« Nous sommes attendus par nos clients internes pour les challenger » - Marième Rocchi, BNP Paribas CIBC&T
Depuis octobre 2023, Marième Rocchi a retrouvé l’entité de conseil interne de BNP Paribas CIB dont elle avait fait partie de 2013 à 2019. Consultor l’a rencontrée, un an après qu’elle a pris la tête du cabinet.
Consultor : Quel est le périmètre de CIBC&T ?
Marième Rocchi : Nous accompagnons les différentes directions de la Banque de financement et d’investissement (Corporate & Institutional Banking, CIB) sur la zone EMEA (Europe, Middle-East & Africa). Nous accompagnons tous les métiers de CIB, aussi bien ceux de marché que de financement ou de conservation de titres, ainsi que les fonctions. L’équipe CIB Consulting & Transformation (CIBC&T) EMEA comporte 3 localisations : Paris avec environ 70 consultants, Lisbonne avec une trentaine, et une dizaine à Londres.
Il existe également deux équipes « sœurs », une aux États-Unis et une en APAC (Asie-Pacifique), qui disposent de leurs propres responsables. Ma mission comporte un volet de développement et renforcement des liens avec ces équipes, notamment dans le cadre de projets mondiaux – pour avoir une vision d’ensemble afin d’accompagner nos clients.
Sur quels sujets l’entité de conseil interne de CIB, fondée en 2009, a-t-elle « des choses à dire » ?
L’équipe CIBC&T a des fondations très solides, tout autant que son business model. Elle s’exprime sur de multiples sujets : depuis les problématiques stratégiques sur du business development, jusqu’à leur opérationnalisation. La CIB de demain se construit aujourd’hui, et CIB Consulting & Transformation traite des plans de croissance pays, de la stratégie ESG (Environnement, Social, Gouvernance) de la Banque, des sujets réglementaires et d’efficacité opérationnelle, mais également des problématiques liées à la stratégie IA ainsi que les segments innovants.
Selon l’étude annuelle de l’AFCI (Association Française du Conseil Interne) auprès de ses adhérents, la stratégie a représenté 9 % des projets en 2023, contre 36 % pour l’organisation et la transformation. Qu’en est-il pour CIBC&T ?
Chez nous, la part de la stratégie est majeure. Et elle est critique à certaines périodes : nous sommes actuellement en pleine construction du plan stratégique de BNP Paribas CIB, il y a donc un enjeu supplémentaire pour nos équipes de conseil interne d’accompagner le management et les différentes directions de la Banque.
Bien que j’aie pris la tête de l’équipe récemment, j’ai déjà passé du temps en son sein et j’observe que nous n’avons jamais eu autant de plans de croissance pays en parallèle. Cela nous pousse à avoir une vision transverse, à nous intéresser aux interdépendances qu’il peut y avoir entre les plans pays et à développer une vision EMEA cohérente.
Certaines de nos missions sont plus segmentées ou ad hoc. Elles peuvent concerner les innovative companies ou des sujets plus techniques, sur les métiers de marché – la stratégie sur l’utilisation de leurs ressources…
Quoi qu’il en soit, CIBC&T réalise la quasi-totalité des missions de conseil en stratégie de la Banque de financement et d’investissement de BNP Paribas. Des cabinets de conseil externes peuvent toutefois être sollicités sur des thématiques très spécifiques de type réglementaire ou IT. Par exemple, nous avons co-construit la méthodologie de pilotage de la satisfaction client avec un cabinet externe, méthodologie que nous avons ensuite pleinement intégrée et améliorée au fil des années.
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Vous évoquiez l’intelligence artificielle : y a-t-il une hausse des sollicitations pour des missions de ce type ?
Tout à fait, et cela selon trois axes. Tout d’abord, notre équipe accompagne le Chief Data & Digital Officer de CIB, qui est d’ailleurs un ancien de CIBC&T, sur la définition de la stratégie IA. Nous sommes donc au cœur du réacteur à cet égard.
