Fusion PGA/LIV : le BCG et McKinsey dans le viseur du Sénat américain
Le BCG et McKinsey font l’objet d’une enquête quant à leurs activités de conseil auprès du Fonds public d’investissement saoudien (PIF) dans l’univers du sport et dans d’autres secteurs d’activités aux États-Unis. Le Sénat les somme de partager des documents clés.
En ce mois de février 2024, le monde du conseil est fébrile, aux États-Unis comme en Arabie saoudite. En effet, la sous-commission permanente des enquêtes du Sénat (PSI), menée par le démocrate Richard Blumenthal, a auditionné Rich Lesser, président mondial du BCG, et Bob Sternfels, associé directeur mondial de McKinsey, ainsi que les dirigeants de deux autres conseils de l’Arabie Saoudite, M. Klein & Company et Teneo, le 6 février dernier.
Le point de départ de l’enquête en cours a été le projet de fusion des circuits PGA Tour (américain) et LIV Golf (monté grâce à des fonds saoudiens), par l’intermédiaire du Fonds d’investissement public saoudien (PIF). Une fusion qui n’a pas eu lieu à ce jour, les négociations se poursuivant avec le fonds souverain saoudien. Ce dernier est évalué à environ 700 milliards de dollars.
Ce projet s’inscrit dans une stratégie saoudienne plus large qui vise à diversifier l’économie du pays pétrolier et à redorer l’image du royaume, régulièrement pointé du doigt par l’opinion publique internationale et les ONG pour ses violations des droits humains. En juillet 2023, The Guardian a révélé que les investissements de l’Arabie Saoudite dans le monde du sport ont été multipliés par 4 par rapport aux 6 années précédentes.
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C’est une information de Bloomberg : depuis plusieurs mois, le BCG tiendrait une place de choix à la stratégie du fonds souverain saoudien, le colossal véhicule financier chargé de diversifier l’économie du royaume pétrolier.
Le projet de fusion des circuits de golf américain et saoudien a fait polémique dans les médias américains, conduisant le Sénat et le département de la Justice à s’intéresser aux conditions de l’accord envisagé ainsi qu’au rôle des cabinets de conseil dans cette affaire. L’objectif est de s’assurer du respect du droit de la concurrence américain, et de déterminer si l’accord pourrait octroyer aux Saoudiens un « contrôle ou accès inapproprié au marché immobilier US ». Les investigations ont par ailleurs été élargies à d'autres investissements du PIF aux États-Unis.
Le président de la sous-commission permanente des enquêtes du Sénat a donc sommé le BCG et McKinsey de transmettre une série de documents qu’il considère comme « essentiels à l’enquête en cours sur les efforts déployés par des gouvernements autoritaires, comme l’Arabie saoudite, pour déployer une puissance douce ou utiliser d’autres stratégies d’influence à l’intérieur des États-Unis, y compris [à l’égard] d’entités et institutions culturelles américaines ».
Or, les cabinets de conseil n’ont pas respecté une assignation à comparaître visant à produire ces documents.
Il faut dire que le BCG et McKinsey sont tenus à la confidentialité par le contrat qu’ils ont signé avec le Fonds d’investissement public saoudien. Le PIF a d’ailleurs spécifiquement interdit aux cabinets de transmettre la plus grande partie des documents sollicités par le Sénat, n’hésitant pas à les assigner devant la justice saoudienne. Selon le Fonds souverain saoudien, la divulgation de ces pièces pourrait « nuire à la sécurité nationale, aux intérêts, aux politiques ou aux droits » du royaume.
Lors de l’audience du 6 février, Rich Lesser et Bob Sternfels ont indiqué qu’ils combattent actuellement les restrictions qui leur sont faites devant les tribunaux saoudiens.
Le patron de McKinsey a par ailleurs déclaré que son entreprise était prise « entre le marteau et l’enclume ». Celui du Boston Consulting Group a qualifié la tension actuelle de « désaccord sans précédent dans lequel une assignation à comparaître du Sénat est en conflit direct avec les lois d’un autre pays qui considère les informations comme confidentielles ».
Quant au sénateur Blumenthal, il s’est étonné que les cabinets de conseil aient pu s’engager « auprès d’un client, ou d’un pays, susceptible d’emprisonner ses employés s’ils respectent la loi américaine ». Les consultants s’exposent en effet à des sanctions pouvant aller jusqu’à 20 ans d’emprisonnement s’ils enfreignent la loi saoudienne.
Le bras de fer entre la sous-commission permanente des enquêtes du Sénat, le PIF et les cabinets de conseil américains concernés semble bien parti pour durer.
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