INSEAD 2023 : 7 top recruteurs sur 10 sont des cabinets de conseil
Disposant d’un campus historique à Fontainebleau et de 3 autres sites dans le monde, l’INSEAD publie chaque année ses statistiques d’emploi des titulaires de MBA. Quelles marques - de conseil en stratégie ou corporate - ont particulièrement recruté, dans quels secteurs d’activité et sur quelles zones géographiques ? Focus sur les cohortes de diplômés de décembre 2022 et juillet 2023.
Quelques mots sur l’INSEAD et son Global MBA
Le projet d’Institut européen d’administration des affaires (INSEAD) a été initié par Georges Doriot, un professeur de management franco-américain diplômé de Harvard qui y a ensuite enseigné, connu par ailleurs pour avoir “inventé” le capital-risque. Son ambition est alors de créer, en France, “une école de commerce révolutionnaire” où “l’esprit d’entreprise et la diversité” règneront. En 1957, il cofonde l’Institut avec Claude Janssen et Olivier Giscard d’Estaing, diplômés de Harvard comme lui. Le modèle pédagogique et organisationnel de l’INSEAD s’inspire de la célèbre université américaine.
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Se faire financer un master in business administration (MBA) dans le conseil en stratégie, c’est possible aussi en France quoique le sésame soit nettement moins prisé qu’aux États-Unis. Mais pas partout et certainement pas n’importe comment.
Le financement par un cabinet installé en France d'une formation de plusieurs dizaines de milliers d’euros, dans l’immense majorité des cas à l’Insead, implique sans exception l’engagement à rester ensuite plusieurs années dans ce cabinet, sous peine d'une demande de remboursement à défaut.
L’école, basée à Fontainebleau, comporte deux autres campus à Singapour et Abu Dhabi, ainsi qu’un “hub” à San Francisco. Et son Global MBA est plutôt réputé - classé premier au niveau mondial par le Financial Times en 2022, devant ceux de la London Business School et de HEC Paris. En 2023 le FT le classe 2e, idem en 2024 - juste derrière la Wharton School et devant la Columbia Business School.
Des diplômés recrutés par les bureaux parisiens des cabinets de conseil ?
De façon générale, les entités françaises des cabinets recrutent de jeunes diplômés des grandes écoles de commerce et d’ingénieurs (HEC, ESSEC, ESCP ; X, Mines Paris, CentraleSupélec), ainsi que quelques profils expérimentés ayant une expérience pertinente en entreprise et/ou en cabinet de conseil.
Il arrive néanmoins qu’à l’occasion de transferts d’un bureau étranger à un bureau parisien, les cabinets jugent nécessaires de permettre à certains consultants - “sous-diplômés” selon les critères français - de préparer un MBA à l’INSEAD. Mais cela reste marginal.
En France toujours, l’autre cas de figure est celui de la “récompense” accordée aux meilleurs consultants : après une certain temps passé au sein de l’entité (variable selon les cabinets), certaines recrues se voient proposer un financement total de leur MBA, moyennant une clause de fidélité : les consultants doivent ensuite rester un nombre minimal d’années au sein de la structure ou, à défaut, rembourser une partie des frais engagés par le cabinet. Les MBB notamment fonctionnent sur ce schéma.
De leur côté, les bureaux étrangers des cabinets de conseil recrutent en sortie d’INSEAD en raison du profil très international de la majeure partie des étudiants de l’école. Ainsi, en 2023, 40% des étudiants étaient originaires de la zone Asie-Pacifique, 37% d’Europe, 17% du continent américain et 6%, d’Afrique ou du Moyen-Orient.
Si l’on revient en France et que l’on observe les partners des bureaux parisiens, plusieurs d’entre eux ont complété leur formation initiale réalisée en grande école de commerce ou d’ingénieur par un MBA de l'INSEAD : c'est le cas de Jean-Marc Liduena, patron de Circle Strategy (promotion 1999), qui a d’ailleurs présidé l'association des alumni à deux reprises, de Laurent Saint Martin, associé de Strategy& (1995) et de Pierre-Jean Béranger, partner d'Oliver Wyman (2019). Ou encore de David Toledano, associé de Singulier (2007), de Reza Ghafoorzadeh, partner de GSG (2005), et de Clare Chatfield, senior partner chez L.E.K. (dirigeante du bureau de Paris durant 22 ans), devenue récemment senior advisor (1989). Cette liste est non exhaustive.
