aucun cabinet ne déroge à la règle : le processus de recrutement s’articule généralement autour de trois séries de deux entretiens ou plus et presqu’autant d’études de cas, (cf tableau). Et si l’exercice s’est autant imposé, c’est qu’il a fait ses preuves. « C’est le seul outil disponible qui nous permet en une heure de voir comment un candidat se comporte dans la peau d’un consultant » explique Jeremy Gabbay, Manager Télécoms Médias et coordinateur du recrutement chez Arthur D. Little.
« Une étude de cas cherche à tester les capacités analytiques des candidats et à observer leur méthode de raisonnement » explique Catherine Pain Morgado, Directrice du recrutement chez Bain & Company Paris. Pour Jérôme Prado, chargé de recherche au laboratoire sur le Langage, le Cerveau et la Cognition du CNRS, l’exercice permet en effet une identification claire du raisonnement : « Il y a deux types de raisonnements : Le raisonnement déductif (du général au particulier) qui s’apprend en général lors de la scolarité et le raisonnement inductif (du particulier au général). Les études de cas font effectivement appel à ces deux types de raisonnement, mais permettent difficilement de les isoler car c’est un exercice global» explique-t-il.
Pour les recruteurs, le business case n’est pas seulement un outil d’évaluation du candidat mais permet également d’attirer les meilleurs éléments et de mettre en valeur leur cabinet. Souvent inspirées d’études de cas réelles menées au sein du cabinet, elles sont un baromètre de l’attractivité des futures missions. « Grâce à ces études de cas réelles, le candidat profite d’un retour d’expérience de son interviewer et se fait une idée plus précise du métier de consultant » affirme Catherine Pain Morgado. « La procédure de recrutement chez nous est extrêmement importante car nous n’avons pas la notoriété d’un McKinsey nous permettant d’attirer les meilleurs profils. A travers les études de cas réelles, on promeut également ce qui fait l’ADN de la société » concède quant-à-lui Olivier Vitoux, patron du bureau de CVA.
La méthode n’est cependant pas sans faille
« Avec un bon entrainement, un candidat peu faire illusion sur les études de cas. Mais aujourd’hui, nous n’avons pas trouvé mieux pour recruter. De fait, les plus hauts potentiels chez CVA ne sont que rarement ceux qui ont été identifiés comme tels lors de leur recrutement » explique Olivier Vitoux. Un constat que les candidats eux-mêmes partagent parfois. « C’est un exercice relativement redouté parmi les candidats. Mais une fois qu’on a compris le principe, il suffit de l’appliquer de manière intelligente » se rappelle Anne Manuel Gacon, ex-McKinsey. Alors est-il possible de s’en sortir haut la main grâce à une préparation intensive ? « Les questions sont très prototypées : il y a une mécanique à avoir. Mais il semble difficile de s’entrainer sur la partie créativité qui est attendue » concède le chercheur Jérôme Prado. Et si la préparation exagérée est parfois critiquée, elle aussi une partie nécessaire de l’exercice. « Au-delà du premier intérêt très technique de l’étude de cas, celle-ci nous permet surtout de tester le business sense. Nous recherchons les personnes qui vont réussir à apporter une analyse et un recul en plus de la résolution méthodique du problème. De ce fait, plus les candidats sont préparés à l’exercice, mieux on arrive à les départager » nuance de son côté Jeremy Gabbay.
Pour Jérôme Prado du CNRS, le business case pourrait également s’améliorer sur certains aspects. « Il y a des pans de l’intelligence qui sont laissés de côté dans les études de cas, comme l’intelligence non-verbale. Par ailleurs, certaines études montrent que la capacité d’analyse augmente lorsqu’il y a une réflexion de groupe, car la fonction finale du raisonnement n’est pas de résoudre des problèmes ou prendre de meilleures décisions, mais de trouver les meilleurs arguments pour convaincre les autres (voir thèse de Hugo Mercier). Dans ce contexte, il parait plus intéressant de juger le raisonnement dans un groupe qu’individuellement » explique-t-il.
Pas parfaite, le business case n’en a pas moins séduit l’ensemble du marché, et parfois même un peu au-delà. « Même si je ne travaille plus dans le secteur du conseil en stratégie, j’utilise ces études de cas lorsque je dois effectuer un recrutement dans mes nouvelles fonctions car c’est un outil extrêmement efficace » confesse Anne Manuel Gacon, ancienne de McKinsey maintenant manager en stratégie dans les assurances.
Par Cécile Barbière pour Consultor, portail du conseil en stratégie-04/04/2013
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