Exclusif : pourquoi AlixPartners a dépêché un huissier au BCG
Consécutivement au départ simultané de trois associés de son cabinet parisien pour le Boston Consulting Group (BCG) au cours du second semestre 2017, AlixPartners soupçonne des faits de concurrence déloyale de la part de ses anciens partners.
En préalable à un éventuel procès, le cabinet a désigné un huissier de justice afin de saisir, dans les locaux du BCG, tout document permettant d’établir les faits allégués. Compte-rendu d’un contentieux parti pour durer.
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Au deuxième semestre 2017, trois associés d’AlixPartners claquent la porte et partent chez la concurrence. Jusque-là rien de très neuf dans un secteur habitué à ce que les profils les plus seniors passent d’une maison à l’autre. Cette fois-ci, Yahya Daraaoui (présent dans le cabinet depuis 2006 et l’un des membres de l’équipe fondatrice du bureau parisien), Renaud Montupet et David Benichou optent pour le BCG.
À Paris et à Londres, ils rejoignent BCG Turn, l'activité de retournement du BCG. Sauf que chez AlixPartners, le départ en masse de trois de ses anciens partners, et avec lui une perte sèche d’activité, ne passe pas. Au printemps 2018, quelques mois après le départ de Yahya Daraaoui, Renaud Montupet et David Benichou, AlixPartners passe à l’offensive.
Devant le tribunal de commerce de Paris, le cabinet demande l’application de l’article 145 du Code de procédure civile. Celui-ci, selon le cabinet d’avocat Touzet Bocquet & associés, « permet à toute personne qui n’est pas en mesure d’établir elle-même la preuve de faits tels que des actes de concurrence déloyale, de contrefaçon ou de débauchage imputables à une autre personne d’obtenir du juge et sans que l’adversaire en ait connaissance, la désignation d’un huissier de justice chargé de se déplacer dans les locaux ou le domicile de l’adversaire afin de saisir tout document permettant d’établir les faits allégués ».
Un huissier commis pour une recherche au siège du BCG
Le tribunal s’exécute. Le 12 avril 2018, il commet un huissier qui a pour mission de se rendre au siège de BCG Paris et d’y rechercher et copier le contenu de plusieurs ordinateurs et documents.
La recherche porte sur une liste de mots-clés directement en lien avec les faits litigieux, dont le détail n’est pas connu, et sur la période allant du 1er janvier 2017 au 15 août 2017.
L’objectif de la visite de courtoisie surprise est d’étayer plusieurs des soupçons d’AlixPartners. À savoir : « des indices de communication confidentielle par ses anciens salariés au profit du BCG » et des « suppositions d’un débauchage concerté à l’origine de faits de concurrence déloyale », selon les termes d'une ordonnance du tribunal de commerce de Paris du 2 novembre 2018.
Les informations collectées sont placées sous séquestre
L’ensemble des informations collectées a ensuite été placé sous séquestre et doit alimenter ultérieurement un procès en concurrence déloyale et l’éventuelle indemnisation qu’elle justifierait.
Sauf que le BCG a demandé la rétractation ou la limitation du champ des investigations prévu par l’ordonnance du 12 avril 2018. Le BCG souhaitait que le périmètre des investigations soit limité « aux boîtes e-mail et aux ordinateurs de MM. Daraaoui, Montupet et Bénichou, seules personnes concernées par les faits de la requête (d’AlixPartners, ndlr) » et « à la période du 1er mars 2017 au 15 août 2017 ».
Des demandes dont le BCG a été débouté le 2 novembre 2018 par le tribunal de commerce qui juge que la requête d’AlixPartners est légitime et proportionnée. Le BCG pourra encore faire appel.
Le BCG peut faire appel
Ce qui pourrait prendre du temps. Et retarder d’autant l'éventuelle levée du séquestre sur les informations collectées par l’huissier et le procès en concurrence déloyale qu’AlixPartners pourrait mener contre le BCG.
« AlixPartners n’entend pas commenter cette décision de justice », a indiqué le cabinet sollicité par Consultor. Contactés, le BCG et deux des trois associés (Yahya Daraaoui et Renaud Montupet) n’ont pas donné suite aux sollicitations de Consultor.
Ce n’est pas la première fois qu’AlixPartners donne une suite judiciaire aux départs jugés litigieux de managing directors pour la concurrence. En 2014, AlixPartners avait porté plainte contre deux anciens associés partis chez McKinsey, quand le cabinet cherchait lui aussi à se développer dans le conseil en retournement. Un procès qui s’était soldé à l’amiable par un accord confidentiel entre AlixPartners et McKinsey.
Benjamin Polle pour Consultor.fr
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