Des cohortes d’étudiants plus réduites en décembre 2022 et juillet 2023
En ce qui concerne la promotion 2023 de l’INSEAD, selon les statistiques établies par l’école, le nombre d’étudiants a été inférieur à celui des années précédentes - 875 contre 1 094 en décembre 2021 et juillet 2022. Sachant que le coût d’un MBA tourne autour de 100 000 € (pour la cohorte à venir d’août 2024 de l’INSEAD : 99 500 €, pour celle de décembre 2024 : 103 500 €) et qu’en dépit des possibilités de financement existantes - prêt bancaire, bourse, financement par l’entreprise initiale à hauteur variable, épargne personnelle, aide de la part du pays d’origine… -, l’investissement à consentir reste extrêmement significatif. Pour les étudiants issus du monde du conseil, comme déjà indiqué, seule une minorité bénéficie d’un financement destiné “aux meilleurs”.
Parmi les éléments notables de ces statistiques, on trouve l’origine professionnelle “pré-MBA” des diplômés : 37% sont issus du conseil, 23% des services financiers, 11% des TMT (e-commerce/Internet, Fintech, médias/divertissement et publicité, technologies de l'information/télécommunications) et 7% des biens de consommation - distribution - luxe. Les autres secteurs représentent de 1 à 6% chacun. L’âge moyen des diplômés est de 29 ans, avec 6 ans d’expérience professionnelle préalable.
Des salaires en légère hausse mais moins de propositions au bout de trois mois
Comme le souligne Rhoda Yap, directrice Monde du Centre de développement de carrière de l’école dans un article du site Poets&Quants, « face aux défis macroéconomiques de 2023 marqués par une inflation persistante et des changements géopolitiques, les diplômés du MBA de l'INSEAD ont fait preuve de résilience ».
Deux constats majeurs : le salaire médian a globalement légèrement augmenté par rapport à la période précédente (+ 8%). En revanche, le nombre de diplômés ayant eu accès à une offre d’emploi au bout de 3 mois est en baisse : 88% pour cette double cohorte contre 94% en décembre 2021 et juillet 2022.
L’évolution du salaire médian comporte par ailleurs des disparités. Ainsi, dans le conseil en stratégie, la hausse est de 2% - inférieure à l’augmentation globale donc - alors qu’elle est de 13% dans le secteur de la santé. La finance subit de son côté une nette diminution du salaire médian à -12%.
Le conseil en stratégie reste le secteur où le salaire médian est le plus élevé.
Les MBB premiers recruteurs du conseil en stratégie, devant Strategy&, Kearney et Roland Berger
En consultant les seuls pourcentages, on pourrait parler d’un “boom” du conseil en stratégie : 61% contre 53% pour les cohortes de décembre 2021 et juillet 2022. En valeur absolue toutefois, 534 diplômés ont rejoint des cabinets dédiés - ils étaient 579 fin 2021 et mi-2022.
Dans le détail, les MBB forment donc le trio de tête des meilleurs recruteurs : McKinsey a embauché 167 diplômés (160 sur la double cohorte précédente), le BCG 108 (idem lors du cycle précédent) et Bain 89 (91 auparavant).
Viennent ensuite, à bonne distance toutefois, Strategy& qui a recruté 38 diplômés, Kearney (32), Roland Berger (19) et Oliver Wyman (10). Ce quatuor de cabinets de conseil en stratégie a davantage recruté à l’INSEAD qu’en décembre 2021 et juillet 2022 : +17 embauches pour Strategy&, +15 chez Kearney, +11 pour Roland Berger et +4 chez Oliver Wyman.
En revanche, des cabinets tels qu’EY-Parthenon ou L.E.K. ne semblent pas avoir recruté en 2023 à l’INSEAD (N/A), alors qu’ils avaient respectivement embauché 17 et 8 titulaires de MBA de l’école fin 2021 et mi-2022.
