Moyens de paiement : le conseil à la croisée des chemins
Jusqu’au début des années deux mille, les moyens de paiement restaient un sujet presque exclusivement bancaire. Visa et Mastercard dominaient le secteur. L’avènement de PayPal, d’American Express, d’Amazon et désormais d’Apple a profondément changé la donne et a transformé la manière dont les consultants abordaient le secteur bancaire.
Hier, spécialisés uniquement dans la banque, ils englobent aujourd’hui des réflexions empruntées aux télécoms, au retail, à la transformation numérique…
« One more thing. » Lors de la dernière keynote d’Apple, Tim Cook s’est permis de reprendre la fameuse petite phrase de Steve Jobs, comme pour souligner l’importance de ses annonces. Tim Cook venait de présenter l’iPhone 6 et la Watch, deux outils qui pourront être utilisés comme moyens de paiement. « Une révolution », s’emballent aussitôt les presses mondiales.
Apple n’est pourtant pas le premier à empiéter sur le pré carré des banques. « Beaucoup d’intervenants s’intéressent au sujet, reconnaît Antoine Destombes, principal chez Ares & Co. Le marché s’est un peu élargi ces dernières années. Depuis moins d’une décennie, les banques doivent faire face à des bouleversements imputables au numérique et à l’évolution de la règlementation, mais aussi à l’augmentation de la concurrence, due à l’émergence de nouveaux types d’acteurs bancaires et non bancaires. »
Concurrence 2.0
Parmi les seconds, il y a des services spécialisés comme PayPal, l’un des premiers profanes à s’aventurer sur le terrain de la transaction en dehors des chemins habituels, du moins du point de vue du client. Et l’entreprise a fait des émules. Récemment, la start-up Stripe a développé un nouveau service de paiement en ligne, directement intégrable par tout marchand en ligne sans qu’il lui soit nécessaire d’entrer en contact avec une banque. On trouve également des distributeurs qui testent des solutions de paiement sur mobile, à l’image de Flash’NPay pour Auchan.
Enfin, les géants du Web comme Apple, Amazon ou Google s’appuient sur une marque et un écosystème qui rencontrent l’adhésion des clients. Ces derniers se considèrent d’ailleurs plus comme des utilisateurs, voire des aficionados, que comme simples consommateurs. C’est le coup de génie d’Apple. La technologie elle-même existait déjà depuis des années : le NFC, dont les nouveaux iPhone sont équipés, permet le paiement sans contact, simplement en approchant le téléphone du terminal du commerçant. Ce qui permet à Apple de faire la différence et les gros titres mondiaux, c’est la simplicité du système et les 800 millions de cartes de crédit déjà enregistrées sur iTunes.
Les commerçants, eux, suivent la tendance et s’équipent de plus en plus pour permettre l’utilisation de cette technologie. Aux États-Unis, par exemple, le service Google Wallet est disponible dans tous les commerces qui acceptent les cartes MasterCard. En France, McDonald’s s’est associé à PayPal et expérimente le paiement sans contact.
Veille technologique
Du point de vue des consultants, ces changements rapides et importants imposent une veille permanente. « Notre rôle consiste à garder un œil sur les innovations et à préparer nos banques clientes à les anticiper, indique Bertrand Lavayssière, partner Ares & Co. En France, les clients restent plutôt fidèles à leurs banques, ce qui leur laisse une marge de manœuvre pour intégrer les nouveautés technologiques. Mais si elles tardent trop, les clients pourraient finir par s’intéresser à la concurrence. »
D’autant plus que tous ces nouveaux acteurs, dont la transaction bancaire n’est pas le cœur de métier, ont acquis les compétences leur permettant de proposer des services financiers basiques comme les paiements. « Offrant des services disruptifs, ils représentent une menace pour les marges des établissements traditionnels », affirme McKinsey dans un rapport consacré à la mutation numérique des entreprises. Le cabinet va plus loin : « En quelques années, l’univers bancaire va se transformer radicalement. Pour les paiements et transactions, les banques s’appuient presque totalement sur les cartes bancaires, laissant le plus souvent l’expérimentation de solutions pionnières à des acteurs non bancaires. » Selon McKinsey, cette concurrence accrue pourrait coûter aux banques entre 30 et 35 % de leurs résultats opérationnels.
Disruptif ou pas disruptif ?
« On parle trop facilement de technologies disruptives, alors qu’un paiement par mobile reproduit sur son terminal une transaction classique par carte, tempère Bertrand Lavayssière. Du point de vue des banques, ce n’est pas un grand changement. Surtout qu’elles ont des forces à faire valoir : la légitimité, la sécurité, les clients porteurs et les clients commerçants. »
Bertrand Lavayssière estime que l’importance donnée à Apple, PayPal et Amazon dépasse leur poids réel sur le marché. « La révolution potentielle pourrait venir de Grande-Bretagne : les Britanniques lancent un système pour connecter le numéro de mobile au numéro de compte bancaire, sur l’ensemble des banques. De facto, votre terminal mobile, avec une sécurité et une simplicité assez fortes, devient un terminal de paiement, aussi bien pour payer que pour recevoir un paiement. » Une rupture relativement conceptuelle par rapport au schéma où le terminal consistait à reproduire le système carte qui pourrait être dépassé par des systèmes plus simples.
Aujourd’hui, les sujets se trouvent en bonne place sur la table des directions générales bancaires qui travaillent avec les cabinets de conseil. « Tout le monde ne s’oriente pas dans la même direction pour aborder ces enjeux, explique Antoine Destombes. Pour nous, cela suppose un certain nombre d’analyses, de projections, de scénarios, de recherches sur les modèles économiques de demain à mener avec nos clients…» S’ajoute le poids des législations nationales et régionales qui constituent un corpus imposant. Le consultant spécialisé dans les moyens de paiement doit donc posséder une vaste culture de son domaine tout en étant au fait des problématiques du numérique, du retail, des télécoms qui traversent désormais la banque et qui bousculent quelque peu les usages.
Lisa Melia pour Consultor
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