Entrer dans un cabinet de conseil en Belgique : plus facile qu'en France ?
Sur les forums internet ou dans les couloirs des écoles, de nombreux étudiants cherchent des moyens détournés qui leur ouvriraient les portes des cabinets de conseil les plus prestigieux. Lorsqu'ils savent n'avoir aucune chance en France, certains se rabattent sur la Belgique. Consultor.fr vous prouve que cette solution n'a pas plus de chance d'aboutir.
Il y a cette petite arrogance française qui voudrait que tout soit un peu plus simple en Belgique. Le pays a parfois dans les médias hexagonaux des airs de région reculée et certains s'y comportent comme un Parisien qui visite la province.
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Philippe*, chasseur de têtes à Bruxelles, est un temps passé par la DRH d'un cabinet du trio MBB (McKinsey, Bain & Co, BCG). Il se souvient avoir reçu des candidatures de Français un peu trop arrogants. «Je me rappelle de ce jeune homme, particulièrement énervant, qui expliquait dans sa candidature pourquoi son école de deuxième rang valait bien mieux que n'importe laquelle des formations belges. » Le recruteur précise que ce comportement, certes isolé et plutôt idiot, est symptomatique d'un état d'esprit généralement répandu.
Pour Philippe, « les jeunes Français ont une méconnaissance totale du système belge, très différent du leur. Ils pensent que la concurrence est moins grande, or rien n'est plus faux. La concurrence existe bel et bien et il y a en Belgique, comme ailleurs, une élite. C'est cette élite que les cabinets de conseil en stratégie cherchent à attirer ».
Un système éducatif différent mais pas moins sélectif
La Belgique n'a pas de système de grandes écoles à la française. Ce que l'on appelle là-bas les « hautes écoles » sont en fait des écoles de second rang, plus axées sur la pratique, et que l'on rejoint souvent lorsque l'on estime ne pas avoir le niveau suffisant pour suivre des études universitaires. Outre-Quiévrain, c'est le public qui offre les plus belles formations. En tête de peloton, on trouve les deux principales universités flamandes. La KUL, l'université catholique de Leuven, et l'université de Ghent (Gand en français) figurent en très bonne position dans les classements internationaux.
Elles ne cessent de prendre des points et de devancer leurs cousines françaises. La KUL arrive en 35e position du dernier classement du Times, vingt places de mieux qu'un an plus tôt. L'université de Ghent, 71e au classement de Shanghai, se paie quant à elle le luxe de devancer l'ENS. La partie francophone est un peu moins bien lotie. Seule Solvay, la business school de l'Université Libre de Bruxelles (ULB), pointe son nez dans les classements internationaux, loin derrière ses homologues françaises.
« Des bêtes de concours »
Il ne faut pas pour autant sous-estimer les étudiants de Solvay. Louise*, diplômée d'une grande école française, se rappelle avoir été impressionée par ses camarades lors d'un échange d'un an à Bruxelles. « En France, c'est la prépa qui nous apprend à travailler dur. Les années de lycée sont plutôt tranquilles. En Belgique, les élèves sont habitués dès le plus jeune âge aux examens, les meilleurs sont de véritables bêtes de concours. »
Pas de contrôle continu dans les collèges et lycées belges. À partir de 12 ans, les élèves passent des examens, deux fois par an, sur le modèle des partiels dans les universités françaises. « Dès la sixième, les Belges sont habitués à travailler trois semaines consécutives, pendant leurs vacances, pour six examens en quelques jours », explique Louise. « Ils acquièrent et intègrent cette capacité de travail bien avant nous. » Philippe, chasseur de têtes, estime que le système belge sélectionne très en amont, bien avant les études supérieures. « Chaque année, les parents, surtout dans les grandes villes, cherchent à inscrire leurs enfants dans les meilleures écoles secondaires (NDLR : niveau collège en France). Elles sont très sélectives et choisissent leurs élèves sur les résultats en primaire et sur leur comportement, après un entretien. » Même si l'accès à l'université se fait sans concours, rares sont ceux qui réussissent de belles études sans avoir été dans les meilleurs établissements secondaires.
