Ma plus belle mission : 11 années aux côtés du "pilote" d'Airbus
Consultant depuis 35 ans, Michel Zarka est un vétéran du conseil en stratégie, un expert organisation/transformation. Il a accepté de partager à Consultor ce qui est sans hésitation sa plus belle mission : l’accompagnement durant 11 ans de Fabrice Brégier, directeur général d’Airbus de 2012 à 2018.
« Tête pensante » du top management
Un client, l’avionneur européen, qu’il connaissait bien depuis 1988, car client de CMC Conseil, puis d’Oliver Wyman. Une mission multifacettes aussi, avant tout « un accompagnement » de Fabrice Brégier, « dès son arrivée à la direction d’Airbus à une période délicate de l’A380, du développement du 400M (avion de transport militaire entré en service en 2013, ndlr), de la nécessité de la montée en cadence de l’A320, et du lancement, puis de l’industrialisation du 350 ». Et sur différents sujets d’organisation/transformation de fond qui nécessitent « un mélange de compétences, techniques, sociologiques, en organisation, en finance, en RH, en communication, de savoir-faire, mais aussi de savoir-être, car il faut savoir construire ce qui va faire converger les équipes et introduire du dialogue ». Durant 11 ans, alors qu’il venait de créer son propre cabinet de conseil en stratégie dédié à la transfo/l’orga, Michel Zarka a ainsi été le plus proche interlocuteur du DG d’Airbus, fleuron de l’industrie européenne. Et il a, pour cela, composé autour de lui une équipe restreinte : un à deux partners, 4 ou 5 consultants sur toute la période, jusqu’à 14 en période de pointe.
Airbus face aux turbulences
Le contexte d’Airbus d’abord à la fin des années 2000. L’A380, avion de ligne civil très gros-porteur long-courrier, connait en effet des difficultés de production et du report des commandes liées à la crise financière de 2008 et à des incidents sur les réacteurs Rolls-Royce en 2010. Des retards qui ont notamment ont entraîné un surcoût du programme de 4,8 milliards d’euros. Quant à l’autre avion de ligne long-courrier et gros porteur, l’A350, c’est en 2006, au moment de l’arrivée du nouveau DG, que le développement débute, et un premier vol d’essai en 2013. Un investissement de 12 milliards d’euros pour le constructeur européen. « Je suis arrivé auprès de Fabrice Brégier à une période où l’entreprise connaissait des phases très différentes, notamment alors que le 380 connaissait des problèmes de câblages, faisait face à des questions de faisabilité industrielle. L’objectif était de parvenir à la livraison de 2 avions, 2,5 avions livrés par mois, un avion d’une conception complexe laissant un choix élevé de customisation de la cabine. 300 avions avaient été vendus pour un programme prévu de 600-700. La mission du directeur général que j’accompagnais était avant tout de le faire monter en cadence et de réduire au maximum les coûts de customisation. »
Un millefeuille à simplifier
Pour le consultant, cette mission axée organisationnelle, d’emblée prévue sur le moyen/long terme, était à la fois sensible et complexe. Sensible, car l’avionneur européen est depuis la création du consortium en 1970 dans une guerre commerciale avec son concurrent américain, le centenaire Boeing. Complexe, car l’histoire millefeuille d’Airbus est très spécifique, depuis le consortium de 1970 jusqu’à la fondation d’EADS (European Aeronautic Defence and Space company) en 2000 (dont l’une de ses cinq divisions est Airbus) par la fusion de Daimler Chrysler Aerospace, Aerospatiale-Matra et Construcciones Aeronauticas. Son capital est réparti entre Daimler-Chrysler, Lagardère, les États français et espagnol, et un tiers flottant. Avec des accords assez complexes entre les différents actionnaires… En 2009, plusieurs sites d’Airbus destinés à la fabrication des aérostructures de fuselage sont regroupés dans de nouvelles sociétés en Allemagne et en France. Ce n’est que début 2014 qu’EADS devient Airbus Group, puis Airbus en 2017.
