La nouvelle stratégie de Cdiscount face à l’intouchable Amazon
C’est l’un des grands vainqueurs des confinements à répétition : l’e-commerce. En France, dans le sillage d’Amazon, Cdiscount – dont la stratégie est emmenée depuis peu par un ancien consultant – a vu un certain nombre de ses indicateurs s’envoler.
Charge à son tout nouveau directeur de la stratégie, Jérémy Borot, douze ans chez McKinsey, leader de la practice paiements à Paris jusqu’en 2018, d’imaginer le futur de Cdiscount alors que les tendances de consommation ont pris un cap dématérialisé qui va s’inscrire dans la durée.
Nommé il y a quelques semaines directeur de la stratégie, du développement BtoB, de la data science et de l’innovation de Cdiscount (relire ici), cet expert en paiements, passé par les bureaux de Paris et de Mexico de McKinsey, vient d’arriver dans une entreprise française à qui le covid a fait du bien (il y en a).
E-commerce : les feux sont au vert
Il est vrai que tous les signaux sont au vert pour le secteur du e-commerce. En France, le marché du commerce électronique a connu une croissance exponentielle depuis plusieurs années, avec une augmentation des ventes de 11,6% en 2019, dépassant le seuil des 100 milliards d’euros en volumes d’affaires (selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance). Et la pandémie en a rajouté une couche : sur l’ensemble de l’Europe, le chiffre d’affaires du e-commerce a représenté 757 milliards d’euros, en hausse de 10% par rapport à 2019 (plus 9% en France).
Ce dont Cdiscount a bénéficié au même titre que ses concurrents, voire un peu plus : ses ventes ont progressé de 15% entre mars et octobre 2020 en France, alors qu’Amazon n’a été en croissance que de 2,47% ; et ebay, de plus de 27%.
Selon l’étude de trafic réalisée par Semrush (plateforme d’analyse marketing), Cdiscount est ainsi placé deuxième des sites de e-commerce les plus populaires en France (115 millions de visites sur le seul mois d’octobre 2020), derrière Amazon (330 millions) et devant ebay (64 millions).
Les failles d’Amazon qui laissent un peu de place
Très loin devant les autres, Amazon reste sans conteste le grand leader. En 2020, le site français, 2 300 collaborateurs, affiche quatre milliards d’euros de volume d’affaires sur le marché mondial ; Amazon, c’est 320 Mds€ de CA, dont 44 Mds€ pour le seul continent européen. Et la tendance du titan américain ne semble pas prête de s’infléchir avec 100 milliards de chiffre d'affaires trimestriel au quatrième trimestre 2020, une première dans son histoire.
Mais pour Cdiscount, le géant peut aussi montrer des signes de faiblesse. De tous les acteurs du e-commerce généraliste, Amazon est en effet le seul à avoir connu une baisse de près de 20 millions de visites entre mars et mai 2020, à cause de la fermeture durant plusieurs jours de certains de ses entrepôts en France à la suite d’une décision de justice, ce qui a entraîné un rallongement des délais de livraison et des reports de commandes, vers les sites français Cdiscount et FNAC en particulier.
« Amazon n’a de concurrents que dans trois pays au niveau mondial, l’Inde, le Japon et la France [Amazon a fermé sa plateforme en Chine en 2019 ne pouvant concurrencer Alibaba et JD.com – ndlr]. Ce qui fait notre force, c’est que nous avons su nous réinventer régulièrement en étant innovant et en évoluant avec les besoins toujours nouveaux du marché. Une agilité qui nous a permis de passer de 17 000 produits avant 2011, à 100 millions de produits, plus de 10 millions de clients actifs, 23 millions de visites par mois dont 75% du trafic sur mobile. Depuis vingt ans, la plupart de nos concurrents n’ont pas résisté et n'existe plus ou peu », analyse le nouveau directeur strat’ à 100% dans sa nouvelle fonction quelques semaines seulement après son arrivée (il était depuis plus de deux ans chez Natixis Payments en tant que responsable de la performance et de l’expérience client).
