le media indépendant du
conseil en stratégie

icone burger fermee

rechercher sur le site

icone recherche
Featured

Serge Grudzinski, consultant comique

Après plusieurs années à faire le grand écart entre sa passion pour l’humour et le conseil en stratégie, Serge Grudzinski a fondé Humour Consulting, et intervient en entreprises pour attaquer les problèmes des employés… par le rire.

Quand on lui a suggéré de faire du conseil au sortir de Stanford, Serge Grudzinski s’est pincé le nez : « Merde, encore des études. »

05 Avr. 2019 à 05:48
Serge Grudzinski, consultant comique

Jusqu’alors, le jeune homme avait suivi un parcours tout tracé, dans l’excellence la plus studieuse.

Nantais émigré à Paris, élevé par des parents « classiques » dans le goût de l’effort et du dépassement de soi, il était parvenu, au terme d’une prépa à Stanislas, à intégrer l’École polytechnique sans trop se poser de questions.

Après quoi il s’était envolé pour Stanford pour plancher sur la thermodynamique et le nucléaire, « apprendre à faire des moteurs de bagnoles ». Les études sont ardues, « bovines ». Il s’en amuse, au début.

Consultant ou comique, il faut (pas) choisir

À l’époque, l’écart entre sa vie et ses aspirations lui semble encore tolérable. Aujourd’hui, il ne regrette pas d’avoir choisi. Du moins, à moitié. Car entre la scène et l’entreprise, Serge Grudzinski n’a jamais vraiment tranché. 

Comique prometteur et consultant, il dirige Humour Consulting, un groupe de conseil en management unique, qui l’a amené en vingt-cinq ans à intervenir dans 1 300 entreprises pour ressouder par le rire des équipes minées par des problèmes internes. Le fait est que Serge Grudzinski a toujours déconné. Le rêve était venu en prépa, après avoir vu Coluche briller à Bobino. Il s’était dit « ça, c’est la vie ».

À Stanford, il découvre le théâtre et monte sur les planches. Son professeur lui dit qu’il a sa place à Broadway. Il a la scène naturelle, une prise de parole facile, pas d’inhibition. « Les gens se marraient quand je l’ouvrais », raconte-t-il dans un café du boulevard Saint-Germain. Ses yeux tombants s’agitent au-dessus de son nez fort, on lui donnerait un air de Steve Carell. « C’était évident que c’était ma vocation, mais je me le cachais. »

La tension se fait jour lorsque, de retour en France au début des années 1980, il doit renoncer à la scène pour assurer les contraintes de la vie de couple. Les contingences matérielles l’emportent, il faut « rentrer dans le rang ».

Après quelques années chez Saint-Gobain à « jouer avec de grosses machines et faire l’ingénieur », il se résigne, à 29 ans, à passer les entretiens de cabinets de conseil. Au BCG, au terme d'un énième entretien, il est recalé par l’examinateur final. « Il a eu le nez creux, il a bien senti que je n’étais pas tout à fait à ma place », sourit-il.

Le comique prend la scène 

En 1984, il entre chez Mars & Co, où il passe un an à s’imprégner de la « méthodologie BCG » (Dominique Mars le fondateur de Mars & Co est un ancien du BCG, ndlr), puis rejoint Booz Allen Hamilton. Changement de culture. « C’était comme en direction générale : tu te démerdes. Tu es autonome, tu prends le problème du client et tu te débrouilles pour trouver des solutions. » Polyglotte, il est envoyé régulièrement à l’étranger, en Italie ou en Grèce, puis change encore de monture quand ses amis de Mars & Co fondent Strategic Partners. « J’y ai passé deux ans à me marrer comme une bête. »

Quand il parle de ses missions, Serge Grudzinski évoque d’abord les fous rires. En Italie, par exemple, auprès d’opticiens se targuant de ne jamais rouler leurs clients tout en dégageant des marges de 1 000 %, ou lorsqu’il faut sauver les apparences du consultant sérieux malgré l’accent à couper au couteau d’un directeur d’usine marocain. Le conseil lui plaît bien, en fin de compte. Il lui permet de voyager, c’est une forme d’aventure.