« L’intégration industrielle a été réalisée autour de l’arrivée de Fabrice Brégier. Les unités de fabrication et humaines étaient dispersées. Il fallait faire en sorte que les équipes très diverses travaillent ensemble, car depuis les années 2000, la conception et la réalisation continuaient à se faire par centres de compétence et d’excellence entre la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, avec des process comptables et financiers éclatés. Comment également faire passer cette entreprise de 7500 unités de management à moins de 5000, c’est-à-dire les réduire d’un tiers ? Et ses conséquences, à savoir la disparition de postes de management très opérationnels et trouver des solutions de reclassement. »
Et ce afin d’en « faire une vraie entreprise intégrée industriellement en redessinant les contours des organisations avec une seule ingénierie, une seule direction des achats, financière, et ceci supporté par un programme significatif de réduction des coûts de quelque 2,7 milliards d’euros, une mission réalisée par AlixPartners ». Des sujets coûts réguliers pour lesquels Michel Zarka pouvait faire appel à d’autres cabinets de conseil, « en compétition ou pas, le BCG a par exemple travaillé sur le programme A350, et de façon permanente avec AloxPartners ».
Des avions à faire décoller
Parmi les nombreux sujets d’organisation industrielle sur lesquels le consultant est intervenu, il y a au notamment celui de la hausse des cadences de production de l’A320, afin de réduire les temps de cycle par avion, en passant d’une semaine à une journée, voire une demi-journée. « Augmenter la productivité nécessitait en particulier de changer fondamentalement les process. Alors que tout était centralisé, à Toulouse et Hambourg en particulier, nous avons créé des unités ingénierie délocalisées au plus près des 9 sites de production, afin de résoudre en temps réel les problématiques. »
Parallèlement, l’expert en organisation et transformation a eu en charge « une autre énorme mission, celle que je considère comme me donnant le plus d’honneur », c’est l’accompagnement du DG dans le développement du nouveau A350. « J’ai commencé le sujet quand est né le business case monté par Olivier Andriès (directeur de la stratégie et porteur du projet entre 2005 et 2007, aujourd’hui DG de Safran, ndlr) où l’on a travaillé sur la revue de faisabilité, sur la constitution des équipes, jusqu’au lancement du programme avec une ambition, démarrer en full rate, à savoir 50 avions dès la première année. »
Le défi pour Michel Zarka sur ce sujet, rendre l’organisation Airbus plus flexible, « sortir d’une logique hand over pour aller vers une logique de tuilage, une organisation tressée qui fait abstraction des silos fonctionnels horizontaux. Arriver en quelques années à une organisation désilotée et a-hiérarchique. » Un gap culturel. « Lors de la mise en place de l’ambitieux programme 350, la question s’est posée de la façon la plus appropriée de l’inscrire dans l’objectif de tout un chacun. J’ai choisi de travailler sur les objectifs collectifs des différentes strates, comex, la cinquantaine de component delivery teams. Avec, comme credo, que si les objectifs étaient atteints, tout le monde bénéficiait de l’effet de levier, sinon personne n’en bénéficiait, même les unités qui avaient, elles, atteint leurs objectifs. »
Durant les 2 dernières années de cet accompagnement au long cours du directeur général d’Airbus, Michel Zarka a connu une autre phase de conseil, « deux questions passionnantes qui m’ont été posées » : une réflexion sur les nouveaux modes de développement d’un avion que permettaient les outils de virtualisation qui s’offraient alors, et sur les éléments à maîtriser de la supply chain, en particulier les cabines. « La question était de créer au sein d’Airbus un programme cabine avec de la spécification d’éléments et d’objets dédiés, et ce pour de retrouver de la valeur et de redonner un avantage concurrentiel. Cela a permis à Airbus de nouvelles demandes, d’avoir des volumes de vente soutenus, plus de 800 avions en 2017, un volume inégalé depuis, et la pandémie est passée par là. L’A350 était en train de rattraper le 787 de Boeing. »
