Info Consultor – Stratégie vaccinale made in McKinsey : une facture à 10 millions d’euros
Cinq paiements de décembre 2020 à mai 2021 pour un total de 9,56 millions d’euros : tel est le total des honoraires acquittés par le ministère de la Santé à McKinsey pour l’accompagnement fourni au ministère pour le déploiement de la vaccination covid-19 selon des documents obtenus par l’association Anticor et consultés par Consultor.
Neuf mois après que l’information d’une mission de McKinsey pour accompagner le ministère de la Santé dans le déploiement de la vaccination covid a révélé au grand public le rôle important joué par les cabinets de conseil au sein de l’État, l’ampleur de cette mission se précise petit à petit.
Car si vingt-huit contrats passés entre le ministère de la Santé et sept cabinets (Accenture, CGI, Citwell, Deloitte, JLL, McKinsey et Roland Berger) entre le 12 mars 2020 et le 9 février 2021 pour un montant total de 11,35 millions d’euros étaient connus depuis qu’ils avaient été rendus publics par la députée Les Républicains de l’Orne Véronique Louwagie en février, de nouveaux documents actualisent ces chiffres.
Ainsi Véronique Louwagie faisait-elle état le 10 février 2021 de 5,4 millions d’euros TTC de missions de conseil en stratégie. « Le cabinet le plus sollicité est McKinsey pour un montant de quatre millions d’euros », indiquait-elle à l’Assemblée nationale.
La rapporteuse spéciale de la mission Santé de l’État au sein de la commission des Finances de l’Assemblée nationale qui s’était autosaisie du sujet comme l’y autorise la loi de finances, a alors connaissance de trois missions de McKinsey au ministère de la Santé.
Une première, facturée 3,2 millions d’euros, est notifiée au cabinet le 8 décembre 2020. Elle porte sur l’accompagnement de l’équipe interministérielle dans la définition d’une stratégie cible visant à doter l’ensemble du territoire français des doses de vaccins.
Une deuxième, facturée 169 000 euros, est notifiée au cabinet le 23 décembre. McKinsey doit notamment assurer la coordination entre Santé Publique France (SPF), l’agence sous tutelle du ministère de la Santé, notamment chargée du suivi épidémiologique, et le ministère de la Santé.
Une troisième, facturée 605 000 euros et notifiée à McKinsey le 14 janvier 2021, avait, elle, trait à la mise en place d’une « tour de contrôle » stratégique auprès de SPF.
Une facture à 10 millions d'euros
Quatre millions d’euros donc. Une facture qui s’est sensiblement alourdie depuis. Selon des documents communiqués par la direction générale de la Santé à Anticor, deux autres factures ont suivi sur l’accompagnement de McKinsey auprès du ministère. Une de 2,6 millions d’euros pour un bon de commande en date du 9 mars. Puis une facture de 2,9 millions d’euros pour un bon de commande en date du 18 mai.
Ce qui au total porte les honoraires de McKinsey à 9,56 millions d’euros. Ces missions devaient mobiliser une quinzaine de consultants dès décembre puis jusqu’à vingt-cinq d’ici la fin février, avançait Les Échos mi-janvier. Quand Politico estimait, de son côté, début février, que sept consultants et deux associés du cabinet étaient mobilisés sur le sujet.
Ces missions de McKinsey interviennent dans le cadre d’un vaste marché de transformation de l’action publique de l’État français entre 2018 et 2022 d’une valeur globale de 100 millions d’euros. Il avait été attribué à vingt cabinets principaux et soixante-trois sous-traitants spécialistes le 22 juin 2018 (relire notre article). Le lot 1 de ce marché portait sur la stratégie et les politiques publiques et était doté d’un budget de 20 millions d’euros. Ce lot avait été attribué au Boston Consulting Group (en binôme avec EY Advisory), à Roland Berger (avec Wavestone) et à McKinsey (avec Accenture).
Les 9,56 millions d’euros facturés par McKinsey représentent donc 61 % du budget du lot 1. Ils représentent par ailleurs 31 % des 30,2 millions d’euros qui avaient été facturés en février 2021 (relire notre article) par l’ensemble des cabinets de conseil à l’État dans le cadre de ce marché pluriannuel.
Un recours à McKinsey que des sources au sein du ministère citées par Politico en février estimaient nécessaire. Ces dernières évoquaient un personnel pour moitié en burn-out tant la charge de travail et la pression de la gestion de la pandémie étaient fortes.
Une facture définitive ? Pas de réponse encore claire à cette question. Le 17 mai 2021, Les Échos avait appris que la mission, qui avait déjà été prolongée au mois d’avril, était à nouveau prolongée. Sans qu’on en connaisse le terme exact à ce stade. Mi-août, on apprenait seulement que les cadres de la task force vaccinale du gouvernement « reconnaissaient l’apport du cabinet McKinsey pour aider à mettre en place les process nécessaires depuis le début » (relire notre article). Et le 17 septembre, le gouvernement affichait publiquement sa satisfaction : le seuil des 50 millions de primo-vaccinés était dépassé.
De son côté, Anticor poursuit ses recherches sur les documents reçus. Les interrogations de l’association portent sur la récurrence des bons de commande, leur montant et le lien jugé ténu entre un marché-cadre de transformation de l’action publique et des missions d’aide au déploiement de la stratégie vaccinale. L’association pourrait en ce sens adresser des demandes complémentaires à l’administration dans les semaines à venir.
Benjamin Polle pour Consultor.fr
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