Michel de Guilhermier : les atouts consulting d’un slasheur* effréné
Son profil LinkedIn compte une trentaine d’expériences : consultant, entrepreneur, investisseurs en série… c’est peu dire que le parcours de Michel de Guilhermier fut dense.
Passé d’abord par le conseil en stratégie chez Bain & Company, il s’est ensuite lancé dans la création/reprise d’entreprises et l’investissement. Un parcours dans lequel les compétences et le réseau acquis chez Bain l’ont toujours suivi.
Frais émoulu de HEC, Michel de Guilhermier rejoint les bureaux de Bain à Londres en 1987. Un choix évident puisqu’à Paris, Bain venait à peine de s’installer et les besoins étaient moindres. Une véritable chance de s’expatrier et de rejoindre une équipe bien implantée avec d’importants clients. « J’ai travaillé d’abord sur un programme de réduction des coûts chez DHL. Une mission intéressante qui m’a façonné l’esprit. Nous avons ensuite travaillé pour Habitat, Visa, etc. »
Chez les Bainies, un réseau pour la vie
Le conseil en stratégie est une première expérience enrichissante tant du point de vue humain que méthodologique : « Cela apporte une rigueur de raisonnement, la capacité d’analyse des systèmes, de l’entreprise et des marchés, le pragmatisme, une clarté dans l’énonciation et la présentation des résultats. »
L’aventure Bain ne dure que quatre ans. « J’ai connu des amis chez Bain comme Olivier Marchal (associé senior, président du bureau de Paris), rencontré en 1987 ou Marc-André Kamel (partner). Pour ma part, je ne souhaitais pas rester plus longtemps, cela ne me correspondait pas, je préférai l’action, j’avais envie de créer quelque chose. » Il a conservé beaucoup de liens et participe quand il le peut aux événements organisés par le cabinet.
C’est grâce à son réseau que le jeune homme quitte Bain au début des années 1990 et rejoint une entreprise américaine de production et de distribution de produits frais, Dole Food : un ancien manager de Bain Londres, Alan Gasson, « voisin de desk » l’a débauché quand il a pris les rênes de la filiale européenne. Il y reste quelques années puis part chez PepsiCo. Un tournant professionnel s’opère à ce moment-là.
L'agroalimentaire tourne court, la photo est porteuse
Démangé par l’envie de créer une entreprise, Michel de Guilhermier entrevoit une première opportunité en 1996. « Un ami m’avait parlé d’une entreprise à reprendre. Provifruits (désormais Cerise et Potiron) disposait d’une quarantaine de magasins et se situait dans la région Rhône-Alpes. J’ai sauté sur l’occasion avec un ancien cadre de Dole Food. » Il la revend en 1999. Une courte expérience, car « nous nous sommes vite rendu compte que ce n’était pas pour nous, on ne maîtrisait pas un facteur clé qui était l’achat des produits. Nous avons donc très vite mis un DG en place qui connaissait bien le métier et à qui nous avons finalement revendu l’entreprise ».
Le succès, cet entrepreneur né va le connaître avec Photoways. « Les besoins personnels ont toujours drivé ce que j’ai fait dans ma carrière professionnelle », explique-t-il. En 1999, intéressé par la photo, disposant d’un appareil numérique, il se rend compte qu’il est difficile d’imprimer les clichés ; le rendu des imprimantes couleur est médiocre (cher et long). S’inspirant d’entreprises américaines, il décide de proposer un service de développement de photos numériques. En l’espace de sept années, l’entreprise s’impose sur la scène européenne (en 2006 elle rachète l’Anglais Photobox) avec un chiffre d’affaires de près de 100 millions d’euros. Michel de Guilhermier la revend en 2008. Mais Michel de Guilhermier aime multiplier les activités. Outre son désir d’entrepreneuriat, il nourrit depuis le milieu des années 1990, un grand intérêt pour l’investissement.
Pour passer dans le capital-investissement à plein temps, les anciens de Bain refont surface
Business angel depuis 1997, Michel de Guilhermier a fait progressivement passer un hobby en activité professionnelle à plein temps ; il avait créé en parallèle de ses activités chez Dole Food, Burlington Consultants, dédié au conseil dans l’investissement en LBO (Leveraged Buy Out). Un cabinet qui a été revendu à Deloitte en 2002.
« Avec l’âge, on a moins envie de faire de l’opérationnel, on a envie de prendre du recul, précise-t-il. Vous avez de l’argent, de l’expérience et une sensibilité business, c’est donc presque logique de devenir investisseur. »
Ses années dans le conseil lui ont bien servi pour se lancer dans l’investissement. « Il y a beaucoup d’anciens consultants dans l’investissement. Peu dans le capital-risque, mais plutôt dans le LBO. Beaucoup de mes amis, anciens Bainies sont dans mes fonds de LBO. » Le capital-risque est un univers de pari avec de gros risques, mais dans le LBO, les connaissances et les aptitudes des consultants sont un atout : analyse et étude des marchés et des entreprises (méthodologie), étude des dossiers, rigueur, etc.
Entre 2007 et 2012, Michel de Guilhermier va officialiser et matérialiser son changement de braquet. Il devient investisseur à temps plein et crée Inspirationnal Stores (2007) et Day One Entrepreneurs & Partners (2012). Deux entités qui lèvent des fonds et financent les start-up dans les milieux des nouvelles technologies, du e-commerce, d’Internet… Day One est assez novatrice dans le secteur avec à la fois un financement et un coaching associé.
« Il s’agit d’un fonds de capital-risque dans lequel nous investissons très en amont dans les sociétés. Cependant, notre métier n’est pas seulement d’investir très tôt et de revendre après quatre à cinq ans. Nous investissons et restons actionnaires de nombreuses années. »
Et dans le domaine de l’investissement, pour concrétiser et faire de bonnes affaires, le réseau est important. Se retrouver face à d’anciens Bainies permet de gagner du temps, la confiance s’instaurant plus rapidement. Au point de favoriser les prises de participation dans des sociétés dirigées par d'anciens de Bain ou du conseil en strat' de manière générale ?
Les + et les - d'investir dans des sociétés dirigées par d'anciens de la strat'
« Ils sont par définition carrés en raison de leur capacité d’analyse pragmatique, de leur capacité de travail, du haut niveau de leurs connaissances en général ». Mais il tempère : « Il faut aussi du concret opérationnel, du terrain et du savoir-faire managériale, choses qu’un consultant n’a pas démontrée au cours de sa vie dans le conseil. Cela ne veut pas dire qu’ils ne vont pas réussir, simplement qu’ils n’ont pas fait leurs preuves ».
Day One finance et accompagne trente-six entreprises. Un chiffre trop important selon Michel de Guilhermier qui souhaite, à terme, pouvoir accompagner une dizaine d’entreprises pour les faire grandir convenablement et qu’elles puissent aller loin.
Heureux et passionné par ce qu’il fait, ses journées sont très chargées : « En général, j’ai cinq ou six rendez-vous, trois ou quatre calls, puis une vingtaine de mails pour apporter des conseils de développement de société. Mon métier est d’une part de faire le choix d’investir puis dans un second temps de participer activement au développement de l’entreprise. »
Entre deux, quand Michel de Guilhermier a une seconde, il alimente un compte Twitter. Là aussi avec une certaine abondance de biens : quelque 10 000 followers y sont inscrits.
Justine Mattioli pour Consultor.fr
* Slasheur : qui cumule plusieurs emplois.
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