Mais son rêve est encore là, et l’écart entre sa passion et sa réalité ne cesse de se creuser. Car parallèlement au conseil, il a rejoint le groupe d’écriture Jalons, fondé par Basile de Koch, le frère de Karl Zéro. Tous ont des surnoms. Serge Grudzinski devient « Max de Bley ». Il écrit des pastiches de journaux, connaît un succès grandissant sur les radios libres, décroche en 1989 une chronique quotidienne sur Pacific FM, l’ancêtre de Rire et Chansons.

Une vie complètement déconnectée du conseil, dont il ne s’inspire jamais pour écrire ses textes. « Le conseil en stratégie m’a apporté de la rigueur, une capacité d’analyse, une vision exhaustive des enjeux, énumère-t-il, mais ce n’est pas comme faire rire une foule. » C’est pour se concentrer sur sa carrière comique qu’il s’éloigne du conseil. La réussite le porte jusqu’à Europe 1, puis Philippe Bouvard, longtemps directeur de la salle, l’intègre à Bobino. Un one man show suit.

Puis un jour, une amie lui souffle une idée. Et s'il employait ses talents pour aider les entreprises en difficulté ? Faire rire ne serait-il pas le meilleur outil pour rassembler des équipes démotivées, usées par des années de mésententes ? « J’ai fait quelques essais et ça a pris. Le comique est ravageur pour résoudre ces problèmes, pour remettre ensemble des gens qui se haïssaient professionnellement. »

Des réunions pour rire

Concrètement, comment ça marche ? « Une entreprise, c’est des gens qui doivent bosser ensemble, mais des murs psychologiques se dressent entre eux et les empêchent d’avancer : la frustration, la rancœur, le manque de bienveillance, l’appréhension, les émotions négatives. Et vous aurez beau faire intervenir McKinsey ou le BCG pour apporter une nouvelle méthode, rien ne changera si ces murs sont toujours en place. L'argent sera jeté par la fenêtre. »

En menant une série d’entretiens préliminaires dans l’entreprise, il tâche d’identifier les principaux problèmes, puis réunit les employés et les fait rire un bon coup. « Plusieurs fois des PDG m’ont dit “je ne comprends pas, McKinsey leur a pourtant balancé cinquante slides !” Ces murs sont faits d’émotions, on ne peut pas les démolir par la rationalité, il faut employer des émotions positives, et la plus forte d’entre elles : le rire. C’est seulement après qu’on peut avancer avec les conseils du BCG ou de McKinsey. »

En somme, Serge Grudzinski se félicite d’avoir « benchmarké » l’outil de motivation le plus puissant qui soit pour l’amener dans l’entreprise. « C’est le genre de vision venue du conseil qui m’a été utile. Le fait aussi d’avoir vu beaucoup de boîtes me permet d’intervenir partout. Mais surtout, le conseil m’a donné de la rigueur, et ma méthode, paradoxalement, est très rigoureuse. » Mais différente : partir de l’humain plutôt que d’appliquer un modèle uniforme, comme il reproche aux cabinets de conseil de le faire trop souvent. Des cabinets qui, d’après son expérience, ne sont pas très éloignés des autres entreprises où il est intervenu.

Des quelques missions qu'il a pu conduire auprès des équipes de consultants de Roland Berger, du BCG ou de BearingPoint, il ne note qu’une différence. « Ils peuvent avoir le cigare et penser qu’ils savent tout sur tout, s’amuse-t-il, après tout, c’est leur métier de résoudre des problèmes, mais cette culture d’entreprise peut être un frein à la résolution de problèmes personnels. Les gens restent des gens. »

Pierre Sautreuil pour Consultor.fr

Mars & Co McKinsey
05 Avr. 2019 à 05:48
tuyau

Un tuyau intéressant à partager ?

Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !

écrivez en direct à la rédaction !

commentaires (1)

Hélène BEGON
06 Jul 2021 à 19:51
Serge Grudzinski a fait plier de rire les équipes du commissariat général au développement durable aujourd'hui. Qu'il en soit remercié du fond de la rate !

citer

signaler

1024 caractère(s) restant(s).

signaler le commentaire

1024 caractère(s) restant(s).
10 + 3 =

L'après-conseil

  • Après Mawenzi, l’ex-associé recherche une PME lyonnaise à reprendre

    Guillaume Blondon, l’un des cofondateurs de Mawenzi Partners en 2010, a mis fin à son métier de consultant et d’associé de cabinet de conseil en stratégie.

