« Nous captons 30 à 40% des dépenses de conseil », Cosmin Dragan, head of CIB Consulting & Transformation
Chez BNP Paribas Corporate and Institutional Banking, les équipes Consulting & Transformation sont emmenées depuis 2015 par Cosmin Dragan. Un chantre du conseil en strat’ fait maison. Interview.
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Mini bio Cosmin Dragan - fiche complète dans le guide des associés
Depuis 2015 : head of CIB Consulting & Transformation ' (CIBC&T)
2010 – 2015 : manager CIB Consulting
2007 – 2010 : manager Corporate Value Associates
2004 – 2007 : senior consultant EY Financial Services Consulting
2002 – 2003 : consultant chez Roland Berger en Roumanie
Consultor : L’activité de conseil en stratégie de BNP Paribas CIB a été créée en 2009, d’abord avec une ambition de réduction des achats externes de missions de conseil. Une décennie plus tard, cet objectif a-t-il été atteint ?
Cosmin Dragan : Oui, par exemple depuis 2016, les achats de conseil de BNP CIB ont diminué de deux tiers. Et le conseil interne capte de 30 à 40 % des dépenses totales de conseil.
Sur quels sujets n’intervenez-vous pas ?
Tout spécifiquement sur de grands sujets de mise aux normes réglementaires, émanant typiquement des régulateurs européen ou américain, qui appellent de grandes équipes rompues à cet exercice – très souvent les Big Four. Puis, parfois, des avis extérieurs sont nécessaires pour ne pas se scléroser ou faire bouger les lignes. Dernier cas de figure : l’établissement de benchmarks internationaux que nous ne pouvons produire en interne.
Pourquoi avoir fait du conseil en stratégie un des axes principaux de votre activité de conseil interne ?
Le conseil en stratégie, ce fut la strate de conseil que nous avons choisi d’internaliser le plus rapidement, parce que c’est elle qui recouvre les plus gros enjeux et les niveaux d’honoraires les plus élevés. Nous voulions éviter aussi les logiques de cross selling chez les concurrents, notamment pour des raisons de confidentialité. C’est un sujet sur lequel un groupe tel que BNP a drastiquement musclé ses règles parce que les risques de cybersécurité ont augmenté de manière spectaculaire, tout particulièrement pendant le covid. Moins recourir à des consultants externes, c’est également une moindre exposition à des fuites d’informations. Mécaniquement, notre développement a eu pour conséquence l’amaigrissement de certaines practices services financiers de plusieurs cabinets de conseil.
Dans ces conditions, les cabinets de conseil en stratégie travaillent-ils encore pour BNP Paribas CIB ?
Ponctuellement : environ cinq missions sur la centaine qui est commandée tous les ans leur sont attribuées chaque année et uniquement sur des sujets spécifiques. Quand CIBC&T a été créé, nous devions être un « disrupteur de conseil externe ». Aujourd’hui, nous sommes plutôt dans une logique de partnership avec les cabinets externes. Exemple : d’un côté, Bain a été missionné dans nos murs pour une mission de Net Promoter Score. Ils ont utilisé une méthodologie qui avait déjà fait ses preuves, ce qui nous a permis de gagner du temps. De l’autre côté, il y a eu une appropriation forte des managers seniors de CIB qui ont insisté pour faire les entretiens eux-mêmes sans consultants externes.
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Les cabinets de conseil internes aux groupes du CAC 40 et au-delà se multiplient : une cinquantaine de structures ont vu le jour ces cinq dernières années avec des objectifs similaires.
Parfois concurrents des cabinets externes, la crise leur est plutôt bénéfique : leur part de marché moyenne est passée de 2 à 3 % en 2018 des budgets achat de conseil à 10 % en 2021, selon les chiffres de l’Association française de conseil interne qui tenait sa convention annuelle début juillet.
Fondamentalement, entre CIBC&T et un cabinet de conseil en stratégie externe, quelles sont les différences ?
La neutralité d’abord…
Ce n’est pas intuitif ! On pourrait au contraire spontanément penser qu’un cabinet de conseil interne est moins indépendant qu’un intervenant extérieur.
Un cabinet de conseil externe travaille pour un client, il fait avant tout plaisir à la personne qui le paie. De notre côté, nous sommes mandatés par un écosystème de métiers et fonctions avec des objectifs parfois divergents. Nous sommes obligés d’embarquer l’ensemble des acteurs vers un objectif commun. C’est là une vraie différence avec le conseil externe et un gage de neutralité. Ça nous pousse à avoir une connaissance intime des clients et des métiers de tout l’écosystème.
