Cabinets de conseil : la « dérive » du gouvernement épinglée par la Cour des comptes
C’est une information du Monde : la Cour des comptes a alerté depuis près d’un an le gouvernement sur « une dérive » dans son recours aux cabinets de conseil.
Le document n’avait jusque-là pas été rendu public. Dans un rapport de 90 pages sur les dépenses liées à la crise sanitaire, en date du 2 décembre 2021 et adressé au ministère de la Santé, la Cour des comptes taclait un décuplement des dépenses de conseil de la Direction générale de la Santé ou de potentielles entorses au droit de la commande publique.
La Cour a surtout sourcillé quant à l’internalisation à demeure de consultants, embarqués parmi le personnel du ministère. Ainsi, la Cour des comptes mentionne le cas d’un consultant du cabinet Roland Berger qui travaillait directement au sein de la DGS, comme « rédacteur de nombreuses notes d’arbitrage et présentations adressées au cabinet du ministre sur des sujets relevant des attributions de la DGS ». Parmi elles, « la formalisation des décisions » sur les stocks de masques en surplus ou « les conditions de distribution de masques aux ménages défavorisés ».
Dans la même veine, lors de son audition au Sénat, Olivier Véran, alors ministre de la Santé, avait été interrogé quant à une note établie par Roland Berger le 27 octobre 2020 sur la distribution de gants médicaux du stock stratégique de la France.
De plus, rapporte Le Monde (lire l’article), la Cour juge « artificiel » d’avoir rattaché au marché-cadre de la Direction interministérielle de la transformation publique le contrat d’accompagnement de la stratégie vaccinale contre le covid confié à McKinsey. En effet, quand bien même McKinsey était titulaire d’un lot de conseil en stratégie dans le cadre de ce vaste marché pluriannuel, la Cour estime qu’une mission sur la stratégie vaccinale était en dehors de son périmètre de transformation de l’action publique.
De même, une autre mission pourrait être jugée hors périmètre. Au printemps 2020, avant le premier déconfinement, le ministère de la Transition écologique a fait appel à McKinsey pour travailler sur les scénarii de reprise des transports en commun (ce qui n’est pas sans rappeler les scénarii de déconfinement des confrères du BCG restés fameux). Les consultants tentent alors d’estimer la fréquentation des métros et réseaux routiers, avant de formuler des recommandations pour concilier la réduction progressive du télétravail et les impératifs de distanciation physique.
La DGS a justifié ce choix auprès de la Cour des comptes par le caractère « exceptionnel » de la pandémie et la « réactivité » que permet l’accord-cadre de la DITP.
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Peu importe le semestre d’enquête que le Sénat vient de consacrer au sujet, la chambre haute ayant même déposé une proposition de loi pour réguler le recours aux cabinets de conseil : Assemblée nationale et Cour des comptes ont à leur tour annoncé coup sur coup qu’elles allaient à nouveau enquêter sur le sujet.
La révélation de ce rapport de la Cour des comptes intervient alors que le gouvernement travaille à l’attribution d’un prochain marché-cadre pluriannuel plus encadré ; et que le Parquet national financier a déclenché deux informations judiciaires sur le rôle des consultants en politique.
Ce n’est pas la première fois que la Cour des comptes se penche sur l’incidence, l’efficacité et le coût des missions de cabinets de conseil achetées par l’État. Déjà, en 2014, la Cour avait appelé à plusieurs mesures correctrices sur le sujet – qui n’avaient été que peu suivies d’effets. Rebelote en 2018, plus spécifiquement sur les missions de cabinets de conseil dans le domaine de la Santé. Et ce n’est sans doute pas fini. En 2022, les sages de la rue Cambon s’engageaient à y revenir à nouveau. Ils préparent un rapport sur le sujet dont la parution est prévue au premier semestre 2023.
Un travail qui n’est pas sans rappeler celui effectué par la Cour des comptes de l’Union européenne quant aux dépenses de conseil de la Commission européenne.
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