Robin Rivaton, cet « anti-Zemmour » passé par la case conseil
Il est l’une des figures de proue de la jeune génération de l’intelligentsia libérale — même s’il n’aime pas ce qualificatif ! — qui s’impose sur la scène publique.
À 32 ans, Robin Rivaton a d’ores et déjà un parcours professionnel riche et diversifié, de la politique à l’entrepreneuriat, en passant par l’écriture et le conseil, un métier qui l’a séduit très tôt. Son crédo : l’innovation. Son secteur de prédilection : l’immobilier.
En une dizaine d’années seulement, Robin Rivaton a déjà un CV bien rempli, ayant travaillé auprès de grands groupes et de grands noms de la sphère économico-politique : « plume » du PDG d’Aéroports de Paris (ADP), Augustin de Romanet, puis secrétaire exécutif du groupe, conseiller chargé de l’attractivité et du développement économique au sein du cabinet de Valérie Pécresse à la région Île-de-France, nommé à la direction générale du catalyseur d’affaires et d’innovation Paris région entreprises, missionné par le ministre du Logement et de la Ville Julien Denormandie sur les questions de la transformation numérique de la construction et de l'immobilier, conseiller politique de Bruno Lemaire lors des primaires de la droite, administrateur du conseil d’administration de Sogeprom et du groupe Manuloc…
Jeune loup polymorphe
Parallèlement, il collabore à des think-tanks libéraux comme la Fondation pour l’innovation politique de Dominique Reynié, ou l’Institut de l’entreprise… Son langage bien rôdé, il l’a sans nul doute aussi acquis lors de son passage d’un an au Boston Consulting Group au sortir de ses études à Science Po et l’ESCP, une première expérience professionnelle qui l’a formaté.
« La première des qualités est le raisonnement analytique et la capacité à décomposer des problèmes complexes en des éléments compréhensibles par tous. Mais très vite, je place la curiosité et même une certaine forme d’empathie. Pour comprendre les spécificités d’un métier, d’un secteur, d’une division, d’une personne, il faut s’intéresser à elle, à ce qu’elle ressent, la façon dont elle voit ce problème. Il est très facile d’avoir des biais de perception sur lesquels des recommandations parfaitement sensées peuvent se fracasser. »
Le jeune loup polymorphe a ainsi déjà conquis sa place parmi la nouvelle élite intellectuelle française, élu Young leader du franco-british Council et a trouvé sa place dans le classement des cent leaders économiques de demain de l’Institut Choiseul.
L’autre voix du libéralisme
Celui qui se qualifie d’entrepreneur et essayiste « sur son temps libre », auteur de neuf ouvrages sur l’économie, l’immobilier et la nation, chroniqueur dans plusieurs quotidiens et magazines, à la radio et à la télévision, souhaite sans nul doute marquer de son empreinte l’évolution de notre pays et porter sa voix auprès du plus grand nombre.
Robin Rivaton se déclare sans ambages comme un intellectuel « lib-réaliste », plutôt que libéral, une étiquette qu’il estime dépassée et réductrice. « Lib-réalisme », un terme qu’il a inventé pour tenter une trouver une nouvelle voie libérale capable où l’État a tout son rôle à jouer dans un monde ultra-concurrentiel.
Son modèle : celui de l'ancien Premier ministre britannique David Cameron, et son projet de Big Society, censé redonner le pouvoir aux citoyens. Un sens de la pédagogie qui lui semble faire défaut en France, sauf chez deux « libéraux » : Bruno Le Maire et Emmanuel Macron…
« Il faut un homme politique qui explique vraiment le sens et l’utilité des réformes. Je ne suis pas un libéral dogmatique. J’ai, par mon parcours, un goût prononcé pour l’effort et le mérite. Mais je connais la puissance du déterminisme social. C’est dans cette dualité que repose mon envie de chasser les rentes et d’offrir une stricte égalité de chances. »
Le jeune intellectuel ambitieux est ainsi depuis quelques années sur tous les fronts, très à l’aise dans l’art oratoire, les plateaux de télévision et les interviews. Il affiche cette assurance si spécifique de la nouvelle élite française. Il peut agacer, parfois même paraître condescendant face à un auditoire qui n’appartient pas à ce cercle très fermé de la nouvelle génération de penseurs qui ne doutent ni de leurs compétences ni de leurs qualités.
Certain qu’il peut apporter sa pierre à l’édifice dans la transformation du pays, il a créé en 2018 une structure innovante d’un genre nouveau, Real Estech Europe, une association de loi 1901 qui fédère et promeut l’ensemble des acteurs de l’innovation dans le secteur immobilier.
« Elle est née de la conviction que le secteur de l’immobilier est trop longtemps resté immobile. Mon activité principale est d’être un investisseur, expert sur un champ particulier : les entreprises innovantes de l’immobilier et de la construction. J’essaye de décrypter les évolutions de ce secteur pour en tirer des propositions d’investissement pertinentes. Nous faisons également des partenariats avec certains cabinets de conseil pour produire des contenus de référence. » Les dés de ses ambitions sont jetés.
« Mes racines plongent dans le monde ouvrier »
Mais d’où vient cet intellectuel-entrepreneur surdoué ? Il est né et a grandi à Firminy, ancienne cité sidérurgique dans la banlieue de Saint-Etienne, là où sa famille est établie depuis de nombreuses générations. « Mes racines plongent dans le monde ouvrier. » Il décroche un bac scientifique, mention bien, au lycée Albert Camus, lycée public de la ville.