Par ailleurs, au sein de nos projets, nous challengeons les managers et équipes à intégrer les sujets d’IA ou d’IA générative quand c’est nécessaire – en fonction du niveau d’appropriation de ces sujets.
Enfin, nous travaillons sur nos propres cas d’usage pour nous permettre de mieux comprendre ce que l’IA va transformer dans les métiers – du conseil et de CIB – afin d’accompagner nos clients avec un maximum de pertinence.
Quels changements avez-vous constatés en réintégrant CIBC&T, dont vous aviez fait partie de 2013 à 2019 ?
Après quelques semaines d’immersion, ce qui m’a frappée, c’est la professionnalisation de l’équipe – méthodologie, formation, systématisation. Cela permet aux consultants d’être plus rapides, plus directs dans les approches et dans la capacité à résoudre les problèmes. Sur la partie Formation, tous les consultants sont embarqués grâce à des parcours de formation (interne et externe) par grade : des nouveaux arrivants jusqu’aux consultants en poste.
Toutefois, ce qui m’a davantage marquée, c’est ce qui n’a PAS changé ! J’ai retrouvé ce goût de l’excellence et de l’impact. Une partie de l’équipe a été renouvelée, elle a grandi, mais la capacité à délivrer de la valeur ajoutée est restée intacte.
L’ancien leader du cabinet, Cosmin Dragan, l’a piloté de 2015 à 2023. Souhaitez-vous continuer à tracer le même sillon ?
Sous la houlette de Cosmin Dragan, CIBC&T a beaucoup évolué, avec l’appui de la leadership team dont j’ai fait partie. L’une des forces de Cosmin a été de s’entourer d’un collectif dirigeant qui a permis de bien définir les priorités.
Pour ma part, je compte m’inscrire dans la continuité – et changer ! Parce que les temps changent précisément (en France et dans un contexte économique plus global) et que la Banque de financement et d’investissement doit nécessairement accompagner ses clients au moment même. Son rôle évolue, et le nôtre également.
Par ailleurs, je souhaite aller encore plus loin en termes d’impacts. Notre cœur de métier est de comprendre les challenges de nos clients, de voir quelles solutions impactantes nous pouvons leur apporter, et nous devons nous assurer que cela s’inscrive dans l’opérationnel. Nous accompagnons nos métiers et fonctions « dans la durée », il est donc plus facile pour nous de prendre en charge cet aspect [vs pour des consultants externes, ndlr].
Le cross-staffing est un autre point sur lequel je compte agir : les projets et les métiers sont de plus en plus globaux et nous devons être un vecteur de transversalité en termes d’expertises et de moyens humains [par exemple, une consultante CIBC&T américaine est récemment venue en renfort auprès de l’équipe EMEA pour l’aider à atteindre ses objectifs sur un projet, ndlr]. Ce n’est pas totalement nouveau, mais il y a désormais une vraie attente de la part de nos clients pour obtenir des solutions plus globales.
Le secteur du conseil n’est pas exemplaire en matière de parité : est-ce aussi un axe sur lequel vous comptez agir ?
Tout à fait, c’est même une priorité. Chez CIBC&T, les femmes représentent environ 40 % de l’équipe – 45 % dans la Leadership Team.
Parmi nos actions, nous avons organisé au 1er trimestre 2024 un Women Event dans plusieurs écoles de commerce et d’ingénieurs : une table ronde et des groupes de discussion animés par des binômes de CIBC&T sur différents thèmes, tels que les business cases lors des entretiens, les questions autour des packages et de la rémunération, les typologies de missions… Nous avons reçu de nombreuses candidatures par la suite.