Hors conseil en stratégie, les recrutements d’Amazon sont en chute libre : 61 fin 2021 et mi-2022, 6 sur la double cohorte 2023. Le géant des GAFAM se classe 11e derrière Samsung et devant le groupe pharmaceutique américain Eli Lilly & Company. Le cabinet Alixpartners les suit de près, devant Alvarez & Marsal et la banque Morgan Stanley. Quant à Deloitte, le Credit Suisse et Microsoft, trois des principaux recruteurs de 2022, ils n’ont embauché aucun titulaire de MBA de l’INSEAD en 2023.
Le secteur de la tech en forte baisse et une zone Moyen-Orient qui monte en puissance
C’est un constat significatif quant aux recrutements opérés à l’INSEAD en 2023, et il n’est pas très surprenant. Alors que le secteur représentait 22% des embauches fin 2021 et mi-2022, seulement 9% des diplômés en 2023 ont rejoint les TMT ! Si l’on se base sur les données par entreprise, la chute des recrutements d’Amazon en donne un aperçu.
En dehors du conseil en stratégie leader des recrutements, le corporate représente 16% des embauches (13% sur la période précédente - dont santé, CPG, secteur manufacturier) et les services financiers, 14% (12% auparavant). Comme l’indique Rhoda Yap pour Poets&Quants, "dans un contexte de perspectives d'embauche prudentes sur le secteur technologique, les diplômés [de l’INSEAD] ont habilement navigué vers des secteurs à forte demande, gravitant vers des postes en entreprise et dans le conseil".
À noter : face à une conjoncture macro-économique incertaine, 78% des étudiants 2023 de l’INSEAD ont changé de pays, de secteur ou de fonction après l'obtention de leur diplôme - contre 84% de la cohorte 2022. Plus précisément, 49 % ont changé de secteur (57% précédemment), 50% de pays, et 57% ont vu leur fonction modifiée. 25% ont changé les trois (27% auparavant).
Pour les diplômés ayant changé de secteur d’activité, le conseil s’est révélé très porteur.
Quant aux zones géographiques pourvoyeuses d’emplois, le Moyen-Orient fait figure de destination de plus en plus “attractive pour les talents INSEAD, offrant des rémunérations compétitives qui suscitent un intérêt considérable” selon Rhoda Yap. À poste égal, les rémunérations sont également nettement supérieures aux États-Unis, par rapport à l’Europe.
En 2023, la zone Afrique-Moyen-Orient a représenté 18% des recrutements, l’Europe 47%, la zone Asie-Pacifique, 22% et l’Amérique du Nord et du Sud, 14%.
En contrepoint : un lien inattendu entre l’INSEAD et le conseil en stratégie
Flashback. Lors de sa création et jusqu’en 1967, l'école est réservée aux hommes. L’accès des femmes à l’INSEAD se fait cette année-là par l’intermédiaire d’Hélène Ploix et de… McKinsey !
Diplômée de Sciences Po, la jeune étudiante postule chez le géant du conseil américain qui refuse sa candidature car sa formation “au monde des affaires” est jugée insuffisante. Elle pourrait toutefois rejoindre McKinsey moyennant une formation d’un an à l’INSEAD, mais l’école n’accueille que des élèves masculins.
Un appel de McKinsey à l’Institut a - sans doute - changé la donne : après quelques semaines de délibérations internes, Hélène Ploix en devient l’une des deux premières élèves féminines, en compagnie de Marie-Solange Perret.
En 2023, 38% des diplômé•e•s MBA de l’INSEAD sont des femmes. Et la parité est visée, ”parmi les élèves et à plus long terme, au sein du corps professoral”, selon Urs Peyer, ancien doyen des programmes de l’école et professeur agrégé de finance.
Au fil des années, ce lien entre le conseil en stratégie et l’école s’est renforcé à d’autres égards. En 2018, la directrice adjointe du développement de carrière de l’INSEAD, Vimi Emraz, déclarait ainsi à Consultor que “les MBB, qui ciblent des profils de très haut niveau, [voient] une synergie entre le cursus [de l’Institut] et ce qu’ils recherchent : un mélange de compétences douces et dures, un programme accéléré, et surtout un environnement très international. Les cabinets recherchent justement des profils qui pourront gérer un portefeuille global de clients”.
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