Hachette : la directrice se livre
« Être à l’école, après l’école » : voilà le souvenir que garde Stéphanie Ferran de ses années conseil, dont huit chez Kearney, avant de gravir les échelons chez Coca-Cola. Depuis fin 2017, Stéphanie Ferran fait coïncider sa passion pour la littérature avec son métier de general manager en charge du développement commercial de Hachette Livre.
Hachette Livre, c’est Grasset, Fayard, Larousse, Le Livre de poche… Bref, un poids lourd de l’édition dont les recettes se sont élevées à plus de 2,3 milliards d’euros en 2020. Mais au-delà des chiffres, il y a l’univers. C’est justement ce qui a séduit Stéphanie Ferran, férue de littérature depuis toujours. D’ailleurs, avant d’intégrer Sciences Po Paris puis HEC, dont elle est sortie diplômée en 2001, la Narbonnaise est passée par une prépa littéraire hypokhâgne-khâgne. « J’ai eu l’immense chance de faire se rejoindre ma passion personnelle pour le livre et mon métier », se réjouit-elle.
Depuis novembre 2017, cette grande lectrice est en charge du développement commercial du groupe Hachette Livre, et est membre du comité exécutif France et international. « Je m’occupe de tous les marchés francophones, à savoir la France, le Canada, la Belgique et la Suisse. Cela représente un chiffre d’affaires d’environ 500 millions d’euros », précise-t-elle.
Avant cela, Stéphanie Ferran a passé huit années chez Coca-Cola France, occupant différents postes. Une première expérience dans l’industrie qui l’a profondément – et positivement – marquée, et l’a définitivement aidée à tourner la page du conseil, ce chapitre de sa vie qui aura duré dix ans.
Débuts chez Arthur Andersen puis Kearney
Un chapitre, certes, mais qui a compté. Pendant ses études, Stéphanie Ferran ne savait pas vraiment vers quelle branche s’orienter. « La question "qu’aimerais-tu faire plus tard ?" m’a toujours tétanisée, confie-t-elle. Je n’ai jamais su quoi répondre et je crois que le conseil m’a permis d’éviter ce déterminisme qui fait que, quand on sort d’une école de commerce ou de Sciences Po, on a l’impression qu’il faut choisir. Or, je n’avais pas envie de m’enfermer toute ma vie dans une filière marketing, finance ou autres. »
Avant la fin de son cursus à HEC, Stéphanie Ferran a effectué un premier stage dans le conseil, chez Arthur Andersen (devenu BearingPoint), puis chez Kearney. « Tout de suite, j’ai adoré la culture et l’état d’esprit de ce cabinet, certes moins gros que d’autres, mais aussi probablement moins processé. »
En six mois, Kearney la positionne sur trois missions dans des secteurs complètement différents : la grande distribution, l’aéronautique et l’immobilier. « À chaque fois, je plongeais à la découverte d’une nouvelle activité et j’apprenais énormément. Les missions étaient courtes, mais j’avais l’impression de bénéficier d’un apprentissage accéléré… C’était un peu comme d’être à l’école, après l’école ! »
Univers méritocratique et masculin
Une impression qui a perduré durant les huit ans (2003-2010) passés en tant que senior manager chez Kearney, qui l’a recrutée après une année chez PwC. « Je travaillais sur des missions qui suivaient les cycles économiques. Pour résumer, en période de crise je gérais beaucoup de restructurations, de stratégies de réduction des coûts et d’amélioration de cash, et en période haute, d’acquisitions, de développement de la topline et autres. »
Ses années conseil ont été en résonance avec ce qu’elle avait envie d’être. « J’ai apprécié cette expérience pour l’agilité et la rapidité que nécessitaient mes missions. C’était très excitant de mettre en place des transformations chez nos clients et de résoudre avec eux leurs problématiques. »
De son expérience, Stéphanie Ferran a également retenu le côté très méritocratique du métier de consultant. « On pourrait croire que le milieu est élitiste parce qu’on recrute dans les grandes écoles, mais seuls réussissent dans le conseil ceux qui se donnent à fond. Et là-dessus, tout est très transparent, même pour les profils junior : les règles de promotions sont connues et sont les mêmes pour tous. »
Reste cependant qu’il s’agit, aujourd’hui encore, d’un univers très masculin. Comme le rappelle Consultor dans son 7e baromètre de la parité dans les partnerships de cabinets de conseil en stratégie, seuls 15,6% des partners recensés dans les cabinets de plus de dix partners sont des femmes.
