« Hard work », méthodo et réseau : les années Bain du CEO de Kiloutou
Pour Olivier Colleau, le président du groupe de location de matériel Kiloutou, les années conseil chez Bain à la sortie de HEC ne devaient durer qu’un temps, quelques années tout au plus. Ce démarrage de carrière durera finalement une décennie. Ce dont le dirigeant perçoit jusqu’à aujourd’hui encore les bénéfices, dans ses méthodes de travail et l’étendue de son réseau. Moins dans le sens du management qu’il a plutôt acquis a posteriori, notant une forme d’entrisme propre à l’élitisme du conseil en stratégie.
Petit, Olivier Colleau s’imaginait devenir marin-pêcheur, plongeur ou… journaliste ! Finalement, le Breton est aujourd’hui président exécutif du groupe Kiloutou, acteur majeur de la location de matériels de bricolage, de jardinage, de chantiers et de travaux publics. Entre ces deux moments de vie, beaucoup de chemin parcouru… et de conseil en stratégie.
Sorti de HEC en 1993, Olivier Colleau enchaîne avec son service militaire puis intègre Bain & Co en 1995. « J’ai choisi à l’époque le conseil en stratégie pour la diversité des challenges », confie-t-il aujourd’hui. Il reconnaît aussi qu’il était plaisant d’être « encore dans un apprentissage après l’école de commerce », mais qu’il ne savait pas combien de temps il allait y rester.
Finalement, ce sera dix ans ! Il apprécie la philosophie du « Work Hard, Play Hard » appliquée en interne comme dans tout le secteur. « On bosse comme des mules, en semaine, le soir, le week-end, mais il y a une ambiance vraiment top. »
L'usure de ne pas agir
Le natif du Finistère enchaîne des missions très diverses durant cette période avec toutefois un tropisme pour les practices « distribution et service ». Une mission le marque particulièrement : une immersion de près de douze mois pour la restructuration d’un acteur majeur de la location de voiture. Il s’y implique à fond et apprécie « l’impact concret » de son action. La mission terminée, le consultant doit toutefois repartir… Une vraie déception. Il vit alors « un petit blues, une petite déprime » et s’interroge : « Est-ce que j’ai envie de faire du conseil toute la vie ? » Finalement, la réponse est dans la question.
Il réfléchit à ses passions et ses envies, cible les entreprises qui correspondent à ses attentes et intérêts : y figurent Ubisoft, Lafuma, mais aussi les constructeurs de bateaux Beneteau et Zodiac. Il termine finalement chez ce dernier dans la division marine. Il y passera trois ans au business et au développement.
Puis une chasseuse de têtes vient le voir. Son profil ne correspond pas parfaitement aux cahiers des charges, mais elle veut tenter le coup. Lui aussi. À ce moment-là, Zodiac se restructure, l’ambiance s’alourdit face à la crise. Les entretiens sont concluants. Il plie bagage.
Olivier Colleau devient en 2009 le directeur stratégie et développement du groupe Kiloutou fondé en 1980 par Franky Mulliez de la famille nordiste Mulliez qui détient Auchan. Il gravit ensuite les échelons et connaît une belle ascension : directeur des opérations (2011), directeur général France (2015), directeur général groupe (2016) puis président en 2018.
Le défi du « vrai » management
Au fond, que retient celui qui fête ses 50 ans cette année de son expérience chez Bain & Co qui lui est utile dans son travail quotidien ? « Ce que je garderai c’est cette capacité de travail ou d’organiser son travail, de se dire qu’il faut être capable de fixer des priorités et de les définir très vite. »
Il retient aussi une méthode utilisée au sein du cabinet, celle du « answer first », c’est-à-dire fonctionner à l’intuition. Et quid des découvertes en arrivant au sein de ce grand groupe ? « Il y a quelque chose que l’on ne connaît pas quand on est consultant, c’est le management », explique-t-il. Le Finistérien souligne que l’on peut pratiquer le management en cabinet, mais auprès de personnes qui viennent de mêmes profils avec des ambitions et des fonctionnements globalement identiques. En arrivant en revanche dans une entreprise en tant que dirigeant, « on découvre une très grande diversité de personnes qui ont toutes des talents, mais qui ne sont pas forcément les vôtres ».
Aujourd’hui, le groupe de 6 000 salariés compte parmi ses challenges une ouverture à l’étranger plus importante pour augmenter ses revenus – une démarche débutée en 2013 et qui se traduit par une présence en Allemagne, Pologne, Italie et Espagne.