Au-delà, nous faisons le maximum pour recruter de jeunes consultantes correspondant à nos critères. Une fois en poste, nous les accompagnons dans le cadre habituel de l’évolution de carrière d’un consultant. Nous n’appliquons pas de « biais » positifs pour accélérer leurs parcours, car ça pourrait être contreproductif – pour elles comme pour l’équipe. Nous sommes également très attentifs à la parentalité.
Les parcours au sein de CIBC&T ressemblent-ils à ceux des cabinets de conseil externe ?
L’évolution de nos consultants se fait selon un processus classique, via une échelle de grades très similaire à ce qui existe dans le conseil externe. En revanche, ce n’est pas parce qu’un consultant était senior dans un cabinet X ou Y qu’il sera nécessairement senior chez nous. Comme les cabinets externes, nous avons nos propres exigences telles que le nombre d’années d’expérience, le type d’expositions, le rôle que les consultants ont pu jouer dans le passé, etc.
Nous procédons par ailleurs à des évaluations deux fois par an, via des comités dédiés pour être sûrs de bien calibrer les performances, évolutions et promotions. Les préparations sont assez denses.
Une équipe de conseil interne peut-elle faire preuve d’impertinence à l’égard de ses clients ?
Je n’emploierais pas ce terme, mais nous sommes attendus pour challenger celles et ceux qui nous sollicitent, oui, à 200 %.
Lors du dernier Insider Talk que nous avons organisé [des rencontres durant lesquelles des clients seniors faisant partie du management partagent leurs problématiques à l’équipe de conseil interne – ndlr], le directeur des Opérations a salué notre capacité à le challenger au quotidien et nous a incités à poursuivre cette démarche. Toutefois, si nous sommes une boussole pour la stratégie, il faut aussi l’opérationnaliser, en ayant la bonne compréhension des contraintes pour que nos clients aient les moyens de mettre en place la stratégie définie. Le conseil interne joue donc un rôle pivot.
Comment l’expérience et les expertises développées au sein de CIBC&T sont-elles valorisées au sein du groupe dans son ensemble ?
Vu l’impact que nos consultants génèrent pour leurs clients, ce sont des profils qui sont repérés dans l’organisation. Évoluer chez CIB Consulting & Transformation constitue donc une porte d’entrée vers les fonctions, mais aussi vers les métiers.
Pour ma part, j’ai créé le Sustainability Centre, un département transverse, mais avec un lien direct avec le métier. J’ai donc fait de la structuration de transactions sur les indicateurs ESG. Au-delà de mon cas précis, d’autres alumnis du conseil interne ont rejoint les métiers de marché, et d’autres sont devenus chief of staff ou COO par exemple. L’une des anciennes membres de la Leadership Team est désormais responsable d’un pays, un autre consultant est devenu responsable Supply Chain pour l’Europe. Les passerelles fonctionnent aussi bien à l’égard des fonctions que de la partie business et précision importante, sur des séniorités différentes.
L’idée de ne faire qu’un passage rapide au sein de notre entité de conseil interne serait néanmoins un leurre. Il faut aussi s’établir, et « grandir ». C’est au gré des différents projets CIBC&T que la solidité d’un profil va se créer : le professionnel concerné disposera ainsi de toutes les compétences pour réussir son intégration dans un métier ou une fonction, s’il le souhaite. Et il aura pleinement contribué au succès de notre cabinet, et des clients de ce dernier.
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BIO EXPRESS
Parmi les principaux jalons du parcours de Marième Rocchi, il y a ses débuts en 2001 chez Capgemini Invent. 9 ans plus tard, direction la banque d’affaires de BNP Paribas, CIB (Corporate and Institutional Banking), afin d’intégrer la Direction financière, puis le cabinet de conseil interne de BNP Paribas CIB – « pour prendre du recul et développer sa compréhension globale de CIB ». À partir de 2019, les enjeux de durabilité l’occupent avec la création du Sustainability Centre. Depuis octobre 2023, Marième Rocchi dirige donc l’équipe de CIB Consulting & Transformation.
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