« Depuis, les choses avancent. Delphine Bourrilly, que j’apprécie beaucoup, dirige par exemple Kearney France depuis l’été 2021. Mais à mon époque, j’ai le sentiment que c’était encore plus marqué. Il y avait deux femmes partners, et lorsque j’ai eu un mon premier enfant en 2010, j’étais la seule mère. J’avais du mal à me projeter dans cette voie. »
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Kearney annonce jeudi 3 juin la nomination de Delphine Bourrilly au poste de présidente et associée-gérante de Kearney France. Elle prendra ses fonctions le 1er juillet 2021. Elle succédera à Nicolas Lioliakis (relire son interview à Consultor), qui prendra la tête de la practice transformations au niveau européen une fois la transition effectuée. Nous avons interrogé Delphine Bourrilly sur ses priorités.
Coca Cola (2010-2017) : succession de challenges
Sans compter qu’après tout ce temps dans le conseil, Stéphanie Ferran avait envie d’autre chose. « À la fin de chaque mission, il y avait toujours cette frustration de lâcher le bébé, en quelque sorte, de ne plus être au cœur du projet par la suite. J’avais envie de m’impliquer plus durablement, de m’inscrire dans une histoire industrielle, ce qui n’est pas possible dans le conseil. »
Stéphanie Ferran décide donc de faire ses premiers pas dans l’industrie : ce sera Coca-Cola. Grâce à son expérience dans le conseil, elle est repérée par le top management français qui lui confie la direction de la stratégie, puis du revenue management.
« J’ai eu la chance de retrouver chez Coca-Cola des valeurs assez proches de celles de mon ancien cabinet, avec un vrai sens du collectif, une culture de la méritocratie et des mentors bienveillants qui m’ont sortie de ma zone de confort pour me placer à des postes dans lesquels je ne me projetais pas forcément. »
En particulier lorsqu’elle est promue directrice des ventes sur le circuit hors-domicile, à la tête d’une équipe de 400 personnes, première femme à ces fonctions et qui plus est dans un secteur au ralenti. « Quand je suis partie, l’activité s’était transformée en moteur de l’entreprise et attirait de nouveau de jeunes talents. Un tel retournement est une merveilleuse victoire. »
L’édition, un univers palpitant
Il n’en fallait guère plus pour convaincre le groupe Hachette Livre de la recruter fin 2017. « Le PDG souhaitait moderniser ses équipes commerciales. De mon côté, j’intégrais l’édition, un univers qui a toujours fait partie de ma vie personnelle puisque j’ai grandi entourée de livres. »
Même si cela impliquait de quitter une grande entreprise comme Coca-Cola, où elle s’est épanouie jusqu’à atteindre le poste de directrice commerciale, Stéphanie Ferran fait donc le choix de rejoindre cet univers où elle a « l’impression que c’est Noël tous les jours ». « Avec le recul, on pourrait croire que ma carrière est le résultat de choix calculés : dix ans de conseil et dix ans d’opérationnel. Mais en réalité, j’ai fonctionné par coups de cœur. »
Comme un poisson dans l’eau, elle ne s’ennuie pas dans ce nouvel univers. « Chaque année, on annonce que le livre est mort, et chaque année, le secteur rebondit, porté par une nouvelle tendance de fond. Par exemple dernièrement, les mangas ont fait venir de nouveaux publics pas forcément habitués des librairies. Cette rentrée littéraire compte plus de 500 sorties, dont plus de 60 premiers romans… C’est extraordinaire. Le marché du livre est loin d’être mort. »
D’autant que Stéphanie Ferran est convaincue que l’édition se réinvente, portée par de nouveaux phénomènes littéraires et de nouvelles mutations, y compris du côté du numérique. « Paradoxalement, même les réseaux sociaux contribuent à l’essor du livre, avec des Bookstagram et autres qui permettent de capter de nouveaux publics. »
Passer le flambeau aux jeunes générations
Toujours prête à relever de nouveaux défis, Stéphanie Ferran fait à présent du pouvoir d’agir des femmes son cheval de bataille.
« Je n’ai jamais vraiment eu de modèles féminins, mais j’ai eu la chance de rencontrer des mentors qui ont su me donner confiance et me mettre le pied à l’étrier, à des postes où je ne me sentais pas capable de réussir. »
Alors, à 44 ans, elle veut à son tour aider les jeunes générations – et notamment les femmes – à se faire confiance. Après avoir enseigné la stratégie à Sciences Po Paris de 2007 à 2015, Stéphanie Ferran assure des actions de mentoring dans l’établissement et via des associations comme Chemins d’avenirs, tournée vers les jeunes de zones rurales.
« Les jeunes femmes ont besoin d’être entourées de gens qui croient en elles et leurs disent qu’elles peuvent réussir. Cela a énormément compté dans ma carrière, et j’ai envie de faire pareil aujourd’hui. »
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commentaires (1)
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tech - télécom - médias
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