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Branded, créée mi-2020 par Pierre Poignant et Alexis Lanternier, deux ex-consultants de McKinsey et du BCG, compte bien s’inscrire dans la course exponentielle de l’e-commerce. Son cœur de métier : agrégateur de marques.
Une petite tech bordelaise devenue grande
Comment cette entreprise française a-t-elle pu se faire une place dans l’univers internationalisé de la tech ? Car Cdiscount a été créée en 1998 à Bordeaux par trois frères, Hervé, Christophe et Nicolas Charle ; et le site ne proposait au départ que la vente de CD et DVD d'occasion en BtoC.
Son actionnariat a changé, déjà. En 2000, l’entreprise devient une filiale du groupe Casino, puis Casino devient l’actionnaire de référence en 2011.
Elle a aussi fait évoluer son périmètre : les produits techniques en 2001, l'électroménager en 2004, le vin en 2007, l'ameublement et la décoration en 2008, les jeux et produits bébés en 2009, une offre de services mobile en 2016, électricité en octobre 2017, les voyages en 2018, et la santé en 2019. L’entreprise girondine a également racheté 1001Pneus, spécialiste de la vente en ligne de pneus, et Stootie, plateforme communautaire spécialisée dans les services à la personne.
« Nous avons été les premiers à faire le choix en 2011 de la marketplace passant ainsi d’un petit e-commerçant BtoC à un acteur référent du e-commerce BtoB. Cette entreprise essaie ainsi d’avoir toujours un coup d’avance, en développant en externe nos propres actifs. C’est le cas également de l’offre de services logistiques C-logistics, l’offre de services en cybersécurité, ou encore tout récemment, Octopia, qui fournit des technologies de marketplace, une solution qui va nous permettre de nous développer en Europe et dans le reste du monde. »
Des services internes de cybersécurité qui avaient d’ailleurs, en début d’année 2021, permis à la gouvernance de Cdiscount de découvrir que le directeur du site de Cestas en Gironde avait potentiellement dérobé 33 millions de données personnelles de clients, proposées à la vente sur le Darknet. L’entreprise a porté plainte et la procédure judiciaire est en cours.
L’atout Made in France
Parmi les arguments moteurs à présent pour poursuivre le développement de l’entreprise : le Made in France et l’international.
« Nous avons trois défis majeurs à relever dans les années à venir : rester pionnier en matière d’écoresponsabilité et accompagner nos clients dans cette voie, développer l’axe BtoB et internationaliser nos activités », avance Jérémy Borot.
La tech au service du développement durable. Certes, l’entreprise peut difficilement contrôler l’écoresponsabilité de ses clients vendeurs. Elle avait fait face en 2019 à une accusation pour avoir hébergé des sacs à dos d'origine chinoise contrefaits, avant que la justice française n’écarte sa responsabilité.
L’entreprise se veut pourtant moteur en matière de durabilité : utilisation de matières et d’encres recyclées, emballeuses 3D réduisant le vide dans les colis et permettant des gains de place dans le transport, déploiement récent d’enveloppes réutilisables (jusqu’à cent fois) avec la start-up Hipli…
Jérémy Borot a une autre grande mission, la définition et la mise en place d’autres filiales « afin de donner un visage externe à nos actifs qui passe aussi par le développement de partenariats et d’accords avec des start-up ».
Pour ce faire, le directeur de la stratégie, du développement BtoB, de la data et de l’innovation va s’appuyer sur une conséquente équipe de cinquante data scientists, « une des plus grosses équipes d’entreprise en France que nous voulons développer encore en interne et en externe », et d’un pool renforcé de six anciens consultants (souvent passés par l’équipe stratégie), dont deux ex consultants en strat’ : Sixte de Romblay, chez Roland Berger entre 2010 et 2015, head of products chez Octopia, et Vincent Walckenaer, chez Oliver Wyman de 2007 à 2011, responsable du catalogue produits, également chez Octopia.
Ils sont arrivés en avril avec l’objectif de porter l’offre de marketplace griffée Cdiscount. Une des priorités de Jérémy Borot.
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