Quand le consultant devient indispensable
En prenant la charge de projets au long cours et de missions techniques, un cabinet de consulting devient rapidement indispensable comme le rappelle un récent rapport public.
Le malheur de l'État fait le bonheur des consultants. Faute de mobiliser suffisamment de ressources internes, déplore la Cour des comptes dans un rapport publié mi-mars, les administrations publiques font de plus en plus appel à des cabinets extérieurs.
- L’État va-t-il vraiment tourner le dos aux cabinets de conseil privés ?
- Oliver Wyman et Roland Berger, « élus » du copieux marché du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer
- Anah : nouveau (gros) marché de conseil en vue pour rénover sa stratégie
- Oliver Wyman joue la transparence sur France Inter
- Exclusif - Avant la création de France Travail, Pôle Emploi rempile avec Roland Berger
- Consultants : la Cour des comptes met la pression sur l’Assemblée
- Conseil interne : l’État ne fait pas assez, tance la Cour des comptes
- Les hôpitaux se regroupent pour acheter 60 M€ de conseil
Et même lorsque ces prestations sont limitées, leur concentration sur des thématiques stratégiques – telles que l'aide à la décision, le pilotage ou encore l'accompagnement de projet – entraîne presque mécaniquement un déficit d'expertise en interne, ce type d'intervention se déroulant nécessairement sur le moyen/long terme. En effet, elle induit comme une « perte de mémoire » au sein de la structure cliente, et accroît ainsi une quasi-dépendance.
La prise en charge de missions plus techniques et spécifiques n'est pas non plus en reste, et le rapport égrène de nombreux exemples de compétences supposées constituer le cœur de métier de la fonction publique – comme la rédaction de textes réglementaires, de contrats de concession ou encore des missions d'évaluation économique –, qui ont massivement été déléguées à quelques cabinets réguliers. « Il est regrettable que l'Administration soit contrainte de se placer dans une relation de dépendance avec certains prestataires au motif que ceux-ci ont acquis une meilleure connaissance qu'elle de ses propres procédures », dénonce la Cour des comptes.
Le maître et l'esclave
Regrettable... mais peut-être bien fatal en l'occurrence. Comme le rappelle une étude menée sous l'égide de la Copenhagen Business School, cette situation est à certains égards inhérente aux relations de conseil : un client est en effet toujours pris en étau entre deux impératifs : faire preuve d'autonomie vis-à-vis du prestataire d'un côté, obtenir les meilleurs résultats pour son département de l'autre. Et lorsqu'un cabinet fait particulièrement bien son travail, le second tend à prendre le dessus... C'est un modèle théorique bien sûr, et d'autres facteurs sont à prendre en compte dans la pratique – disponibilité ou non des compétences en interne, efficacité de la formation et du recrutement, variété des prestataires sollicités... Mais, toutes choses étant égales par ailleurs, ce renversement a presque naturellement tendance à se produire.
Ce processus a d'ailleurs été analysé par Hegel. Le philosophe allemand décrit dans Phénoménologie de l'esprit une dialectique du maître et de l'esclave qui peut s'appliquer au conseil. Lorsqu'un client délègue son travail, il a tendance à perdre de vue la réalité de son activité et à devenir comme étranger à celle-ci. Pour cause, le prestataire ne se contente pas de poursuivre ce qui s'est fait jusqu'à présent ; il transforme – littéralement – cette activité en autre chose et renouvelle l'ensemble des process. Ainsi, la dépendance passe du côté du client, qui a toujours besoin d'obtenir de bons résultats, mais ne sait absolument plus comment procéder. « Le maître, qui a interposé l'esclave entre la chose et lui, se relie ainsi à la dépendance de la chose, et purement en jouit », résume Hegel à sa manière. Pour le prestataire, concrètement, c'est le moment de faire monter les enchères.
Fabien Trécourt pour Consultor
Un tuyau intéressant à partager ?
Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !
commentaire (0)
Soyez le premier à réagir à cette information
France
- 20/12/24
Elle a rejoint le cabinet en septembre 2023 et vient d’être nommée partner : Sophie Chassat a désormais pour mission de soutenir le développement d'Accuracy sur les enjeux de transition.
- 18/12/24
McKinsey France enregistre trois nouveaux départs : le senior partner Pierre-Ignace Bernard, près de 30 ans de maison, ainsi que les partners Jérémie Ghandour, arrivé en 2013, et Timothée Fraisse, qui avait rejoint le cabinet en 2018.
- 16/12/24
Depuis décembre 2017, Bain & Company occupe plusieurs étages de cet ensemble immobilier situé au 25 de l’avenue éponyme. Plus de 1 000 mètres carrés supplémentaires vont s’ajouter aux 4 500 mètres carrés dédiés au cabinet jusqu’à présent.
- 13/12/24
Augustin van Rijckevorsel, l’iconoclaste et hyperactif fondateur et ancien CEO de Circle Strategy (jusqu’en 2023), devenu producteur de musique et investisseur, s’est lancé dans une nouvelle aventure.
- 10/12/24
Cost killing. Après l’avoir mis en pratique au sein de X, de Tesla et de SpaceX, Elon Musk l’annonce comme sa future success-story à la tête de l’efficacité gouvernementale. Un buzz mondial. La méthode « à la hache » muskienne fait elle des émules parmi les dirigeants français en mal de productivité dans un contexte économique et géopolitique actuel pour le moins instable ? Veulent-ils, peuvent-ils s’en inspirer ? Le point de vue de quatre partners de cabinets intervenants sur la délicate question de réduction des coûts : Alban Neveux d’Advention, Romain Grandjean d’Avencore, Paul-André Rabate de CVA, et Thomas Chevre de Strategia Partners.
- 09/12/24
Le nouvel entrant au sein du groupe Kéa est un cabinet spécialiste des stratégies de développement des compétences; qui accompagne tant les acteurs institutionnels de l'emploi et de la formation que les grands groupes privés.
- 06/12/24
Jean-Hugues Monier, une vingtaine d’années chez McKinsey, est un partner français basé à New York parti récemment en retraite. Il a coordonné un vaste mouvement de solidarité de la part d’une ONG américaine, Friends of Notre-Dame-de-Paris, qui a grandement participé à la reconstruction de notre emblème national, en partie détruite par le feu en 2019. Il est même personnellement très impliqué dans cette association caritative en qualité de membre du conseil d’administration.
- 05/12/24
Les heureux élus se nomment Laure Charpentier, Bastien Godrix et Thibault Rochet, tous issus de l’interne. Au niveau mondial, Oliver Wyman annonce 45 élections de partners et directeurs exécutifs.
- 03/12/24
C’est l’un des secrets les mieux gardés par tout cabinet de conseil, a fortiori par McKinsey… Identité des grands groupes conseillés par le cabinet de conseil, clients faisant les belles heures du bureau parisien : Consultor lève le voile.