« Notre défi est d’internationaliser notre boîte qui est française dans un métier de service où les choses se font localement », explique-t-il. L’entreprise se porte bien avec un chiffre d’affaires en 2019 de 585 millions d’euros contre 440 millions en 2015 grâce notamment à de la croissance externe. Peut-être aussi la parité au niveau exécutif en découvrant que le comité de surveillance comprend neuf membres, tous masculins (par comparaison certains cabinets de conseil en stratégie sont plus exemplaires, relire notre article).
« Les copains de Bain » et l’avenir dans le conseil
Olivier Colleau maintient des liens professionnels avec Bain dans le cadre de ses activités professionnelles, mais aussi avec « quatre à cinq copains » dans sa vie privée. Il apprécie aussi les rencontres organisées deux fois par an par le très riche réseau des alumni du géant du conseil. On en profite pour savoir si ce père de trois enfants et passionné de voyages pourrait revenir au monde du conseil à l’avenir à un poste de senior advisor par exemple. La réponse est sans ambages : « Pourquoi pas ! »
Pierre-Anthony Canovas pour Consultor.fr
Crédit : Adobe Stock.
Un tuyau intéressant à partager ?
Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !
commentaire (0)
Soyez le premier à réagir à cette information
L'après-conseil
- 06/12/24
Celles et ceux qui l’ont croisée durant ses années Roland Berger ont pu apprécier sa capacité à faire parler les données stratégiques. Désormais installée en Norvège, Cécile Moroni a choisi le stand-up pour exprimer une autre facette d’elle-même – et s’amuser des différences culturelles.
- 19/11/24
Cela faisait 24 ans que Philippe Peters naviguait au gré des vents favorables sur les mers internationales du conseil en stratégie, et ce, au sein de quatre firmes, Bain, BCG, EY, McKinsey, en Europe et en Asie. Transitoirement consultant indépendant, le partner ès Énergie et Industrie consacre son temps libre à une autre passion, comme bénévole cette fois : il dirige le club de volleyeuses « Les Mariannes 92 » de Levallois Paris Saint-Cloud, menacé de disparition en 2019, qu’il a sauvé en investissant sur ses deniers personnels, et dont l’équipe est championne de France 2024 de Ligue A féminine, l’élite du volley-ball féminin professionnel. Parcours atypique d’un consultant sportif qui sait saisir les opportunités au bond.
- 06/08/24
Guillaume Blondon, l’un des cofondateurs de Mawenzi Partners en 2010, a mis fin à son métier de consultant et d’associé de cabinet de conseil en stratégie.
- 16/05/24
Paul Gobilliard, jeune consultant d’EY-Parthenon de 27 ans, a récemment démissionné pour se lancer avec son frère Baptiste dans un projet ambitieux de restauration qu’ils ont concocté depuis début 2024.
- 26/03/24
Une trentaine d’années au compteur de McKinsey. Alors senior partner, Arnaud de Bertier change de voie il y a 5 ans. Et il n’opte pas, en fin de carrière, pour la facilité. C’est un doux euphémisme. Sa destinée : prof de maths de collège en zone d’éducation prioritaire. Rencontre avec un homme réfléchi qui dit avoir trouvé sa – nouvelle – place.
- 16/02/24
Le départ précoce d’une consultante junior chez Bain qui quitte le cabinet pour embrasser sa passion pour les tatouages.
- 19/12/23
Les changements de cap peuvent être pour le moins radicaux. Certains consultants ou ex-consultants décident de quitter les salons dorés du conseil pour se consacrer aux grandes causes humanitaires et philanthropiques. Portraits de trois d’entre eux : Daphné Maurel, Alban du Rostu, deux alumnis de McKinsey, et Bahia El Oddi, une ancienne de Bain, pour qui il était devenu temps d’aligner les planètes de leurs valeurs profondes avec leur carrière pro.
- 17/11/23
La restauration chez Jean-Stéphane de Saulieu, c’est un truc qui vient de loin, de sa famille auvergnate, et un avec lequel on ne rigole pas. Voilà un an, l’ancien associate partner de Bain a tiré un trait sur 10 ans de carrière dans le conseil pour un virage pro à 180 degrés. Il est, depuis le début de l’année, le gérant d’une pizzeria haut de gamme aux Batignolles à Paris. Un modèle qu’il compte vite répliquer. Il explique à Consultor les raisons de cette mini-révolution professionnelle – dans laquelle le background conseil sert à tout… et à rien à la fois !
- 09/10/23
Avencore, le cabinet de conseil en stratégie spécialiste de l’industrie, est le partenaire unique de la Soirée Ginette Alumni, une réunion de tous les anciens du prestigieux lycée privé Sainte-Geneviève – une première du genre.