Centrale Paris et le conseil, à fond la caisse
20 % de chaque promo prend un premier emploi dans le conseil au sens large, 10 % dans le conseil en stratégie en particulier : les diplômés de Centrale Paris, ces matheux « business friendly », ont la cote dans les sociétés de conseil en stratégie.
Un vivier qui pourrait encore s’élargir dans le cadre de la fusion avec Supélec.
Le 20 novembre 2018, au palais des congrès de Paris, elles étaient toutes là. Pas une des marques de conseil en stratégie de la place de Paris ne manquait à l’appel du forum CentraleSupélec. Sur les 114 entreprises à s’être déplacées pour vendre leurs charmes aux 3 000 ingénieurs étudiants de l’école, tous programmes confondus, une bonne trentaine d’entreprises de conseil s’étaient offert un stand : A.T. Kearney, Advancy, Bain, BCG, CVA, Eleven, Kea & Partners, L.E.K. Consulting, McKinsey, OC&C, Oliver Wyman, Roland Berger, Simon-Kucher, Vertone…
Toute la profession est représentée en rang serré ! C’est que le rendez-vous est immanquable tant Centrale Paris compte parmi l’une des principales pourvoyeuses d’étudiants pour les cabinets de conseil en stratégie. La moitié des consultants en stratégie sont diplômés soit de HEC, soit de l’X, soit de Centrale Paris.
« Une trentaine d’étudiants par an »
Une proximité entre Centrale Paris et les sociétés de conseil au sens large que confirment les premiers choix de carrière des étudiants de l’école. Des 145 répondants à une enquête Premier Emploi réalisée en 2014 par les services de l’école auprès de ses jeunes diplômés, trente-quatre indiquaient avoir rejoint les rangs de sociétés de conseil. « Un cinquième par promo », estime Guy Delcroix, le responsable carrière de l’AECP, l’Association des anciens élèves de l'École centrale de Paris (AECP), lui-même diplômé de l’école en 1973.
« Une trentaine d’étudiants par an » rejoint l’une des marques les plus connues dans le conseil en stratégie à Paris, selon Valérie Ferreboeuf, la directrice de la prospective formation et recherche de CentraleSupélec et la responsable de la filière stratégie et finance à Centrale Paris. Une filière qui attire entre soixante et soixante-dix élèves de chaque promotion. « On refuse du monde parce qu’on attend des projets professionnels construits », dit Valérie Ferreboeuf.
Les centraliens partis dans le conseil constituent également l’un des réseaux d’anciens les plus fournis. Ils sont en effet 1 289 à avoir adhéré à C2Sup, le club des diplômés actifs ou intéressés par le conseil, l’un des plus nombreux des vingt-deux groupements professionnels (banque, aéronautique, BTP…) que compte l’AECP.
Centrale Paris a même ses stars dans la strat’. Comme le fondateur de Mars & Co, Dominique Mars (Centrale Paris 1969), qui était d’ailleurs parrain de la promotion 2010. Charles-Édouard Bouée (Centrale Paris 1991), le CEO de Roland Berger, à qui la présidence de C2Sup a été proposée en 2014. Ce qu’il a décliné par manque de temps.
Un centralien à la tête de McKinsey en France, une première
Récemment, Homayoun Hatami (Centrale Paris 1996) a pris la direction du bureau de McKinsey à Paris. Une première pour un centralien au bureau de Paris de McKinsey : depuis sa création en 1964 elle avait été traditionnellement confiée à des polytechniciens (Yann Duchesne, X 1980 ; Éric Labaye, X 1983 ; Jean-Christophe Mieszala, X 1985) hormis le Slovène Peter Kraljic venu d’Allemagne et Gérard Thulliez qui était diplômé des Arts et Métiers.
Bref, le conseil en stratégie, au même titre que la banque ou l’informatique, est l’une des voies privilégiées à la sortie de l’école. Ce qui n’est pas neuf. « Avant, c’était Arthur Andersen ou Bossard. Maintenant, c’est le BCG et Bain. La plupart y vont pour trois à cinq ans puis passent à autre chose. Certains restent plus longtemps puis finissent par monter leur propre boutique. Une minorité y fait toute sa carrière », analyse Guy Delcroix.