Très tôt intéressé par la chose publique, il entre à l’IEP de Grenoble où il a passé trois ans dans la filière « service public », et obtient parallèlement une licence d’économie. « Après des stages en préfecture et en banque, je me suis rendu compte que la vie des entreprises m’intéressait. J’ai alors passé les concours d’entrée en master de Sciences Po Paris — que je n’avais pas osé passer après le bac par autocensure — et d’admission directe d’HEC-ESCP. Ayant réussi l’entrée à Sciences Po et l’ESCP, j’ai choisi de suivre les deux cursus, l’un en finance, l’autre en droit des marchés. »
Il est également très vite happé par le débat d’idées et l’engagement en écrivant sa première tribune à 23 ans. « Puis ce fut des tribunes, une note puis des notes, un livre puis des livres. Je trouve que les secteurs privés et publics sont trop cloisonnés et que cet écart est dangereux pour la cohésion de la société. J’ai été très frappé et déçu de constater dans plusieurs environnements professionnels une indifférence pour la chose publique. »
L'entrée au BCG
Diplômé d'un master sciences éco à Sciences po et un d'un master grande école en management ESCP Europe, il creuse le filon des entreprises et du secteur privé. Il rejoint le Boston Consulting Group en 2012 où il reste un an. « J’ai successivement travaillé pour une société de recherche actions, un cabinet d’avocat en fusions-acquisitions et une banque d’affaires avec une possibilité de décrocher un premier poste à Londres. Souhaitant rester à Paris et convaincu de la grande diversité des missions de ce métier, j’ai postulé dans trois cabinets de conseil en stratégie, McKinsey, BCG et Bain. Après les trois tours d'entretiens de recrutement habituels, le BCG m’a fait une offre comme associate consultant que j’ai acceptée. »
Après avoir travaillé sur une proposition commerciale pour le secteur de la mode, il réalise une mission dans le secteur pharmaceutique pour laquelle il accompagne quatre jours des représentants médicaux dans les hôpitaux. « Une expérience passionnante et humainement forte. » Robin Rivaton n’a effectué au BCG durant cette année aucune mission en rapport au secteur public. Il a cependant une vision assez claire du rôle spécifique et nécessaire que devrait avoir le service public.
« Il n’y a pas de liens entre ma vie de consultant et mes engagements politiques. J’en avais avant d’entrer au BCG, j’ai ainsi dirigé une campagne législative, je les ai poursuivis après. J’ai milité pour introduire plus de rationalité et de méthodologie dans les campagnes politiques, entre autres, dans un essai en 2016, Aux actes dirigeants ! Un Etat ou une collectivité locale ne sont pas des organisations privées et obéissent à des règles propres, mais certains principes inhérents aux phases de changement pourraient être mieux partagés, exemplarité, alignement d’intérêts, créativité, pédagogie. Ayant restructuré un organisme public, j’ai pu confronter ces analyses à la réalité, puisant dans mon expérience passée. »
Le choix de l’engagement direct
Après cette expérience de conseil, les choses se sont enchaînées très vite… Une première opportunité professionnelle qui lance sa carrière à la fois politique, intellectuelle et entrepreneuriale… « J’ai eu la chance de rencontrer Augustin de Romanet moins d’un an avant mon entrée au BCG. Un ami commun lui avait fait parvenir mes écrits. Il les a trouvés intéressants et nous avons échangé. Il cherchait une plume. Sous sa direction, le groupe Aéroports de Paris débutait alors une transformation profonde. Je n’ai pas hésité. J’ai d’ailleurs eu le plaisir de recroiser les équipes du BCG au cours de mon expérience chez ADP. »
Il entre ensuite dans la sphère politique via le cabinet de Valérie Pécresse à la région Ile-de-France, avant le ministère du logement et de la ville de Julien Denormandie sur son sujet de prédilection, la transformation numérique de la construction et de l'immobilier, avant de s’engager auprès de l’une de ses références en politique, Bruno Lemaire, à l’occasion des primaires de la droite.
Avec ce parcours fulgurant, d’aucuns lui reprochent son opportunisme. Ce à quoi il rétorque « opportunités ». « Jusqu’à très récemment j’avais effectivement plutôt saisi les opportunités qui m’ont été offertes. Il y a deux ans, j’ai créé ma structure indépendante (Real Estech) que je dirige à temps plein depuis six mois. Pour cela j’ai fait des choix. J’ai décidé de choisir un secteur de prédilection, exercice difficile pour un ancien consultant qui trouvait un réel plaisir dans la diversité des univers. Je suis particulièrement heureux dans le secteur de l’immobilier qui mêle des considérations macro-économiques avec des enjeux très sensibles à l’échelle des individus pour lesquels le logement ou l’environnement de travail déterminent largement la qualité de vie. Dans cet exercice entrepreneurial, l’expérience de consultant aide à formaliser et à décider plus rationnellement mais l’entrepreneuriat fait appel à des caractéristiques bien distinctes », conclut l’intéressé dans son langage là encore bien rôdé…
« Robin Rivaton, c’est l’anti-Zemmour », avait lancé Alain Juppé, après avoir lu son livre optimiste La France est prête paru en 2014. Flatté, l’intéressé avait alors répondu : « Les nouveaux réactionnaires se nourrissent de la peur. Nous, les nouveaux libéraux, on se nourrit de l’espoir. »
Barbara Merle pour Consultor.fr
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