Cette mission de conseil s’est achevée lors du départ de la direction générale de Fabrice Brégier, alors qu’Airbus faisait l’objet d’enquêtes pour corruption du Parquet national financier (et de son pendant britannique, le Serious Fraud Office). Michel Zarka a poursuivi un accompagnement « sur les sujets de motorisation avec Patrick de Castelbajac, Chief Strategy Officer jusqu’à mi-2019 (promu à ce poste en 2017, ndlr) ». Une mission qui a également pris fin lors de la promotion de Patrick de Castelbajac, nommé en juin 2019 Président Asie/Pacifique du groupe, basé à Singapour. « Il y a dans ces missions de l’intuition personae. »
35 ans de consulting
Michel Zarka a débuté sa carrière en 1982 dans l’industrie, durant 5 ans chez Péchiney, après un doctorat en mathématiques à l’université Pierre et Marie Curie. Il a ensuite créé une première entreprise de conseil, CMC conseil, spécialisée dans le conseil en conduite et management du changement pendant 14 ans, qu’il a cédée à Oliver Wyman. Un cabinet dans lequel il a évolué de 2007 à 2011, où il a été à la fois CEO de l’entité Delta, spécialisée dans le leadership et la transformation organisationnelle, et à la tête de la practice Organisation et Transformation. En 2012, Michel Zarka a fondé le cabinet Theano Advisors, cédé à Eight Advisory en 2020, où il est intégré comme partner (2020-2022). Depuis, le consultant a réactivé un autre cabinet qu’il avait fondé en 2012, Aluzia Partners, cabinet dédié à ce segment transverse de l’organisation et la transformation.
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commentaires (1)
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aéronautique - défense
- 05/09/24
Devenu l’un des « grands » du secteur, le constructeur aéronautique brésilien Embraer compte sur l’expertise du cabinet pour déployer son avion-cargo militaire C-390 sur cet immense marché.
- 17/07/24
Le cabinet, dont l’un des principaux secteurs d’activités est la défense, vient de signer un partenariat avec l’armée, plus précisément une convention de soutien à la réserve opérationnelle de la Garde nationale.
- 29/04/24
C’est une belle prise pour le cabinet Roland Berger. Le général d’armée aérienne Éric Autellet, 57 ans, a intégré le cabinet en qualité de senior advisor. Le cabinet est bien présent dans le secteur aéro/défense en France avec une practice qui rassemble 3 associés : le senior partner Didier Bréchémier, et les partners Éric Espérance et François Guénard.
- 05/03/24
La société créée en 2016 et soutenue par le ministère de la Défense réalise des analyses automatiques de données, notamment d’informations géospatiales avec l’aide de l’intelligence artificielle. Malgré d’importants contrats, la société est restée en pertes et doit à présent se serrer la ceinture, ce alors qu’elle cherche à se vendre. Elle fait appel à Oliver Wyman en ce sens.
- 16/01/24
Avec des « feux » allumés un peu partout dans le monde, y compris aux portes de l’Union Européenne depuis deux ans, la politique de défense française - et européenne - passe à la vitesse supérieure. Conséquence : les pays de l’UE doivent s’armer face aux dangers omniprésents. Les cabinets intervenant sur ce secteur sont sur tous les fronts et voient leurs missions se démultiplier mais aussi s’élargir à de nouvelles typologies.
- 10/11/23
Après quelque 15 ans chez McKinsey, le partner Paul Welti a rejoint Thales au poste de VP Strategy & Marketing chez Thales SIX GTS.
- 16/08/23
Oliver Wyman, via son partner private capital Henri-Pierre Vacher, a fait lui-même l’annonce. Le cabinet a, en effet, accompagné l’équipementier et motoriste aéro Safran dans son énorme projet d’acquisition de la filiale du géant US RTX, Collins Aerospace, l’un des fournisseurs mondiaux majeurs de systèmes d’actionnement et de commandes de vol pour les avions commerciaux et militaires, et les hélicoptères.
- 27/02/23
Le géant du conseil s’est affirmé comme l’une des figures de l’édition 2023 de la Conférence de Munich sur la Sécurité, ce qui ne manque pas de déterrer les liens étroits qu’il entretient avec le gouvernement allemand.
- 27/01/23
C’est une information de La Lettre A : pour sa nouvelle organisation, le PDG de Naval Group, Pierre Éric Pommellet, s’est attaché les services d’Oliver Wyman.