Le personal branding des dirigeants de cabinets de conseil prend de l’ampleur
« Je me considère comme un porte-parole, un vecteur des valeurs du cabinet, de ses associés et de ses consultants », se décrit Olivier Marchal.
Depuis quelques années, le président du bureau français de Bain & Company se met en avant pour contribuer au rayonnement de sa société. Figure de proue du mouvement, il reconnaît que la communication des dirigeants des cabinets de conseil en stratégie a évolué : « J'ai besoin de faire passer un message, car le nom du cabinet ne suffit plus à attirer les jeunes recrues. J'incarne nos valeurs pour montrer que Bain est un environnement de travail stimulant », justifie-t-il.
Une stratégie approuvée par Thibaut Gratius, consultant en communication, ancien patron de la communication de McKinsey et fondateur du cabinet Oïkologos : « C'est important que le dirigeant personnifie les engagements de son cabinet, notamment pour le recrutement. En 2013, un baromètre a mis en évidence la défiance de la génération Y envers les institutions. Les jeunes ont besoin de pouvoir s'identifier à un dirigeant avec lequel ils partagent des valeurs communes », explique-t-il.
Une visibilité payante
Pour se mettre en scène, les dirigeants disposent de canaux de communication nombreux et divers. À chacun sa palette d'outils. Depuis plusieurs années, Olivier Marchal se rend à Davos où il côtoie la communauté des affaires. Le forum lui offre l'occasion d'intervenir comme orateur et d'exprimer son point de vue dans les médias. Il est aussi vice-président du SYNTEC Conseil en management ce qui lui permet de contribuer à des groupes de réflexion et de diriger la rédaction d'ouvrages. Autant de moyens d'incarner des causes qu'il estime importantes pour l'image de Bain telles que le dynamisme de l'entrepreneuriat, la mixité et la diversité en entreprise. « Ces activités sont essentielles pour sentir le pouls des dirigeants, créer ou renforcer mes relations », développe Olivier Marchal.
Autre dirigeant, autres méthodes. Arnaud Gangloff, président de Kea & Partners, a également fait le choix de s'investir à titre personnel : « Le conseil en stratégie est basé sur une relation de confiance entre un consultant et un client. Une communication incarnée par le dirigeant porte cette relation et caractérise l'engagement des consultants au-delà de la marque », explique-t-il. Le président joue donc le rôle de porte-drapeau lors d'évènements (opérations marketing, petits-déjeuners, conférences de presse...), de groupements professionnels, à travers des livres, mais aussi sur les réseaux sociaux et le site Internet du cabinet où sa photo apparaît à la une. En revanche, il s'exprime peu dans la presse. « J'ai pris la décision de ne pas réagir à l'actualité. Je préfère ne pas prendre position publiquement et réserver mes réactions à nos clients », explique-t-il. Sa communication personnelle valorise des initiatives individuelles ou collectives, plus que le cabinet. Mais ce dernier en tire des bénéfices.
L'investissement d'Arnaud Gangloff porte ses fruits. Le nombre de CV adressés au cabinet augmente régulièrement et les participants aux dernières conférences organisées par Kea étaient deux fois plus nombreux qu'il y a quelques années. « C'est encore un signal faible. Je ne suis pas au bout de ce travail de longue haleine », nuance-t-il cependant. Olivier Marchal met aussi en avant le retour sur investissement. Même s'il reconnaît qu'il se mesure difficilement et que les bénéfices ne sont pas toujours visibles immédiatement. « Je sais que d'une façon ou d'une autre cette communication a un impact positif auprès des chefs d'entreprise, des étudiants, mais aussi en interne », assure-t-il. Les bénéfices de la communication autour d'un dirigeant dépasseraient le champ de la communication externe. Une étude Harris datée de 2013 montre que plus un dirigeant s'expose en externe, plus il suscite d'adhésion et de confiance en interne et conforte ainsi son leadership.
Mais attention aux dérives
Malgré tout, certains dirigeants préfèrent rester discrets. C'est notamment le cas de Benoît Tesson. Le directeur général de Vertone privilégie une approche plus classique. « Je ne suis pas un partisan de la communication autour de mon nom. Je reconnais l'importance de communiquer sur les engagements et les valeurs du cabinet. Mais je ne suis pas le seul à pouvoir le faire chez Vertone », explique-t-il.
Pour lui, une trop grande incarnation serait à l'origine de dérapages malheureux. Comme tous les consultants, les dirigeants développent un champ d'expertise durant leur carrière et ne sont pas crédibles pour s'exprimer dans tous les domaines. Résultat, quelques-uns ne se montrent pas très à l'aise sur certains sujets, voire, parfois, sont carrément à côté de la plaque. « Quand je vois des confrères dans les médias, je me dis quelquefois qu'ils auraient mieux fait de se taire », confie Benoît Tesson. D'où une approche intermédiaire adoptée par certains dirigeants comme Charles-Édouard Bouée (Roland Berger) : il s'investit personnellement uniquement sur des sujets qu'il connaît en profondeur.
« Attention aussi à ne pas éclipser les autres partners », avertit Thibaut Gratius (l'expert en communication d'Oïkologos) qui met en garde contre les dérives de la mise en scène du dirigeant : « Un cabinet de conseil est une sorte de constellation. L'idée d'un collectif doit perdurer ». Il cite en contre-exemple le cas de Dominique Mars. La communication et la visibilité du dirigeant seraient les symptômes d'un supposé problème de succession. « La difficulté est de trouver le bon équilibre et de savoir quels sujets sont réservés au dirigeant. C'est une question de cohérence et de stratégie sur le long terme », conclut Thibaut Gratius.
Léa Billon pour Consultor.fr
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