
En 2013, le Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) ne recense qu’une mission de conseil attribuée à un cabinet de conseil en stratégie : Roland Berger a remporté l’annonce publiée en février par l’Institut national audiovisuel (ina) pour une « mission de conseil » dont ni le détail, ni la rétribution ne sont communiqués. Voilà le palmarès de l’année écoulée.
Certes, le BOAMP ne publie que les marchés qui excèdent 130 000 euros pour l’État et 200 000 euros pour les collectivités territoriales. Mais le déclin du secteur public ne fait aucun doute. Comme Consultor l’avait relevé, ce marché était depuis 2006 en nette progression. Entre 2006 et 2012, d’après les données publiées par le BOAMP, les administrations publiques représentaient un chiffre d’affaires de 26 millions d’euros. En 2011, le secteur constituait le troisième client du conseil, derrière les services financiers et l’industrie. « Traditionnellement, l’administration est peu consommatrice de conseil, estime Michel Noiry, expert auprès du conseil d’administration de Syntec Conseil en Management. Nous sommes très loin du niveau atteint en Grande-Bretagne, notamment. Ces dernières années, nous avions l’impression que le secteur public se mettait au diapason européen. Mais les dernières données communiquées par les cabinets contredisent cette tendance. »
Michel Noiry est en charge de l’étude de Syntec Conseil en Management sur l’activité des cabinets. Les chiffres de l’édition 2012-2013 montrent que la hiérarchie a changé. L’industrie prend la tête du classement (29 % du marché). Les services financiers représentent désormais 24 %. La troisième place jadis occupée par les administrations publiques revient à l’énergie (15 %). La chute la plus spectaculaire est donc celle du secteur public : il perd six points en deux ans et s’établit à 9 %.
Hervé Huguet, directeur de Citia, cabinet spécialisé dans le conseil et l’assistance à l’achat public, met en cause la crise économique. La consigne est désormais de diminuer les dépenses, ce que la plupart des acheteurs traduisent par un arrêt pur et simple des commandes publiques. « Le réflexe n’est pas forcément d’acheter mieux, mais de supprimer l’achat, regrette Hervé Huguet. Ce n’est pas rationnel. En ce qui concerne notre activité, nous devrions travailler beaucoup plus puisque nous faisons gagner de l’argent à nos acheteurs. Mais ils ne raisonnent plus ainsi. Si vous faites gagner un million d’euros à un client sur une mission qui lui coûte cinquante mille euros, il ne verra que les cinquante mille euros de dépense sans prendre en considération l’argent qu’il a économisé. »
Choc d’(in)stabilité
À la racine du problème, se retrouvent aussi les tendances amorcées en 2012 : l’instabilité fiscale et économique, qui fait d’ailleurs l’objet de tous les efforts du gouvernement. François Hollande a annoncé en grandes pompes un « choc de simplification » et une action en faveur de la stabilisation. L’amélioration des services de l’État est donc toujours à l’ordre du jour, d’après le Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) : « La modernisation de l’action publique poursuit sa montée en puissance, autour d’un double objectif réaffirmé : renforcer l’efficacité des services publics et contribuer à l’effort de redressement des finances publiques ». À la mi-décembre, le gouvernement lançait douze évaluations de politiques publiques, aussi bien au niveau de l’État que des collectivités territoriales ou encore de la Sécurité sociale. Objectif : « Dégager cinq à sept milliards d’euros d’économies sur la période 2015-2017 ».
En d’autres termes, des missions pour lesquelles les cabinets de conseil en stratégie seraient un interlocuteur presque naturel. Mais la profession n’a finalement pas profité des bonnes volontés de la puissance publique. En octobre 2012, François-Daniel Migeon, ancien partner chez McKinsey et alors directeur général de la modernisation de l’État, expliquait qu’au début du programme, le gouvernement a sollicité deux sources : les citoyens et un ensemble de think tanks et de cabinets qui ont opéré une série d’audits.
Le gouvernement privilégie désormais la « méthode participative » qui met à contribution les agents publics, lesquels, par exemple, ont produit plus de neuf cents propositions de simplification. « La mise en œuvre du programme [de simplification, ndlr] continuera sur un mode collaboratif et pragmatique », indique notamment le CIMAP. « Nous avions un pipeline d’idées, avec environ vingt mille personnes qui sont venues sur le site Web dédié, indiquait François-Daniel Migeon. Elles nous ont permis de dessiner les contours de trente réformes de simplification sur les cent que nous avons lancées. »
Les municipales faussent la donne
Pour Hervé Huguet, la principale explication est purement financière : si l’ordre est de réduire la dépense de 10 %, les acheteurs appliquent la consigne. « Ils traquent les dépenses inutiles et le conseil n’est pas considéré comme indispensable, donc il en pâtit », résume le directeur de Citia. En plus de cette chasse aux budgets, les collectivités territoriales, grands pourvoyeurs de commandes, ont acquis des compétences. Pour pallier le manque de cadres supérieurs, elles ont embauché, surtout de jeunes talents fraîchement arrivés sur le marché du travail. Logiquement, les acheteurs entendent désormais rentabiliser leurs nouvelles ressources plutôt qu’externaliser.
« Pour Citia, 2013 a plutôt été une année de sortie de crise, note Hervé Huguet. Nous avons vécu les moments les plus difficiles en 2011 et en 2012. Mais 2014 ne s’annonce pas non plus sous les meilleurs auspices. » 2014 sera l’année des élections : les européennes, en mai, et surtout les municipales, en mars. Or, « élection » va généralement de pair avec « statu quo », en tout cas en matière de commande publique. Les municipales, affirme Hervé Huguet, auront un impact sur l’ensemble des collectivités puisque les conseillers généraux sont souvent des élus locaux. « Cela va se traduire par un ralentissement. Les municipalités, les intercommunalités, les agglomérations fonctionnent plus lentement puisque les élus se concentrent sur leur réélection. »
2014 reste une grande inconnue pour Michel Noiry. Les années d’amélioration alternent avec les périodes de déclin. Tous les chiffres de 2013 ne sont pas encore tombés et la tendance pour cette année sera, au mieux, incertaine. En revanche, le marché public étatique donne un peu d’espoir. « De grandes réformes sont en cours, notamment autour de la numérisation, indique Michel Noiry. Mais on ne peut pas porter un jugement trop global, car il y a à la fois des mouvements de décrues et des projets très importants. » Les grands acteurs de la profession travaillent quand même de façon massive pour le secteur public, principalement pour l’État et les opérateurs de l’État. Il faudra sans doute patienter jusqu’au printemps pour constater une embellie des marchés publics ou une confirmation de la tendance de décroissance.
Par Lisa Melia pour Consultor, portail du conseil en stratégie-31/01/2013
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