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Tee-shirts, sneakers, jeans, pochettes : les codes du nouveau chic

Depuis quelques années, les consultants ont adopté un style vestimentaire plus détendu sous l’impulsion notamment de la génération des millenials. La crise du covid-19 et le confinement forcé ont confirmé la tendance.

Et définitivement laissé sur le carreau un accessoire : la cravate !

Pierre-Anthony Canovas
26 Aoû. 2020 à 05:13
Tee-shirts, sneakers, jeans, pochettes : les codes du nouveau chic

Dans son célèbre ouvrage La mise en scène de la vie quotidienne publié outre-Atlantique en 1959 et dont le premier tome est consacré à La Présentation de soi, le sociologue américain Erving Goffman file la métaphore théâtrale. Pour lui, le monde est une pièce de théâtre : l’individu y est en représentation et joue un rôle dans un espace donné. Une référence à laquelle pense immédiatement un consultant trentenaire que l’on interroge au sujet du look vestimentaire dans le milieu du conseil. « L’enjeu, c’est la présentation de soi au client », confie-t-il évoquant la nécessaire « adaptation du style à son interlocuteur et à son domaine d’activité ».

Une mise en scène de soi qui n’a plus eu lieu d’être du fait du covid-19 et du confinement de près de deux mois dans l’Hexagone.« Là, nous ne sommes plus sur scène face au client, nous sommes en coulisses avec lui », rigole le même consultant évoquant les « réunions zooms » où le consultant et le client sont tous deux en tenue décontractée et font entrer – un peu malgré eux – l’autre dans l’intimité de leur domicile.

Ce relâchement lié au covid-19 n’est qu’une conséquence d’une tendance toutefois en marche depuis quelques années déjà. En cause notamment l’influence des jeunes générations, les fameux millenials, qui sont légion dans le secteur, la moyenne d’âge d’un consultant étant de 29 ans. « Avant, il y avait un effet jeune génération qui tentait au quotidien le casual friday. Le covid a vraiment amplifié le phénomène », poursuit le consultant.

Acheter moins mais acheter mieux

Un constat que partage Éléonore Baudry, la patronne de la maison Figaret Paris, spécialisée dans la chemise. « Le friday wear est un peu devenu l’everyday wear », souligne-t-elle malgré le formalisme du secteur. Pour la dirigeante, qui débuta sa carrière en tant que consultante au sein du cabinet américain Kearney, les consultants sont aujourd’hui à la recherche d’une nouvelle élégance. Acheter quelque chose, c’est désormais comme un engagement citoyen.

Une désaffection pour les costumes qui se traduit dans les chiffres : d’après les données d’une étude de l’institut Kantar publiée fin 2019, les ventes de costumes pour hommes ont chuté de près de 60 % en une décennie dans l’Hexagone ! On achète aujourd’hui 1,3 million de costumes chaque année contre 3 millions en 2011. « Il y a une appétence désormais pour le grand soir. On veut mieux acheter », poursuit la patronne, ancienne de Gucci et Sarenza, qui cite des styles de cols de chemises ou des matières de plus en plus appréciées par les consultants.

« Américanisation du style vestimentaire »

Pour Éléonore Baudry, la tendance d’un certain relâchement vestimentaire touche aussi certains patrons.

Ainsi de cette présentation de Sébastien Bazin en 2014 : pieds nus, en tee-shirt et jean devant près de 200 banquiers et investisseurs, celui qui avait pris quelques mois plus tôt ses fonctions de PDG d’Accor annonçait alors un plan de transformation numérique de l’entreprise. L’image était restée.

« Il n’y a plus que les politiques qui portent des costumes tout le temps », ironise Matthieu Courtecuisse, patron-fondateur de Sia Partners et président du Syntec Conseil qui fédère 250 entreprises membres dans l’Hexagone.

Lui aussi estime que « la visioconférence a fortement détendu le style vestimentaire ». Outre le déclin du costume, un accessoire autrefois iconique fait aussi les frais de la situation : la cravate ! « Elle a pris un sérieux coup », estime Matthieu Courtecuisse.

Même son de cloche pour Éléonore Baudry qui prédit « des heures difficiles », mais relève l’intérêt pour des boutons originaux de manchettes ou des pochettes. Selon les chiffres de Kantar, les ventes de cravates sont tombées à 1,4 million contre 3,2 millions en 2012.

S’il souligne l’incertitude du moment, Matthieu Courtecuisse relève aussi que le relâchement vestimentaire qui s’opère depuis quelques années s’explique par la concurrence grandissante des start-up pour les jeunes diplômés. Les codes vestimentaires y sont extrêmement flexibles.

En d’autres termes, « le chic va rester, mais les codes du chic évoluent », dit-il évoquant l’usage courant de belles sneakers avec un jean élégant. Plus largement, ce qui se joue d’après lui est en fait « une américanisation du style vestimentaire ». Et le dirigeant de raconter cette anecdote lorsqu’il a voulu faire uniformiser les profils de ses équipes réparties à l’international sur un trombinoscope. Seuls les Américains de la côte ouest ne voulaient pas mettre une chemise…

Le spectre de restructurations à venir

Pour autant, Matthieu Courtecuisse nuance au regard de la crise actuelle. Si la crise du covid-19 a plongé le monde du conseil dans une avalanche de réunions virtuelles, l’avenir pourrait être synonyme de restructurations dans de nombreuses entreprises. Dans ce contexte-là, les consultants devront retrouver un look vestimentaire plus formel… au moment d’accompagner ces mauvaises nouvelles.

Pierre-Anthony Canovas pour Consultor.fr

Pierre-Anthony Canovas
26 Aoû. 2020 à 05:13
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codes vestimentaires, cravate, costume, Erving Goffman, Eléonore Baudry, Kearney, Sébastien Bazin, Matthieu Courtecuisse, dress code, costume
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