  • L’esprit guinguette pour l’ancien consultant d’EY-Parthenon

    Paul Gobilliard, jeune consultant d’EY-Parthenon de 27 ans, a récemment démissionné pour se lancer avec son frère Baptiste dans un projet ambitieux de restauration qu’ils ont concocté depuis début 2024.

  • Arnaud de Bertier : « Chez McKinsey, je ne faisais pas partie des meubles, mais des murs ! »

    Une trentaine d’années au compteur de McKinsey. Alors senior partner, Arnaud de Bertier change de voie il y a 5 ans. Et il n’opte pas, en fin de carrière, pour la facilité. C’est un doux euphémisme. Sa destinée : prof de maths de collège en zone d’éducation prioritaire. Rencontre avec un homme réfléchi qui dit avoir trouvé sa – nouvelle – place.

  • Passion tattoos

    Le départ précoce d’une consultante junior chez Bain qui quitte le cabinet pour embrasser sa passion pour les tatouages.

  • Les bifurqueurs vers l’humanitaire : vers un alignement (de sens) des planètes

    Les changements de cap peuvent être pour le moins radicaux. Certains consultants ou ex-consultants décident de quitter les salons dorés du conseil pour se consacrer aux grandes causes humanitaires et philanthropiques. Portraits de trois d’entre eux : Daphné Maurel, Alban du Rostu, deux alumnis de McKinsey, et Bahia El Oddi, une ancienne de Bain, pour qui il était devenu temps d’aligner les planètes de leurs valeurs profondes avec leur carrière pro.

  • Prima : le nouvel entrant de la piz’ parisienne premium

    La restauration chez Jean-Stéphane de Saulieu, c’est un truc qui vient de loin, de sa famille auvergnate, et un avec lequel on ne rigole pas. Voilà un an, l’ancien associate partner de Bain a tiré un trait sur 10 ans de carrière dans le conseil pour un virage pro à 180 degrés. Il est, depuis le début de l’année, le gérant d’une pizzeria haut de gamme aux Batignolles à Paris. Un modèle qu’il compte vite répliquer. Il explique à Consultor les raisons de cette mini-révolution professionnelle – dans laquelle le background conseil sert à tout… et à rien à la fois !

  • « Ginette » réunit tous ses anciens

    Avencore, le cabinet de conseil en stratégie spécialiste de l’industrie, est le partenaire unique de la Soirée Ginette Alumni, une réunion de tous les anciens du prestigieux lycée privé Sainte-Geneviève – une première du genre.

  • Nouveau « brûlot » littéraire d’un ancien du conseil en stratégie

    Il est un secteur qui décidément inspire de plus en plus la littérature. Le conseil en stratégie, et en décor ses cabinets stars, est au cœur de l’intrigue fictionnelle de Bruno Markov, pseudo d’un ex du secteur. Le Dernier Étage du monde, un premier roman au vitriol qui éreinte par là même l’univers des banques d’affaires et de la tech, vient en effet de paraître dans une maison parisienne reconnue, Anne Carrière.

  • « Il y a 3500 partners chez McKinsey, nous ne partageons pas tous les mêmes valeurs morales »

    Après 17 ans chez McKinsey Allemagne et France, Carsten Lotz, 46 ans, ouvre une nouvelle page blanche de son parcours. L’ex-associé énergie/ferroviaire se consacre aujourd’hui à 100 % à ses premières compétences de cœur : la théologie et la philosophie. Introspection et réflexion à temps complet sont ainsi inscrites à son programme. À des années-lumière de la vie à mille volts de consultant et de ses valeurs fondamentales…

Super Utilisateur
L'après-conseil
Serge Grudzinski, humour Consulting, rire, mars & co, dominique mars, Jalons, Basile de Koch, Karl Zéro, Bobino, détente
3777
Mars & Co McKinsey
2021-09-26 20:14:25
1
L'après-conseil: Serge Grudzinski, consultant comique
à la une / articles / Serge Grudzinski, consultant comique