Codes vestimentaires : aux chiottes les tailleurs, les trois pièces et les cravates !
Les consultants, comme les avocats et les banquiers, sont les derniers de la classe à faire leur révolution vestimentaire au travail plusieurs décennies après que les t-shirts et les casual Fridays sont devenus la norme dans la Silicon Valley.
Attention cependant à bien saisir les nouveaux codes et à éviter les faux pas. Le consultant est un caméléon et s’adapte aux us et coutumes de ses clients. Ce qui l’oblige parfois à jouer le tyrannosaure du costume trois pièces.
Voilà dix ans, sur les salons des grandes écoles supérieures où les cabinets de conseil en stratégie viennent traditionnellement recruter leurs étudiants, le conseil n’avait pas la réputation d’être le plus fun des secteurs où travailler, particulièrement du fait de la tenue qu’on était obligé d’y porter : « les étudiants disaient tous que les consultants, c’est pingouins devant, poignards dans le dos », comme souffle un ancien de McKinsey Paris.
Des costards sur mesure chez l'ancien costumer de l'Opéra de Vienne
La donne a un peu changé, mais pas radicalement non plus. Car comme dit un associé parisien d’un cabinet de la place « lorsque l’on ambitionne de travailler dans la prestation de services intellectuels, vous vous devez de venir chez les clients en faisant très attention au style ».
Le style, dans son cas, ce sont en premier lieu les costumes de qualité. « Trouver un vrai beau costard : c’est une galère ». Lui se rabat sur l’ancien costumier de l’opéra de Vienne et de Charles Aznavour dont il ne dira ni le nom, ni les prix, de peur qu’on lui pique.
Et de manière générale, le secteur brille par un fond de classicisme vestimentaire qui n’évolue qu’à petits pas : chemises bleues-ciel ou blanches, chaussures noires qui dans l’idéal ont l’air neuves, costumes gris et bleus marine.
Des interdits tacites qu’il est malvenu de ne pas connaître
Avec des interdits tacites qu’il est malvenu de ne pas connaître : boutons aux cols des chemises, chaussures marrons avec le costard bleu, chemises aux couleurs exotiques et flashy, chemisettes – même en cas de violente canicule.
Et des petites coquetteries aussi : comme ces initiales que certains associés laissent entrevoir à la poitrine ou à la hanche. Un comble de chic (et de vanité) discutable ! Une quête de l’élégance qui peut même aller – quoique très rarement – jusqu’aux bonnes adresses qu’on se refile entre initiés, tel ce vendeur du Palais royal où, fut un temps, il était de bon ton d’aller faire ses chemises.
Brioni, Hugo Boss ou Jonas, à des niveaux de prix et de qualité différents, sont des marques récurrentes dans le secteur.
« On ne va plus à un rendez-vous chez un fonds avec une cravate »
Voilà pour le côté face. Côté pile, les choses bougent. Roland Berger est un bon exemple des évolutions à l’œuvre, sous des dehors inflexibles. Inflexible au point de faire figurer une mention explicite dans les contrats stipulant qu’une tenue correcte est attendue des consultants.
Et, en même temps, comme dit Ambroise Lecat, associé du cabinet à Paris, « on ne va plus à un rendez-vous chez un fonds avec une cravate. Ou de façon exceptionnelle chez des industriels qui la porteraient tous ou quand on pitch devant le top 10 d’une boîte du CAC 40 ».
Mort de la cravate aussi pour Caroline Mannucci-Strauss, HR Manager chez Simon-Kucher : « Quand j’ai commencé dans le conseil, c’était business attires pour tous et tous les jours de la semaine : tailleurs pour les femmes, costumes pour les hommes. Les choses se sont assouplies depuis. Pour les femmes, il est tout à fait accepté de venir en robe, en jupe, en pantalons et chemises, ou en vestes. Et pour les hommes, le vendredi, des pantalons de toile et des baskets sobres s'ils sont bien choisis ne posent aucun problème, quand quelques années en arrière les chaussures de ville étaient la norme ».
