Relancer la consigne de verre : le pari d’une ex Roland Berger

Une aventure - ou plus exactement une co-aventure - Juliette Poiret ayant fondé La Tournée avec Camille Perbost, « bien diplômé » comme elle – Camille l’est de CentraleSupelec (2021), Juliette de Sciences Po (2016).   

Avec une cinquantaine de salariés à date dont une vingtaine de livreurs, un entrepôt à Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne), lieu de stockage également mobilisé pour le tri des contenants et la préparation des commandes, et des bureaux dans le Xe arrondissement de Paris, La Tournée sert 9 000 clients issus de près de 300 communes en Île-de-France et met à leur disposition 800 références distinctes. 

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Les années conseil de Juliette Poiret

Après un stage de fin d’année réalisé au bureau de Shanghai de Roland Berger, la future entrepreneuse a été recrutée au bureau de Paris. On est en 2017, elle y passe 2 ans, suivis d’un an et demi au bureau de Hong Kong à sa demande. « J’avais choisi le conseil pour avoir la possibilité d’évoluer dans plusieurs pays et différentes industries », confie-t-elle à Consultor. 

Des missions menées chez Roland Berger, Juliette Poiret retient « la qualité d’exécution et l’efficacité », ainsi que l’apprentissage « d’une bonne structuration des projets ». Autant d’atouts quand on crée une entreprise. Les compétences analytiques mises en jeu, ou le fait « de découper, de séquencer les problèmes pour pouvoir les résoudre un à un », lui paraissent également déterminants dans son quotidien de CEO de La Tournée.

Quant aux nombreuses restitutions à effectuer dans le cadre du conseil en stratégie, elles offrent un solide point d’appui pour communiquer par la suite – que l’on pense « aux présentations à réaliser auprès des investisseurs ou aux réunions à piloter dans le cadre de son entreprise ». Selon la cofondatrice de La Tournée, on acquiert ainsi « une réelle confiance en soi quand, dans le cadre de missions, on doit effectuer des présentations devant des boards ».

Un projet entrepreneurial né d’une frustration initiale 

Dans le conseil, Juliette Poiret souhaite « mener des projets à impact environnemental », mais il y en a alors très peu. Elle quitte donc Roland Berger et cofonde sa start-up avec Camille Perbost, ingénieur de formation, « très complémentaire au niveau du profil ». Ils partent du constat suivant : « Trop de déchets sont produits sans qu’on réussisse à les recycler, alors même qu’il existe une solution – la consigne – permettant de réutiliser les contenants ». La loi Agec du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, qui prévoit notamment la fin des emballages à usage unique d‘ici 2040, confère toute la légitimité requise à leur initiative. Une étude de marché réalisée par l’ancienne consultante montre que « des modèles similaires fonctionnent très bien ailleurs en Europe ». 

Tous deux se lancent donc en mode test, stockant des boissons consignées achetées chez le grossiste Metro dans un garde-meubles dans les Yvelines. Ils réalisent eux-mêmes leurs tournées de livraison et se rendent tous les week-ends sur les marchés « pour trouver [leurs] premiers clients ». Le bouche-à-oreille fonctionne, la possibilité pour les consommateurs de rendre leurs contenants à un livreur, sans avoir de démarche particulière à faire, constituant un plus.

Financée en fonds propres au départ, La Tournée réalise une première levée de fonds de 2 millions d’euros en 2022 – auprès de Frst, un fonds de Venture Capital classique – ce qui lui permet de recruter une équipe de livreurs, marketeurs, développeurs (tous les outils tech étant créés en interne), et l’équipe qui s’occupe des assortiments. La start-up peut aussi ouvrir un « vrai » entrepôt. Juliette Poiret et Camille Perbost prennent soin de proposer « tous les essentiels », car les clients n’ont pas envie de commander leurs boissons sur un premier site, leurs produits frais sur un second, etc.  

Une seconde levée de fonds a lieu en 2023, 5 millions d’euros auprès de Swen Blue Ocean, un fonds à impact, avec une petite partie en financement participatif via des clients de La Tournée.

Si la start-up compte « atteindre la rentabilité dans les mois qui viennent pour son entrepôt en Île-de-France », son ambition finale est de fonctionner comme un supermarché en se faisant livrer des produits dans des contenants consignés. Comme de nombreuses marques n’ont pas encore adopté ce modèle, La Tournée réceptionne des produits en vrac et « fait conditionner, puis laver les contenants réutilisables ». D’où les partenariats noués avec deux partenaires de lavage et deux partenaires de conditionnement, à ce stade.

La Tournée dispose par ailleurs de sa propre marque et propose des produits frais (yaourts, crème, lait frais…) et des produits secs sucrés-salés (gâteaux, pâtes, riz…). Une offre moins chère que les produits vendus dans les magasins bio, accessible au prix des supermarchés classiques et qui permet à la start-up de réaliser une marge supérieure. Sachant que le modèle développé en Île-de-France a vocation à être répliqué dans d’autres grandes villes.