Mais pourquoi pareille relation suivie entre Centrale Paris et les entreprises de conseil en stratégie ? Et surtout depuis quand ? Car, « à une époque, il était franchement mal vu que des étudiants de Centrale de faire carrière dans le management, pour ne pas faire concurrence aux grandes écoles de commerce », témoigne Denis Zandvliet, le président de C2Sup, diplômé de Centrale Paris en 1982, et fondateur de sa propre société de conseil en management du risque.
Les raisons d'une filière historique
Plusieurs raisons expliquent la construction d’une filière de recrutement pérenne entre Centrale Paris et les cabinets de conseil en stratégie. Déjà, un profil très pointu en mathématiques appliquées : ils sont plusieurs centaines à la Société Générale, chez Goldman Sachs ou JP Morgan New York à faire tourner les logiciels de trading en continu. Finance de marché, finance d’entreprise ou conseil en stratégie sont de longue date des domaines où les centraliens sont très appréciés.
Des matheux que l’entreprise ne rebute pas. C’est leur deuxième bon point aux yeux des sociétés de conseil en stratégie. « Les centraliens sont appréciés parce qu’on leur dit de l’appétit pour l’entreprise, plus que les ingénieurs des Mines, des Ponts ou de Polytechnique. Et un penchant moins prononcé pour la recherche et la haute fonction publique », témoigne Amaury Caprasse, un ancien associate de McKinsey à Bruxelles, double diplômé de Centrale Paris et de l’université libre de Bruxelles en 2008.
Troisième raison : la présence d'une vingtaine de sociétés de conseil dans la filière stratégie et finance de l'école, en tant que contributeurs des cours, d'études de cas ou comme tuteurs.
Et les liens entre l’école et le secteur ne vont pas à sens unique. Ils se répercutent jusque dans la gouvernance de l’école qui compte plusieurs anciens ou actuels partners des cabinets les plus prestigieux de Paris. Henri de Combles (Centrale Paris 2004), partner de McKinsey, et Antoine Gourevitch, senior partner et managing director au BCG (Centrale Paris 1991), siègent par exemple au comité stratégie de l’école.
Et quand ce ne sont pas d'actuels consultants qui ont voix au chapitre de la stratégie de l’école, ce sont des anciens, comme Philippe Bideau (Centrale 1979). L’ancien senior partner de Mckinsey a longtemps été membre du conseil d’administration de l’école où il faisait l’interface entre le bureau de Paris de McKinsey et l’école. Il siège désormais, lui aussi, au comité stratégie.
Les sirènes des data sciences
Une très bonne relation qui n'est pas totalement à l'abri. Car ici comme ailleurs l’appel d’autres secteurs joue à plein. « Au début des années 2000, le management et les finances étaient les poids lourds. Aujourd’hui, la transformation numérique et les data sciences ont la cote et en détournent certains du conseil », analyse Valérie Ferreboeuf.
Moins l’entrepreneuriat, en sortie d'école en tout cas. Les créations d'entreprise sont plutôt un choix de deuxième carrière après, par exemple, une première vie dans le conseil.
« Les étudiants comprennent que pour réussir dans les start-up, ce dont ils sont nombreux à rêver, il faut aller au-delà des seules compétences techniques qui font leur bagage principal. Ils comprennent que la gestion d’une boîte est un impératif auquel le conseil en stratégie prépare excellemment », dit Stéphane Prats (Centrale Paris 1999), ancien partner d’Advancy et cofondateur de SCP.
Davantage de Supélec préparés au conseil en stratégie
Les règles du jeu du recrutement à Centrale Paris vont sans doute un peu évoluer. Car en septembre dernier, l’établissement CentraleSupélec, créé en 2014 par la réunion des deux écoles, a fait sa première rentrée. 830 élèves suivront désormais un cursus commun dont l’une des spécialisations sera une filière stratégie et finance similaire à celle qui existait déjà au sein de Centrale Paris sous la responsabilité de Valérie Ferreboeuf.
Ce qui sera nouveau pour les étudiants Supélec dont les spécialisations étaient davantage orientées vers des métiers de R&D (automatique, énergie, informatique, télécommunications, traitement du signal et l'électronique). « Le vivier de recrutement sera automatiquement plus grand », prédit Valérie Ferreboeuf. Premier test grandeur nature dans deux ou trois ans : quand la première promo CentraleSupélec arrivera sur le marché du travail.
Benjamin Polle pour Consultor.fr
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