L’ambition XXL du nouveau boss d’Oliver Wyman
Au terme d’un process de sélection de plusieurs mois, Bruno Despujol a été choisi pour diriger les bureaux de Paris et de Bruxelles d’Oliver Wyman (44 partners, 300 collaborateurs). Il succède à Hanna Moukanas, qui occupait ces fonctions depuis 2015. Ils livrent tous deux à Consultor le bilan des dernières années et les dossiers chauds du moment.
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Bruno Despujol, 52 ans, débute sa carrière dans l’industrie pétrolière chez Total, avant de rejoindre Oliver Wyman en 2000 en tant que consultant. Il devient partner en 2010. En 2015, il prend les commandes de la practice services au niveau mondial, et de la practice transport et services au niveau France. En 2020, il devient également responsable de la plateforme Climate & Sustainability pour l’Europe. Il est titulaire d’un MBA à HEC (2000).
Hanna Moukanas, 60 ans, est fort d’une expérience de 35 ans dans le conseil, dont 27 chez Oliver Wyman. Il devient à présent chairman d’Oliver Wyman, un rôle nouvellement créé dans lequel il dirigera les activités de M&A pour l’Europe, avec comme objectif d’accélérer les efforts de croissance externe du cabinet.
Comment devient-on patron de bureaux chez Oliver Wyman ?
Hanna Moukanas : Cela marche de la même façon pour tous les métiers d’encadrement chez Oliver Wyman. Un appel à candidatures a lieu, puis une élection. Les partners candidats sont interviewés par une instance européenne neutre. Deux managing partners européens ont fait le tour des partners parisiens candidats.
Bruno Despujol : Chaque candidat remet un manifeste, avec son programme, ses priorités, la manière dont il souhaite travailler avec le collège des partners.
Combien de partners se sont proposés pour le rôle ?
Hanna Moukanas : Quelques-uns, tout le monde n’a pas envie.
Pas envie, parce que c’est un rôle difficile ?
Bruno Despujol : C’est un rôle passionnant. On devient l’animateur d’une communauté avec laquelle on travaille depuis longtemps. Mais c’est un travail que l’on doit faire en complément des missions dont on garde la charge en tant que partner auprès de ses clients. Pour assumer cette charge, il faut faire preuve de générosité, que ce soit en termes de temps et de sacrifices. Il faut un minimum de séniorité pour y arriver.
Hanna Moukanas : Envie, c’est le mot. En tant que market leader, on est à l’intersection de toutes les géographies et de toutes les practices, des jeunes consultants comme des plus seniors. On peut interférer dans tous les process de la firme, on apprend à choisir. On ne peut pas réussir dans cette mission en faisant le minimum vital ni en voulant s’imposer, sans concerter.
Bruno Despujol : Le pari est que, si nous collaborons bien, nous sommes les meilleurs devant les clients. L’enjeu, c’est la complémentarité, qui fait que cela fonctionne, et les sujets transversaux dont nous faisons des priorités, tels que le digital ou le développement durable.
Pourquoi les bureaux de Paris et Bruxelles vont-ils de pair ?
Hanna Moukanas : On est convaincu que les plus grands pays doivent accompagner les plus petits. Jusqu’à il y a peu, les activités belges étaient couvertes depuis la France. Le bureau de Bruxelles a été ouvert voilà 15 mois, et il compte désormais 25 personnes. Nous n’aurions jamais crû aussi vite sans le soutien des équipes françaises. La France n’est pas la seule à y apporter son concours, les Pays-Bas le font également, pour la partie belge néerlandophone.
Bruno Despujol : Nous avons toujours travaillé main dans la main, c’est historique. Quand je suis arrivé voilà 20 ans chez Mercer (qui allait devenir Oliver Wyman, ndlr), les équipes comptaient déjà 15 % de Belges.
Hanna Moukanas, vous avez occupé les fonctions de patron de Paris et Bruxelles sept années durant, en ira-t-il a priori de même pour vous Bruno Despujol ?
Hanna Moukanas : Il n’y a pas de durée gravée dans la roche. Historiquement, ce sont des fonctions que l’on occupe entre 4 et 10 ans dans la firme.
Est-ce vous qui avez souhaité passer la main ?
Hanna Moukanas : J’ai effectivement pris la décision de passer le relais. Après le covid, j’ai réfléchi aux suites que je souhaitais donner à ma carrière. À la fin de l’été dernier, je me suis dit que c’était le bon moment. Je le prêche à mes clients tout le temps, pas plus tard que ce matin encore : « Ne faites pas le mandat de trop ». Je me l’applique à moi-même tout de même !
