Les hauts et les bas du conseil dans les télécoms
Secteur cyclique, les télécoms drainent depuis les années 2000 une demande de conseil fluctuante, tant sur le volume que sur la nature des missions. Pourtant, le marché français fait figure de précurseur.
La situation est d’autant plus prégnante que les donneurs d’ordres sont multiples et leurs attentes diverses.
« On peut distinguer cinq grandes catégories de clients : les opérateurs de réseaux de téléphone fixe ou de réseaux câblés – qui représentent le plus gros volume de missions –, les fabricants de terminaux, les fournisseurs de réseaux de communication, les équipementiers qui fabriquent les box, les décodeurs, les cartes SIM... ainsi que différents acteurs intervenant dans les logiciels et le middleware. On pourrait même y ajouter les acteurs des médias, producteurs de contenu ou diffuseurs », indique Laurent-Pierre Baculard, partner de Bain et responsable télécoms au sein du pôle « Digital Transformations ».
Les cabinets ont dû faire preuve d’une grande adaptabilité depuis 2008.
« Cette forte contraction pour le conseil dans les télécoms n’a cependant rien à voir avec la crise des subprimes. Elle reste propre au secteur », commente Pascal Boulnois, président de Vertone. « Spécialisé à sa création en 1999 dans les télécoms, notre cabinet avait commencé à se diversifier dès 2005, ce qui lui a permis de se redéployer dans de bonnes conditions. » Jusqu’en 2007, les opérateurs connaissent une période de forte croissance, portés par les nombreuses innovations technologiques (SMS, MMS, GRPS, 3G puis 4G dans le mobile, ADSL, dégroupage, double play puis triple play dans le fixe...) jusqu’à connaître une certaine saturation du marché. « Parallèlement, les contraintes d’ordre réglementaire et juridique se sont accumulées et la potentielle arrivée de Free en France a commencé à se concrétiser, ce qui a entraîné un brusque arrêt des investissements. De 2007 à 2010, la demande de conseil a été divisée par 4 », se souvient Pascal Boulnois. La confirmation de l’arrivée de Free en 2010 tire à nouveau le marché autour de demandes de conseil opérationnel sur les nouvelles offres des trois opérateurs historiques... jusqu’à l’entrée effective du quatrième opérateur sur le marché en 2012. « Dès lors, les opérateurs ont cherché à faire des économies, resserrant leurs achats de conseil. Ils ont par ailleurs simplifié leurs offres pour s’aligner sur Free, les directions marketing ont fondu et leurs besoins aussi », poursuit Pascal Boulnois.
Les missions de renfort des équipes internes se sont taries même si, touché par les vagues de plans de départs successifs, Bouygues y recourt encore ponctuellement. « Les directions marketing font moins appel au conseil, sauf sur des sujets pointus avec un réel ROI comme la diversification (big data, objets connectés, m-banking) ou l’expérience client qui devient clé chez les opérateurs. Quant aux missions plus opérationnelles, elles se sont fortement réduites et doivent être parfaitement justifiées pour être validées », confirme Benoît Gelot, manager chez PMP Conseil. Les missions stratégiques quant à elles perdurent. « Nous sommes positionnés sur les agendas de CEO et de leurs comités exécutifs, avec pour enjeux stratégiques les transformations liées aux ruptures digitales et technologiques, avec pour ces dernières une évolution fondamentale vers le cloud. Il y a aussi toute une dimension liée à l’évolution des organisations et des équipes, notamment vers plus d’agilité », note Laurent-Pierre Baculard.
Le marché français des télécoms un secteur de pointe dont l’expertise est recherchée à l’étranger ou dans d'autres secteurs
« En France, le secteur des télécoms est très mature en termes d’investissement sur les réseaux. Dans le fixe, la meilleure qualité du service pour des prix plus bas interpelle et dans le mobile, l’arrivée de Free est assez unique. Certains opérateurs européens se montrent par conséquent intéressés par l’expertise qu’ont développée les cabinets de conseil en la matière », explique Benoît Gelot. Cependant, les pays émergents – en Afrique en tout premier lieu – sont les plus demandeurs. « En Afrique, la problématique est de faire progresser l’ARPU, qui est très faible. Il s’agit d’accompagner l’apparition d’une classe moyenne et de la monétiser », observe Pascal Boulnois. Et de remarquer que sur ce continent, des partenariats existent entre les télécoms et d’autres secteurs comme les transports et l’énergie. « Des opérateurs et des sociétés pétrolières étudient par exemple la possibilité pour les particuliers de payer leur plein avec leur portable. Des passerelles existent aussi en Europe, mais plutôt en sens contraire », poursuit Pascal Boulnois.
L’avance des opérateurs inspire en effet les secteurs du transport ou de l’énergie. « En France, il existe une demande de missions pour de grands énergéticiens dans l’électricité et le gaz sur deux sujets : comment adresser au mieux leurs besoins télécoms de demain et comment s’inspirer des bonnes pratiques des télécoms sur le plan marketing et de la relation client », commente Benoît Gelot. Plus généralement, les télécoms irriguent l’ensemble de l’économie. « Les opérateurs télécoms fournissent la connectivité et les éditeurs de logiciels fournissent l’intelligence et les applications sont au cœur de l’évolution digitale des entreprises. Sans systématiquement prendre la place de leaders de la transformation digitale, les opérateurs ont un rôle d’orchestrateurs à jouer sur l’assemblage de ces “briques de Lego” technologiques », commente Laurent-Pierre Baculard.
Finalement très transversaux, ces sujets supposent des profils de consultants assez divers. « Pour nos missions télécoms, nous mixons nos recrutements, convient Benoît Gelot. La plupart de nos profils sont généralistes, même si nous recherchons également de jeunes diplômés spécialisés en télécoms pour traiter des sujets techniques plus ponctuels, notamment les réseaux ». Travailler dans les télécoms ne nécessite donc pas d’être un geek.
Gaëlle Ginibrière
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