Des différences culturelles à ne pas négliger
Une erreur répandue dans l'Hexagone voudrait que, parce Belges et Français partagent la même langue, ils ont une culture et un mode de pensée identiques. Certains jeunes Français pensent ainsi que l'acclimatation se fera facilement.
Martin*, franco-belge et consultant pour un MBB depuis six ans, balaye ce préjugé. « Il ne faut pas négliger l'aspect culturel. On ne parle pas à un industriel wallon comme à un financier parisien. » Pour Martin, « le business se fait aussi différemment entre Bruxelles et Paris qu'entre Londres et Berlin ». Cette différence est prise en compte dans le recrutement des cabinets, qui privilégient toujours des consultants connaissant bien le pays. Martin l'explique sur le ton de la blague. « Allez dire soixante-dix au lieu de septante, ou "Zavantan" au lieu de Zaventem (NDLR : prononcé za-veune-tème – ville à proximité de Bruxelles, siège de l'aéroport international) ! Cette petite erreur peut déjà vous faire perdre la confiance de certains clients. »
Philippe y voit même une sorte de rivalité. « Il y a un complexe belge, au moins pour la partie francophone. Même si mes concitoyens me tueraient pour avoir dit ça, je pense que nous, Belges francophones, avons parfois le sentiment de devoir prouver quelque chose par rapport à notre grand voisin. » Le recruteur est persuadé que cette composante est prise en compte dans les recrutements des MBB, même s'ils ne l'avouent pas. « L'attitude "parisienne" est très mal vue en Belgique et, même si nous donnons leurs chances à tous, les Français partent avec un a priori négatif. » Ce préjugé, selon Philippe, existe autant chez les recruteurs des cabinets que chez n'importe quel autre Belge.
Spreek u Nederlands ?
Au-delà de l'attitude, le conseil en Belgique exige la maîtrise de certaines compétences spécifiques, notamment linguistiques. Le pays a cette particularité d'être bilingue, voire même trilingue officiellement, l'allemand étant pratiqué dans une petite enclave à l'est du pays. Mais c'est avant tout le néerlandais (ou flamand) qui fait figure de must have. « La Wallonie est presque un désert industriel et les grands pôles économiques, au-delà de Bruxelles, se trouvent en Flandre, précise Philippe. Par ailleurs, certaines lois imposent que les documents officiels soient écrits en flamand ou en français, selon la région du pays où vous vous trouvez. »
Martin confirme la nécessité de maîtriser le néerlandais. « La plupart des consultants sont bilingues, à quelques exceptions près. Les cabinets aiment particulièrement les Flamands de Gand, où la bourgeoisie locale parle parfaitement le français. » Il nuance toutefois le constat. « Mon cabinet favorise les mobilités internationales. Je travaille en ce moment avec une Indienne qui ne parle pas un mot de français ou de flamand. » Le consultant avoue toutefois que ces profils font figure d'exceptions et qu'ils sont systématiquement issus de la mobilité interne. Le recrutement externe exige le bilinguisme.
Pour Martin, au-delà de la dimension liée au business, c'est avant tout dans un but d'intégration. « Quand une équipe est à 80 % constituée de néerlandophones, naturellement, les blagues se font dans cette langue. Quelqu'un qui ne parlerait pas du tout le néerlandais est de facto exclu d'une partie de la conversation. »
En définitive, pas de salut en Belgique pour un étudiant recalé des MBB en France. Pour s'en persuader, il suffit de faire un tour sur LinkedIn. L'immense majorité des consultants a fait ses études en Belgique et parle couramment le néerlandais. Beaucoup même ont complété leur cursus dans une école à l'étranger. En France, notamment.
*Les personnes interviewées ont souhaité garder l'anonymat. Les prénoms ont été changés.
Gillian Gobé pour Consultor.fr
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