Forte indépendance donc ? Même sur des sujets potentiellement aussi critiques pour le groupe que la blockchain ou le réchauffement climatique, êtes-vous en mesure de taper du poing sur la table quand vous considérez que vos donneurs d’ordre ne vont pas assez loin ou dans une direction impertinente ?
Ce sont des sujets que nous avons la chance de traiter. Nous avons des dirigeants qui ont une conviction forte sur ces sujets. Sur le dérèglement climatique, BNP Paribas a cessé de fournir tous nouveaux services financiers aux spécialistes des hydrocarbures non conventionnels, pétrole et gaz de schiste, et a publié des engagements forts de réductions de son exposition à la production de pétrole d’ici 2025. De même pour le charbon ou le tabac, notre groupe est sur une trajectoire de retrait. En parallèle, les efforts sur les financements durables, tels que le financement des énergies renouvelables, s’intensifient et CIBC&T y contribue. D’ailleurs, cela nous aide à recruter !
Justement, pour recruter vos équipes de consultants, n’y a-t-il pas un prestige de marque contre lequel vous, comme beaucoup d’autres cabinets, ne pouvez pas lutter ?
En tant que consultant en stratégie, ce n’est pas uniquement la marque du cabinet pour lequel vous travaillez qui fait votre valeur ; c’est aussi le client que vous adressez et le sujet sur lequel vous conseillez. BNP Paribas CIB est dans le top 3 des banques d’affaires européennes, c’est-à-dire qu’elle se place maintenant aux côtés des grandes banques américaines. Ça nous aide aussi à recruter. J’en veux pour preuve le fait que nous ayons recruté certains des derniers consultants de la concurrence qui servaient BNP Paribas CIB.
Pour des étudiants courtisés de toute part sur un marché très concurrentiel du recrutement, quels atouts mettez-vous en avant ?
Travailler chez CIBC&T, c’est aussi travailler pour les clients finaux de nos clients internes. Certes, vous êtes consultant interne au service d’une cinquantaine de directions de CIB, mais vous vous mettez au service de leurs 500 et quelques interlocuteurs. Ces derniers sont dans tous les domaines de l’économie, la tech, l’énergie, les fonds, les banques, les assurances… Personnellement, j’ai le sentiment de toucher à un spectre beaucoup plus large d’activités, de secteurs ou de clients que lorsque j’étais en conseil externe.
Chez CIBC&T, pas de rang de partner pour l’instant puisqu’on devient au mieux principal, et donc pas d’equity. Cela ne manque-t-il pas là où d’autres ouvrent leur capital dès les grades de manager, voire avant ?
Nous faisons valoir d’autres arguments : la profondeur de nos missions et les cadres de très haut niveau auxquels nous exposons nos consultants. Puis collaborer chez CIBC&T, c’est aussi se projeter dans le groupe BNP Paribas. La filière conseil ouvre d’excellentes portes de sortie.
Pourquoi ne pas vous ouvrir sur l’externe ? D’autres le font, pourquoi pas vous ?
Beaucoup de nos missions sont déjà tournées vers l’extérieur. Par exemple, nous sommes intervenus sur l’intégration d’Exane [société d’investissement – ndlr] par BNP Paribas. Nos missions Client satisfaction et Net-Zero Banking Alliance traitent directement des clients finaux de BNP Paribas, de leurs besoins, de leur dynamique sectorielle.
En 2025, BNP Paribas veut être la première banque d’affaires européenne parmi les grands acteurs mondiaux. Comment l’activité C&T aura-t-elle évolué d’ici là ?
Le modèle intégré est quelque chose que nous pratiquons depuis plusieurs années, que ce soit entre les différents métiers de la banque d’affaires, entre les trois régions regroupant les 56 pays de la CIB, ou encore entre CIB et les autres pôles opérationnels, CPBS (Commercial, Personal Banking & Services) et IPS (Investment & Protection Services). Tout l’enjeu à l’avenir sera de nous passer encore mieux la balle entre l’ensemble des 700 consultants internes du groupe BNP Paribas, au-delà des 175 consultants de CIBC&T.
D’ici cette date, prévoyez-vous un élargissement des équipes de consultants ?
Nous sommes aujourd’hui à une taille optimale et nous avons la possibilité de travailler en partnership avec d’autres équipes de BNP Paribas et de CIB. Cependant, nous recrutons toujours en externe, pour gérer le turnover et assurer un bon équilibre entre les recrutements internes et externes.
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