Si on rembobine les sept années qui viennent de s’écouler, que retenez-vous ?
Hanna Moukanas : Quand j’ai pris mes fonctions, Oliver Wyman était encore un assemblage de practices d’horizons différents. Nous avons œuvré à ce qu’il n’y ait qu’un seul Oliver Wyman, en évitant les conflits internes et les silos. Notre marque n’a été introduite en France qu’en 2007. 15 ans plus tard, nous sommes une marque extrêmement appréciée et attractive pour les profils que nous souhaitons attirer. Nous avons également mis le pied dans des secteurs où nous n’étions pas encore, à l’instar du secteur public, dans le contexte polémique que chacun connaît. Cela ne nous a pas empêchés d’y gagner un très beau projet et d’y être de plus en plus présents.
Y a-t-il d’autres secteurs où vous souhaitez vous développer davantage ?
Bruno Despujol : Le private equity est une autre de nos priorités. Viendra ensuite la santé.
Passerez-vous par la case acquisitions pour grandir ?
Hanna Moukanas : Nous voulons doubler en Europe en cinq ans, pour confirmer notre position parmi les plus grands cabinets de la place. Jusqu’à présent nous faisions 80 % de notre croissance par développement organique, et 20 % par croissance externe. Là, nous devrons passer de 700 millions d’euros de chiffre d’affaires pour Oliver Wyman en Europe, à 1,4 milliard d’euros, dont une partie par acquisition. Au niveau du leadership européen du cabinet, nous avons estimé que nous devions accélérer sur ce sujet et que quelqu’un devait se saisir de ce sujet à bras-le-corps. C’est ce que je ferai en France. C’est ce que fera Pablo Campos en Espagne. Nous créons ces deux rôles de chairman dans la gouvernance européenne du cabinet.
Caillou dans les souliers de nombre de cabinets de conseil : la parité, sur laquelle le secteur reste mauvais. Votre nomination, Bruno Despujol, n’imite pas les femmes qui ont pris les rênes chez certains de vos concurrents. Le sujet n’a-t-il pas été mis sur la table lors de la sélection de la personne qui allait diriger les deux bureaux pour les années à venir ?
Hanna Moukanas : Ce sujet est évidemment très important. Au stade du recrutement, nous sommes à la parité parfaite. Nous sommes encore loin du compte, mais nous mettons en place beaucoup d’actions pour y parvenir. Nous n’avons pas fait le choix de forcer une promotion en décrétant en amont que le market leader devrait être une femme. Toutes les candidatures ont été évidemment reçues, il y a eu ensuite une élection.
Autre sujet de poids pour les cabinets de conseil et pour tout un chacun : le dérèglement climatique. Qu’est-ce que les cabinets de conseil en stratégie tels que le vôtre peuvent faire de plus chez eux ou auprès de leurs clients ?
Bruno Despujol : Nous avons l’ambition que les enjeux de soutenabilité climatique soient au cœur de 10 à 20 % des missions que nous réalisons pour nos clients. C’est une révolution d’aussi grande ampleur que le digital deux décennies en arrière. Pas plus tard que vendredi dernier, nous avions un séminaire à ce sujet pour aligner l’ensemble des partners sur toutes les composantes du sujet. Paris et Bruxelles doivent être des hubs d’expertises sur ce sujet, en interne et pour nos clients. En interne, Paris est un bureau pilote en Europe et dans le monde sur une série d’initiatives visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre. Chacune des missions discutées avec nos clients compte à présent une évaluation de l’impact carbone du projet, que l’on cherche à réduire au maximum en concertation avec nos clients. De même, nous subventionnons les mobilités douces, nous formons tous nos consultants via des fresques du climat ou par des cours dédiés.
Récemment, Consultor a compilé la progression des partnerships de 10 cabinets de conseil en stratégie présents en France. Cette étude montrait qu’Oliver Wyman a connu une croissance de son collège de partners parmi les plus rapides du marché. Mais votre effectif reste encore loin derrière les historiques de la place. Où voulez-vous aller ?
Hanna Moukanas : Si nous voulons doubler de taille en Europe, nous devons doubler de taille en France. Notre métier est intimement lié à la vitesse des transformations que nos clients ont à gérer. Notre seul goulot d’engorgement, ce sont les recrutements des talents et la rétention de ces talents.
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