Quand on pouvait se faire renvoyer chez soi pour une tenue jugée trop décontracté
Un certain bougé est à l’œuvre : ainsi cette anecdote chez Bain dont on se souvient peu avant 2010, où un partner renvoie chez lui se changer un consultant qui était venu au bureau en Levi’s 501 clair et chemise.
Ce serait sans doute inimaginable aujourd’hui. Mais des lignes rouges restent claires. Casual oui, trop décontracté non : pantalon dégueu, chemise sortie du pantalon et barbe sale de plus de trois jours restent des interdits, même au bureau.
« Il faut distinguer le client et le bureau. Au bureau, pour des journées de desk research, de calls avec des experts, de formalisation de propositions commerciales, on est plus relax. Chez les clients, deux règles restent de mise : élégance et adaptation », détaille Jean-Marc Liduena, senior partner chez Monitor Deloitte.
Charge à chacun de jongler au mieux avec les côtés scène et coulisse quitte à avoir du peu de rechange avec soi. « Un consultant doit être à même de pouvoir partir en rendez-vous client, même de façon imprévue. Si vous avez des baskets au pied, prévoyez dans votre bureau une paire de chaussures adaptée », dit Caroline Mannucci-Strauss.
Chez le client, le principe est toujours « un cran au-dessus »
Chez le client, le principe est toujours « un cran au-dessus : s’il est casual, vous venez en casual chic ; s’il est casual chic, vous venez en business attire », détaille Jean-Marc Liduena. La nuance vestimentaire devient un quasi préliminaire au niveau de services qu’un consultant en stratégie promet.
« Le rôle d'un consultant est également un rôle d'ambassadeur, il représente le cabinet pour lequel il travaille », rappelle Caroline Mannucci-Strauss. « Ce qui impose de se faire une idée claire du code vestimentaire dominant chez le client, poursuit Marc Liduena. Par exemple, chez Danone, on optera pour du casual type pantalon sombre et un pull à l’image de leur CEO ; il faudra être plus formel chez Saint-Gobain du fait d’une pyramide des âges plus senior donc plus traditionnelle ».
Le pire est de commettre un faux pas et de se pointer dans une réunion client en complet décalage vis-à-vis des clients : endimanchés auprès d’une start-up ou détendus dans un fonds d’investissement.
Cravate Hermès pour les traditionnalistes, baskets pour les millennials
« Le consultant en stratégie est un caméléon qui se met au diapason de l’économie », résume Ambroise Lecat chez Roland Berger. Avec un panel de styles qui se déclinent en interne en fonction des âges de chacun : pour les plus anciens, un chic plus guindé et classique, à coup de cravates Hermès qu’il pleuve ou qu’il vente. Pour les plus millennials, les consultants âgés de 18 à 35 ans grosso modo, à la culture plus geek et au souci plus prononcé du bien-être au travail, on verra plus volontiers des vestes, des baskets, des jeans foncés, des bottines ou des pulls.
Un contraste encore plus frappant quand les deux générations sont mises côté à côté dans les mêmes locaux, comme chez PMP où les hoodies des codeurs fraîchement diplômés de l’École 42 détonnent.
Le panel de styles varie ensuite du tout au tout d’un pays à l’autre : les Latins se laisseront plus de libertés que, par exemple, les Allemands, qui restent plus majoritairement sur des codes vestimentaires traditionnels comme une récente photo de rentrée des classes chez Simon-Kucher en atteste. Qui tranche drôlement avec une récente vidéo promotionnelle où le style des consultants SKP se veut iconoclaste.
Commentaire de Caroline Mannucci-Strauss : « Il s’agit d’une photo officielle du séminaire d’intégration survenant dans les semaines suivants votre arrivée. Vous arriveriez en jean / basket vous pour une telle photo ? » C'est dire si la libéralisation des codes vestimentaires dans le conseil a des limites.
Chic du chic, et dernier élément de différenciation : les accessoires ! La cravate, à la rigueur, si elle est fine et étroite, la pochette, la ceinture, le sac à main, la montre… Tout est bon pour envoyer un message – celui d’un statut premium, d’un métier rémunérateur – et de rentrer dans une certaine séduction. Là, comme ailleurs, le tout est de le faire avec goût.
Benjamin Polle pour Consultor.fr
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