Plan de relance tricolore : la mystérieuse évaluation de Roland Berger
Un nouveau pavé dans la mare « secteur public » pour la sphère consulting. Où il est question cette fois de l’omniprésence des cabinets de conseil dans l’élaboration du plan de relance voté en décembre 2020 par les dirigeants de l’ensemble des pays de l’Union européenne, le Parlement européen et la Commission européenne, afin d’aider les gouvernements à réparer les dommages économiques et sociaux causés par la pandémie.
« Dans plusieurs pays d’Europe, les consultants rédigent des parties entières des plans, accompagnent les États, et évaluent l’efficacité des mesures, multipliant ainsi les conflits d’intérêts », lance Adrien Sénécat, qui a réalisé cette enquête pour Le Monde, et qui s’est penché sur le cas français.
Alors même que le ministère de l’Économie assure ne pas avoir « travaillé avec les cabinets de conseil » pour concevoir le plan de relance français et son volet européen, l’État aurait commandé selon les comptes d’Adrien Sénécat environ 200 missions (hors prestations informatiques) à des cabinets de conseil dans le cadre du plan de relance entre janvier 2021 et juin 2022, pour plus de 13 millions d’euros. Capgemini et Eurogroup Consulting seraient ainsi intervenus auprès de France Relance, de l’Agence nationale de l’habitat, et de Bercy.
Le cabinet Roland Berger aurait lui planché sur le premier rapport d’évaluation du plan de relance publié fin 2021, 458 pages officiellement rédigées par des agents de l’inspection générale des finances et de France Stratégie. Mais officiellement (dans la liste des contributeurs) pour « son assistance technique dans la réalisation des auditions et le recueil d’informations ». Même son de cloche de la part du président du comité d’évaluation, l’économiste Benoît Cœuré, qui a assuré au Monde que les consultants n’ont joué « aucun rôle dans la réalisation du rapport en lui-même… leur contribution à cette mission était connue et s’est limitée à un appui logistique, pour réaliser des “questionnaires, fiches et entretiens” ».
Et pourtant, d’après l’enquête du Monde, cette mission a bien été réalisée via le volet « stratégie et politiques publiques » du précédent accord-cadre de la DITP (Roland Berger était l’un des attributaires), avec bon de commande et descriptif des missions à l’appui : conduite de certains entretiens en autonomie, appui sur les analyses du plan de relance, aide à la rédaction du rapport, dont un « premier jet de structure des messages du rapport ».
Ce à quoi a répondu Cédric Audenis, commissaire général adjoint de France Stratégie, « je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de lignes rédigées par Roland Berger qui sont présentes dans le rapport ». Peu de lignes retenues par France Stratégie… 200 jours de travail facturés par Roland Berger pour un montant de 473 574 euros…
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C'est une information du Canard Enchaîné du mercredi 13 janvier 2021 : dans le cadre du plan de relance porté par le gouvernement de Jean Castex pour contrer les effets économiques de la crise sanitaire, le ministère de l'Agriculture fait appel à McKinsey and Company. Objectif, selon la lettre de mission consultée par l'hebdomadaire satirique : structurer le pilotage stratégique du volet agricole (du plan de relance), en assurer la qualité et la rapidité d'exécution.
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